Cette étude (1) a pour objectif de caractériser les relations qu’entretient l’aide à domicile avec les autres professionnels, sa hiérarchie et ses collègues, ainsi qu’avec la personne aidée et son entourage. L’objectif consiste notamment à mesurer le degré d’isolement de l’aide à domicile dans son travail et en repérer tant les avantages en termes d’autonomie que les désagréments en tant que manque de référent ou de repères en cas de problème. […]
Près de la moitié des aides à domicile déclarent avoir, en général, souvent voire toujours, pour effectuer leur travail, la possibilité d’échanger de l’information ou de coopérer avec d’autres personnes. A contrario, un tiers indique ne jamais avoir cette possibilité. Ce contraste renvoie principalement au mode d’emploi du salarié : les intervenants en emploi direct ont nettement moins souvent cette possibilité que ceux en mode prestataire, en mode mandataire ou mixte. 75 % d’entre eux déclarent ne jamais pouvoir échanger avec d’autres personnes contre seulement 17 % des salariés en mode prestataire et 25 % de ceux en mode mandataire ou mixte. La présence de collègues ou de supérieurs augmente donc les possibilités d’échanges pour les aides à domicile liés à une structure.
Par ailleurs, 73 % des salariés en mode prestataire et 56 % de ceux en mode mandataire ou mixte déclarent avoir l’occasion d’aborder collectivement avec d’autres personnes du service des questions relatives à l’organisation de leur travail ou à des difficultés liées aux relations avec la personne aidée ou sa famille. […]
Ainsi, même s’il est seul à domicile, le professionnel en mode prestataire et à moindre degré, celui en mode mandataire ou mixte, peut parler de ce qu’il s’y passe, échanger avec des homologues sur leurs pratiques, confronter des regards et des expériences. On peut en déduire qu’il aura une autre perception du rôle et du travail de l’aide à domicile. […]
L'usager au cœur des échanges
L’intervention d’autres professionnels auprès des personnes aidées (professionnel médical, paramédical ou autre aide à domicile principalement) n’implique pas forcément que les aides à domicile aient des contacts avec eux. Pour 36 % des interventions décrites, l’aide à domicile n’a jamais, ou rarement, de contacts avec ces autres professionnels. Si on ajoute les 12 % d’interventions pour lesquelles il n’y a pas d’autres intervenants identifiés, on constate que dans la moitié des interventions, l’aide à domicile n’a au mieux que rarement des contacts avec d’autres professionnels. […]
Les échanges entre professionnels autour d’une personne aidée n’ont le plus souvent aucun cadre formel, que ce soit pour les salariés en mode prestataire (81 %), en mode mandataire ou mixte (84 %) ou en emploi direct (94 %). De ce fait, ces échanges paraissent fragiles car, on peut le supposer, dépendant des personnalités de chaque professionnel et de la situation de la personne aidée. […] Les échanges entre professionnels autour de la personne aidée sont perçus par les aides à domicile avant tout comme un moyen pour mieux aider la personne (90 %). Plus rarement est évoqué le fait qu’ils leur apportent un soutien psychologique (26 %) ou simplement leur permettent de parler de leur métier d’intervenant (22 %).
Des interventions individualisées
Ces réponses pointent la volonté des aides à domicile – au travers de ces échanges – d’individualiser chaque intervention en prenant en compte toute la particularité de la personne aidée plutôt que le besoin d’y évoquer leurs éventuelles difficultés alors que, si la plupart des aides à domicile de services prestataires ou mandataires ont la possibilité par ailleurs de parler de leurs difficultés au cours de réunions de travail, il n’en est rien pour les salariés en emploi direct exclusif. La personne fragile est ainsi placée au cœur de l’intervention. […] Cette individualisation est aussi un moyen de valoriser un travail qui peut, par certains côtés, être considéré comme un « sale boulot ». […]
Échanger ne semble d’ailleurs pas une condition sine qua non aux yeux des aides à domicile pour effectuer correctement leur travail, d’autres critères sont davantage valorisés. Si on observe le pourcentage d’intervenants ayant répondu « très important », la patience arrive en tête (94 % des intervenants le retiennent), puis l’écoute, le respect des règles d’hygiène et la ponctualité alors que seuls 43 % ont répondu que l’échange avec d’autres intervenants était très important pour effectuer correctement leur travail. […]
Les autres professionnels et la hiérarchie sont considérés comme des acteurs secondaires de cette relation qui certes peuvent permettre de l’améliorer, mais ne sont pas une condition essentielle pour la qualité de la prise en charge.
D’ailleurs, parmi les principaux aspects positifs de leur métier, les aides à domicile valorisent avant tout la relation avec l’aidé et l’utilité de leur travail. Plus de neuf intervenants à domicile sur dix déclarent que les relations avec les personnes aidées ont toujours ou souvent une dimension « conviviale ». 78 % déclarent que ce métier permet de rencontrer beaucoup de gens et 68 % que c’est un métier utile. Les autres aspects positifs (apport personnel, liberté d’organisation…), peut-être parce que les aides à domicile exercent une profession souffrant souvent d’un manque de reconnaissance, sont nettement moins cités (moins de 20 %). […]
Peu ou pas de consignes
Dans la moitié des interventions décrites, l’aide à domicile déclare ne pas avoir reçu de définition précise de ce qu’il doit faire chez la personne concernée et dans un peu plus de la moitié des interventions avoir été seul lors du premier rendez-vous au domicile de la personne fragile (graphique 6). La famille était présente dans 30 % des cas. Un responsable ou un collègue est plus rarement présent (17 % des cas). […]
trois intervenants sur dix, déclarent qu’en général, ils ne reçoivent que parfois ou jamais d’ordres, de consignes ou de modes d’emploi de la part de la personne aidée, de sa famille ou de leur hiérarchie, la première fois qu’ils interviennent chez une personne. […]
Alors que l’on pourrait supposer que de par son rôle d’employeur, la structure prestataire ait toujours un rôle important dans la définition du travail lors de la première intervention, les ordres émanant du responsable sont un peu moins fréquents que ceux émanant de la personne aidée : 51 % des intervenants à domicile en mode prestataire reçoivent ainsi toujours ou souvent des ordres de leur hiérarchie et 55 % de la personne aidée. […]
Dans sept cas sur dix, l’intervenant planifie ses tâches au sein d’une intervention seul ou en concertation avec la personne aidée. […]
Par ailleurs, le manque d’encadrement ou la solitude dans l’exercice du métier sont très peu cités comme aspects négatifs du métier : seuls 7 % des intervenants l’ont mentionné, loin derrière l’insuffisance de rémunération (33 %) ou le manque de valorisation de la profession (25 %). […]
Des cas de tension fréquents
Malgré la relative autonomie des aides à domicile pour gérer et organiser les tâches et la co-construction de l’aide, des désaccords avec la personne fragile à propos du périmètre d’intervention et de ses limites peuvent se produire. Ainsi, 58 % des aides à domicile connaissent des situations de tension avec la personne aidée ou la famille, 13 % souvent voire toujours et 45 % parfois. […]
En outre, 20 % des intervenants considèrent qu’il leur arrive souvent voire toujours d’assumer des responsabilités qui ne sont pas de leur ressort et 43 % déclarent que cela leur arrive parfois. Ils sont aussi 43 % à déclarer avoir déjà rencontré des difficultés suite à une demande pour réaliser des actes qui sortent du rôle de l’aide à domicile (soins, médicaments, tâches ménagères non courantes…), 36 % suite à une demande pour faire une tâche qu’ils ne voulaient pas faire (gros nettoyage, ramasser les défécations…) et 48 % suite à un changement de l’état de santé de la personne. […] Le lien entre l’occurrence des situations de tension et la définition du périmètre d’intervention est ici clairement mis en évidence. […]
Un quart des intervenants indiquent qu’il y a souvent voire toujours des moments où ils sont obligés de se débrouiller seuls dans des situations difficiles. 48 % estiment que cela leur arrive parfois et 27 % jamais. […] Pour les salariés dépendant d’un organisme, le principal recours en cas de conflit est d’en parler à un autre professionnel, leur responsable le plus souvent.
(1) L’étude, réalisée à partir de l’enquête auprès des intervenants au domicile des personnes fragilisées en 2008, se base à la fois sur l’activité des aides à domicile, décrite de façon générale par celles-ci, et sur des descriptions tirées d’une semaine et d’une intervention de référence.
Carte d'identité
L’organisation du métier d’aide à domicile : entre autonomie et isolement professionnel, in Les conditions de travail des aides à domicile en 2008,Dossier Solidarité et santén° 30, juillet 2012, Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).
Auteurs : Anne Loones et Pauline Jeauneau (CRÉDOC)
http://www.drees.sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier30.pdf
Publié dans le magazine Direction[s] N° 99 - octobre 2012