Cour de cassation, chambre sociale, 25 janvier 2011, n°09-42.766
« Dès lors que le salarié informe son employeur de son classement en invalidité de deuxième catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, il appartient à celui-ci de prendre l'initiative de faire procéder à une visite de reprise, laquelle met fin à la suspension du contrat de travail ».
L'analyse. Le classement en invalidité de deuxième catégorie d'un salarié malade ou accidenté relève de la Caisse primaire d'assurance maladie. Cette catégorie, qui correspond aux « invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque » (1), permet à la Sécurité sociale de déterminer le montant du droit à pension d'un assuré social. Cette décision n'implique pas que son bénéficiaire soit inapte au sens du droit du travail (2).
En principe, ce classement n'a donc aucune influence sur le contrat, qui est généralement suspendu par un (ou des) arrêt(s) de travail successif(s). Par ailleurs, la jurisprudence considère depuis longtemps que « au cours de la suspension du contrat de travail, l'employeur n'est pas tenu de faire constater l'inaptitude du salarié ». À plusieurs occasions, la Cour de cassation a ainsi déjà estimé que la décision de classement en invalidité de deuxième catégorie d'une salariée n'imposait pas à l'employeur de saisir le médecin du travail pour organiser une visite de reprise puis, éventuellement de prononcer le licenciement si le salarié, déclaré inapte, ne peut être reclassé. En l'absence de demande de reprise du travail par le salarié (3), le contrat de travail restait suspendu.
Dans une autre affaire, une salariée embauchée en 1978 par une association hospitalière a été placée en arrêt maladie en 1983. N'ayant pas demandé à reprendre ses fonctions, elle a été classée en invalidité de deuxième catégorie, le 7 septembre 1984, et a perçu, à compter de cette date, une pension d'invalidité des organismes de prévoyance. Elle n'a pas repris son activité professionnelle, ni fait l'objet d'un licenciement. Il a donc été jugé que son contrat de travail était demeuré suspendu jusqu'à sa mise à la retraite (4). Ainsi, l'employeur qui n'envisageait pas de licencier le salarié pour inaptitude, n'avait pas à prendre l'initiative d'une visite de reprise si le salarié ne demandait pas à ne pas retravailler. Il appartenait éventuellement, au salarié de solliciter cet examen s'il le jugeait utile. Par exemple, la demande de salariés placés en arrêt de travail, puis classés en invalidité de deuxième catégorie, et qui considéraient qu'ils auraient dû alors être licenciés pour inaptitude, a déjà été rejetée (5).
Suspension du contrat de travail
Toutefois, une décision récente est venue modifier ces règles pourtant bien établies. Dans un arrêt du 25 janvier 2011, la Cour de cassation a jugé que, dès lors que le salarié informe son employeur de son classement en invalidité de deuxième catégorie, il appartient à ce dernier de faire procéder à une visite de reprise, même si le salarié n'a pas manifesté son souhait de reprendre le travail. C'est la visite qui met fin à la suspension du contrat de travail.
Plusieurs changements doivent donc être opérés par les directeurs. Désormais, dès qu'ils sont informés, ils doivent organiser une visite médicale, dans les conditions habituelles (6). C'est à l'issue de cette visite que le médecin du travail décidera si le salarié est (partiellement) apte, ou non, à la reprise. Seule exception à cette nouvelle règle : le cas d'un salarié qui manifeste expressément sa volonté de ne pas reprendre le travail. Dans ce cas, la jurisprudence nouvelle ne semble pas imposer d'obligation particulière au directeur, et le contrat reste donc suspendu.
Dans un arrêt de février 2011, la Cour est venue confirmer cette position nouvelle. En l'espèce, le salarié qui avait été classé en invalidité de deuxième catégorie en 2001, avait pris l'initiative d'organiser une visite de reprise, à l'issue de laquelle il avait été « déclaré inapte définitivement à tout poste avec une possibilité de reclassement ». N'ayant été ni reclassé ni licencié, il demande la résiliation judicaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en 2004. La Cour de cassation lui a donné raison, et a rappelé la nouvelle règle. L'employeur doit prendre l'initiative de la visite de reprise, puis suivre la procédure idoine : reclassement, adaptation du poste, reprise du paiement des salaires ou licenciement pour impossibilité de reclassement dans le délai d'un mois. Faute de quoi, il pourrait se voir condamner par les prud'hommes, par exemple suite à une prise d'acte de la rupture par le salarié pour non-respect de ses obligations, qui équivaudrait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
(1) Code de la Sécurité sociale, art. L341-4
(2) Cass. civ. 2e, 8 avril 2010, n° 08-70.464 ; sur le régime de l'inaptitude, lire Direction(s) n° 45 , p. 13 et n° 67, p. 36
(3) Cass. soc., 27 janvier 1998, n°95-44.168
(4) Cass. soc., 8 avril 2010, n°08-70.464
(5) Cass. soc., 6 octobre 2010, n° 09-13.149
(6) Code du travail, art. R4624-21 et suiv.
(7) Cass. soc.,15 février 2011, n° 09-43.172
Florence Riquoir, juriste, cabinet Capstan
Publié dans le magazine Direction[s] N° 84 - mai 2011