La fin de carrière d’un salarié, dont la procédure diffère selon sa volonté, est rarement anticipée. Or, le départ à la retraite n’est pas nécessairement souhaité par le professionnel. Le Code du travail permet alors à l’employeur de l’imposer sous certaines conditions.
1 Départ contraint ou mise à la retraite par l’employeur
La mise à la retraite est la possibilité donnée à l’employeur d’initier la rupture du contrat de travail d’un salarié ayant atteint l’âge de 67 ans (pour les générations nées à compter de 1955) ouvrant droit à une retraite « à taux plein ».
Préalablement, l’employeur doit respecter une procédure de questionnement sur l'intention de quitter l’organisation. En pratique, il interroge le salarié, par écrit, trois mois avant que celui-ci atteigne l’âge de la liquidation à taux plein. Ce dernier dispose alors d’un mois pour répondre. En cas de retour négatif, aucune mise à la retraite ne peut être prononcée pendant une année. La même procédure s'applique ensuite pendant les années suivantes jusqu'aux 70 ans de l'intéressé.
Lorsque le salarié est âgé de 70 ans ou plus, l’employeur peut décider unilatéralement de sa mise à la retraite. Pour apprécier l’âge du professionnel concerné, l’employeur doit tenir compte du terme du préavis (date d’effet de la mise à la retraite), étant précisé que le délai commence à courir au jour de la notification de la mise à la retraite. En d’autres termes, la notification peut intervenir avant les 70 ans du salarié dès lors que la mise à la retraite prend effet, au plut tôt, le jour de cet anniversaire.
Attention. Si l’employeur méconnaît la procédure applicable, la rupture du contrat de travail pourrait être requalifiée en licenciement nul, puisque liée à l'âge du salarié, sur un motif discriminatoire [1].
Même si le Code du travail est muet sur le formalisme de la rupture, il est conseillé, pour des raisons évidentes de preuve, de notifier la mise à la retraite par lettre recommandée avec accusé de réception (AR) ou remise en main propre. Si le salarié a moins de 70 ans, il est également préférable de conserver sa réponse écrite.
S’agissant d’un mode de rupture du contrat de travail, l'employeur est tenu d'observer une période de préavis. En outre, le professionnel bénéficie d’une indemnité de mise à la retraite, égale à l’indemnité légale de licenciement, sauf disposition conventionnelle ou contractuelle plus favorable. En l'occurrence, le préavis le plus long serait le plus favorable pour le salarié. Selon la Cour de cassation, lorsqu'il n'existe pas de préavis conventionnel de mise à la retraite, il convient de faire appliquer le préavis conventionnel de licenciement le plus favorable [2].
Enfin, pour les salariés protégés, l’employeur doit obtenir l’accord de l’inspecteur du travail et respecter la procédure applicable pour les représentants du personnel (entretien préalable/avis du comité social et économique – CSE – si le mandat l’exige).
2 Départ volontaire à la retraite
Le départ volontaire à la retraite n’est possible que si le salarié est en âge de bénéficier d’une pension de retraite. Les réformes législatives successives ont modifié l’unique condition tenant à l’âge du salarié, fixé progressivement à 62 ans (selon l’année de naissance).
À noter. Le salarié n'a pas toujours intérêt à faire valoir ses droits à la retraite s’il n’est pas en mesure de bénéficier du « taux plein ».
Par opposition à la mise à la retraite, la rupture du contrat dans le cadre d’un départ volontaire doit, par définition, résulter de la volonté, claire et non équivoque, du professionnel (raisonnement analogue à la démission). À défaut, cette rupture pourrait s'analyser comme un licenciement. C’est pourquoi, même si la loi ne précise rien quant au formalisme du départ en retraite, l’employeur doit impérativement obtenir un écrit du salarié sollicitant son départ en retraite et être particulièrement vigilant quant au contexte de la rupture (invalidité, harcèlement, etc.). En effet, si le départ est équivoque, compte tenu de circonstances contemporaines au départ du salarié, la rupture s’analysera en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse voire nul [3]
Quant aux modalités de départ, le salarié est tenu d’exécuter son préavis et perçoit une indemnité de départ en retraite s’il justifie d’au moins dix ans d’ancienneté. Le taux de l’indemnité varie selon celle-ci. Dans le secteur social et médico-social, son appréciation peut s’avérer litigieuse. En effet, il ne faut pas confondre l’appréciation de l’ancienneté permettant de déterminer l’indemnité de départ en retraite et la prise en considération de l’expérience antérieure du salarié pour la détermination de la classification. À titre d’exemple, s’agissant de la convention collective nationale de 1951 (CCN 51), la cour d’appel de Rennes a récemment retenu un cet argumentaire en calculant l’ancienneté acquise au titre uniquement du contrat de travail en cours, au sein de la structure, au moment de la rupture [4]. Concernant la CCN de 1966, l’ancienneté s’apprécie soit au niveau de la seule association employeur au jour de la rupture du contrat de travail soit au niveau de la branche (pour les salariés cumulant des périodes travaillées au sein de structures entrant dans le champ d’application de la CCN).
Reste à savoir si la réforme des retraites initiée en mai dernier par le gouvernement sera déposée au Parlement cette année…
[1] Cass., soc., 21 décembre 2006, n° 05-12.816
[2] Cass., soc., 15 mai 2007, n° 05-45.234
[3] Cass., soc., 20 octobre 2015, n° 14-17.473
[4] CA Rennes, 23 novembre 2018, n°16/05984
Gaëlle Cassan, avocate, Picard avocats, membres du réseau ACC3S
Calcul des indemnités en fonction des conventions collectives
| Indemnité de mise à la retraite | Indemnité de départ en retraite |
CCN du 31 octobre 1951 | Dispositions légales | - 1 mois : de 10 à 14 ans d'ancienneté - 2 mois : de 15 à 19 ans d'ancienneté - 4 mois : de 20 à 24 ans d'ancienneté - 5 mois : de 25 à 29 ans d'ancienneté - 6 mois : à partir de 30 ans d’ancienneté |
CCN du 15 mars 1966 | Dispositions légales | - 1 mois : 10 ans d'ancienneté au service de la même association - 3 mois : 15 ans d'ancienneté dans une activité relevant de la branche - 6 mois : 25 ans d'ancienneté dans une activité relevant de la branche |
CC de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010 | Vigilance ! Dispositions légales plus favorables selon l’ancienneté. -entre 2 et 10 ans d'ancienneté, 1/5 de mois par année d'ancienneté (moins favorable dispositions légales) -10 ans d'ancienneté, 1/5 de mois par année d'ancienneté et 2/15 de mois par année au-delà de 10 ans | - 1/2 de mois après 5 ans d'ancienneté - 1 mois après 10 ans d'ancienneté - 1 mois et demi après 15 ans d'ancienneté - 2 mois après 20 ans d'ancienneté - 2 mois et demi après 25 ans d'ancienneté - 3 mois après 30 ans d'ancienneté |
Publié dans le magazine Direction[s] N° 172 - mars 2019