Créée par la loi portant modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle rencontre un véritable succès [1]. Elle consiste en la volonté commune de l’employeur et du salarié de rompre le contrat qui les lie [2]. Elle ne peut être imposée à l’une ou l’autre des parties et doit résulter d’une volonté libre et éclairée, ce qui n’empêche pas l’employeur d’en prendre l’initiative.
Largement admise, la rupture conventionnelle peut être signée dans un contexte de litige avec le salarié, y compris lorsqu’une procédure disciplinaire est en cours. Elle est également possible en période de suspension du contrat (accident du travail, maladie, maternité, congés payés). Elle ne saurait en revanche permettre de rompre, de façon anticipée, un contrat à durée déterminée.
Si la démarche peut intervenir alors que l’entreprise rencontre des difficultés économiques, elle ne peut être utilisée afin de contourner les règles spécifiques du licenciement collectif pour motif économique. Le salarié doit donc être dûment informé de ses droits afin qu’il puisse accepter la rupture conventionnelle en toute connaissance de cause.
1 Quelle étapes observer ?
La conclusion d’une rupture conventionnelle suppose de suivre trois étapes.
1. Entretien(s) entre l’employeur et le salarié. Les modalités (date, montant de l’indemnité de rupture) doivent être déterminées au cours d’un ou de plusieurs entretiens. Dans la mesure où ceux-ci permettent de garantir la liberté de consentement des parties, la Cour de cassation en fait une condition substantielle de la rupture conventionnelle. Ainsi, en l’absence d’entretien, la démarche est nulle [3].
Au cours de cette entrevue, le salarié peut se faire assister par une personne appartenant au personnel de l’entreprise ou, en l’absence de représentant, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative. Il doit alors en informer l’employeur avant la date fixée pour l’entretien.
Dans cette hypothèse, l’employeur peut également se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, dans celles de moins de 50 salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche [4] .
Contrairement à la procédure de licenciement, aucun délai n’est imposé entre la convocation du salarié et la tenue de l’entrevue, mais il est en pratique conseillé de convoquer le salarié suffisamment à l’avance afin qu’il ait la possibilité réelle de se faire assister.
2. Signature de la convention de rupture. La convention de rupture est établie sur un formulaire Cerfa. En pratique, il est recommandé de l’établir en trois exemplaires : un pour l’employeur, le deuxième qui sera remis contre décharge au salarié le jour de la signature et le troisième qu’il faut transmettre à l’administration. Ce document peut, le cas échéant, être complété par une convention de rupture ad hoc afin de régler certaines questions spécifiques : sort de la clause de non-concurrence ou restitution du matériel par exemple.
La convention doit mentionner d’une part la date envisagée de la rupture, qui doit être fixée au plus tôt le lendemain du jour de l’homologation, d’autre part le montant de l’indemnité spécifique de rupture, qui ne peut être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement ou de l’indemnité conventionnelle lorsqu’elle est supérieure.
Les parties n’ont pas à faire état des raisons pour lesquelles elles souhaitent rompre le contrat qui les liait.
Aucun délai ne leur est imposé pour signer la convention de rupture. Elle peut donc être paraphée pendant le seul et unique entretien [5]. Toutefois, afin d’éviter les décisions hâtives, chacune des parties dispose d’un droit de rétractation de 15 jours calendaires à compter du lendemain de la signature de la convention. Il est conseillé à celle qui souhaite se rétracter de le faire par lettre recommandée avec accusé réception ou par lettre remise en mains propres contre décharge. La partie qui souhaite se rétracter n’a pas à expliquer les raisons de son choix.
3. Demande d’homologation auprès de la Direccte. À l’issue du délai de rétractation, la convention doit être adressée à l’administration (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – Direccte) pour homologation. Si la rupture conventionnelle est adressée avant la fin du délai de rétractation, la Direccte est fondée à refuser l’homologation de la convention [6]. Cette étape lui permet de s’assurer du libre consentement des parties, elle n’a pas, en revanche, à contrôler l’existence du motif qui justifierait la rupture conventionnelle.
À compter de la réception de la demande, l’administration dispose d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables. Si ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. À défaut de réponse de l’administration, l’homologation est réputée acquise.
Si la rupture conventionnelle est conclue avec un salarié protégé, celle-ci doit être soumise, non pas à l’homologation de la Direccte mais à l’autorisation de l’inspection du travail.
2 Et après la rupture du contrat ?
Tant que le contrat n'est pas arrivé à expiration, le salarié poursuit son activité dans les conditions habituelles. En revanche, une fois la rupture intervenue, l'employeur doit remettre au salarié les documents de fin de contrat : certificat de travail, attestation Pôle emploi, solde de tout compte. Le salarié peut prétendre aux allocations chômage.
Transaction postérieure à la rupture. Si la Cour de cassation admet la possibilité de conclure une transaction après une rupture conventionnelle, cette démarche est encadrée. D’une part, la transaction ne peut être conclue avant l’homologation de la rupture conventionnelle. D’autre part, elle ne doit avoir vocation qu’à régler un litige relatif, non pas à la rupture du contrat, mais à l'exécution du contrat de travail (heures supplémentaires par exemple) [7].
Recours contentieux. Tout recours concernant la convention, son homologation ou le refus d'homologation doit être présenté devant le conseil de prud'hommes dans les 12 mois suivant la date d'homologation de la convention. Le conseil de prud’hommes est exclusivement compétent. S’agissant des salariés protégés, les recours doivent être formés devant les tribunaux administratifs.
[1] En juin 2017, 35 700 ruptures conventionnelles étaient signées selon la Dares, soit le nombre le plus élevé de ruptures conventionnelles depuis leur instauration.
[2] Code du travail, art. L1237-11
[3] Cass. soc., 1er décembre 2016, n° 15-21609
[4] Code du travail, art. L1237-12
[5] Cass. soc., 3 juillet 2013, n° 12-19268
[6] Cass. soc., 14 janvier 2016, n° 14-26220
[7] Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-21136
Lou Patez et Cédric Martins, avocats à la Cour, cabinet Barthélémy avocats
Les ruptures conventionnelles collectives des ordonnances Macron
Parmi les innovations des « ordonnances Macron », la création d’une rupture conventionnelle collective destinée à sécuriser les départs volontaires [1]. Exclusive de tout licenciement et donc de l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), les ruptures conventionnelles collectives sont décidées dans le cadre d’un accord collectif majoritaire fixant notamment le nombre maximal de départs envisagés, les modalités de calcul de l’indemnité de rupture, mais aussi les mesures visant à favoriser le reclassement externe des salariés. L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié emportera rupture d’un commun accord du contrat de travail. Cet accord devra être validé par la Direccte [2].
[1] Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail
[2] Lire Direction[s] n° 163, p. 32
Publié dans le magazine Direction[s] N° 169 - novembre 2018