Responsabilité de l'employeur
Cour de cassation, 2e chambre civile, 17 mars 2010, n° 09-13.287
« L'employeur avait, ou aurait dû avoir conscience du danger notoirement connu, et il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver Mme X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés »
L'analyse. Mme X... est employée par une association en qualité d'aide-soignante au sein d'un établissement accueillant des personnes polyhandicapées. Elle est agressée par un résidant de cet établissement. Cet accident est déclaré et pris en charge au titre de la législation professionnelle. Selon le Code de la Sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise (1). À ces critères, une jurisprudence déjà ancienne a logiquement ajouté que l'accident doit être à l'origine d'une lésion (2). À noter que si la lésion peut bien entendu être physique, elle peut également être psychologique. Ainsi, il y a accident du travail en cas de troubles psychologiques consécutifs à un choc émotionnel provoqué par une agression sur le lieu de travail (3).
L'accident du travail ouvre le droit pour la victime à une indemnisation. Les dommages résultant de l'accident donnent, en effet, lieu à une réparation forfaitaire par la Sécurité sociale, sous forme de prestations en nature (frais de santé, éventuels prothèses et appareillages, réadaptation fonctionnelle, etc.) et de prestations en espèces (indemnités journalières versées en cas d'arrêt de travail, éventuellement rente d'incapacité). La loi, plus particulièrement le Code de la Sécurité sociale, a prévu ces réparations spécifiques : la victime ne peut donc en principe exercer un autre recours pour réclamer une indemnisation supplémentaire à l'employeur (4).
Or, il existe des exceptions à cette règle, notamment lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur. Dans ce cas, le salarié peut prétendre au bénéfice d'une indemnisation complémentaire (5). Celle-ci prendra, le plus souvent, la forme d'une majoration de la rente d'incapacité de la victime, ainsi que de l'indemnisation des autres préjudices subis comme le préjudice esthétique, d'agrément (6) ; ou encore la diminution des possibilités de promotion professionnelle (7). Ces sommes seront versées par la caisse primaire d'assurance maladie, puis récupérées par celle-ci auprès de l'employeur. Ce qui signifie un surcoût pour ce dernier.
Protéger la santé des salariés
De façon générale, l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité, il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (8). Cette obligation est particulièrement forte car elle est qualifiée d'obligation de résultat par la jurisprudence. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (9).
Attention. La faute éventuelle du salarié n'exonère pas l'employeur de sa responsabilité en cas de faute inexcusable. Seule une faute inexcusable de la victime elle-même peut permettre de réduire l'indemnisation complémentaire (10). Dans l'arrêt du 17 mars 2010, l'aide-soignante agressée par un résidant réclame une indemnisation complémentaire au titre de la faute inexcusable de son employeur. L'employeur faisait valoir la spécificité de l'établissement dont l'activité était l'accueil de personnes souffrant d'instabilité psychique et ayant un comportement violent. Il relève qu'aucun fait ou rapport particulièrement inquiétant sur la situation du résidant « agresseur », qui aurait rendu nécessaire la mise en place de mesures particulières de sécurité, n'avait été porté à sa connaissance. Par conséquent, dans ce contexte particulier inhérent à la spécificité de l'établissement dans lequel s'est produit l'accident, il ne peut lui être reproché de n'avoir pu pressentir le danger que pouvait présenter le comportement de ce résidant.
À tort selon la Cour de cassation, car pour elle l'employeur avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger notoirement connu constitué par l'instabilité psychique et la violence du comportement de certains usagers, et il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver la salariée.
(1) Code de la Sécurité sociale, art. L411-1
(2) Cass. soc., 17 février 1988, n° 86-10.447
(3) Cass. civ., 2e, 15 juin 2004, n° 02-31.194
(4) Cass ; civ., 2e, 22 février 2007, n° 05-11.811.
(5) Code de la Sécurité sociale, art. L452-1
(6) Cass. civ, 2e 14 février 2007, n° 05-11.819
(7) Cass. civ., 2e, 20 sept. 2005, n° 04-30.278
(8) Code du travail, art. L4121-1
(9) Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-16.535
(10) Cass. civ., 2e, 17 janvier 2007, n°05-17.701
Florence Riquoir Juriste Cabinet Capstan - Pôle santé
Publié dans le magazine Direction[s] N° 76 - août 2010