En application de la hiérarchie des normes et du principe de faveur, un usage ou un engagement unilatéral [1] sont nécessairement plus favorables aux salariés : ils ne peuvent déroger, dans un sens moins avantageux, à un texte d’un rang supérieur (accord collectif, convention collective, Code du travail).
Constance, généralité et fixité
La définition de l’usage n’a pas varié depuis plusieurs décennies : cette pratique – non écrite – doit revêtir les caractéristiques suivantes : constance, généralité et fixité. Elles sont cumulatives et devront être démontrées par un salarié en revendiquant l’existence à son profit. L’erreur n’étant pas créatrice de droit, elle n’est pas plus créatrice d’usage. Il peut concerner un groupe homogène de salariés objectivement identifiable, sans obligatoirement toucher l’ensemble des salariés.
L’engagement unilatéral ne répond pas à une définition aussi précise. Toutefois, il doit nécessairement être écrit et, comme l’usage, concerner une catégorie homogène de salariés identifiable. Il implique évidemment un acte « positif » de l’employeur. Et à la différence de l’usage, il peut être à durée déterminée ou indéterminée. Dans le premier cas, il ne pourra pas être dénoncé.
À noter. Pour les associations soumises à l’article L314-6 du Code de l'action sociale et des familles (CASF), l’agrément de ces pratiques est une condition de leur opposabilité à l’employeur [2]. La position de la Cour de cassation pourrait être amenée à évoluer pour les structures sous contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM), puisque depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, l’agrément des accords collectifs n’est plus nécessaire, de sorte que celui des usages et engagements unilatéraux devrait être désormais sans objet.
Une modification possible ?
La Cour de cassation répond invariablement par la négative. Pour l’usage, le critère de constance s’oppose évidemment à toute variation ou modification de ce principe. Pour éviter la création d’un usage, mieux vaut en modifier le plus rapidement possible le contenu. La jurisprudence refuse également, en dehors de toute dénonciation régulière, la possibilité de modifier un l’engagement unilatéral, quel qu'il soit.
La fin de la pratique
Cette dénonciation, qui n’a pas être motivée, répond à des principes simples :
- une information des instances représentatives du personnel (IRP) ;
- une information individuelle des salariés ;
- le respect d’un délai de prévenance suffisant.
L’information (et non la consultation) doit concerner l’ensemble des IRP : comité d'entreprise (CE), d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), délégués du personnel (DP) et aujourd’hui le comité social et économique (CSE). Si l’usage ou l’engagement concerne l’ensemble de l’organisation, une information du comité central d'entreprise (CCE) ou du CSE central sera également requise. Mais si la dénonciation aura des conséquences sur la marche générale de l’association ou sur les conditions de travail des salariés, une information-consultation du CE et du CHSCT (ou du CSE) devra être réalisée.
À noter. Si la jurisprudence vise les IRP, il conviendrait d’informer les éventuels délégués syndicaux, ceux-ci ayant vocation à négocier un accord de substitution.
S’agissant de l’information individuelle des salariés, elle doit s'adresser à ceux bénéficiant de l’usage, mais aussi à ceux susceptibles de pouvoir en bénéficier. L’employeur doit impérativement se ménager la preuve de cette information, qui doit être à date certaine.
Le délai de prévenance ne répond à aucune règle et dépendra de la nature de la pratique dénoncée. La dénonciation ne peut pas avoir d’effet rétroactif : elle ne peut jouer que pour l’avenir. Un délai compris entre deux et trois mois est globalement jugé suffisant.
Enfin, l’accord collectif d’entreprise, même moins favorable, peut être une source de remise en cause de ces pratiques, dès lors qu’il porte sur le même thème. Enfin, en cas de fusion entraînant le transfert de salariés, celles-ci ne sont pas mises en cause : elles sont transférées au nouvel employeur, qui ne pourra s’en délier qu'en les dénonçant.
L’absence d’avantages acquis
Lorsque la procédure de dénonciation a été respectée, la fin de l’usage ou de l’engagement unilatéral est opposable aux salariés. Ainsi, en cas de dénonciation régulière d’un usage qui attribuait une prime, bien que portant sur un élément de la rémunération, le professionnel ne pourra plus s’en prévaloir. Évidemment, il convient de réserver l’hypothèse d’une contractualisation de ces pratiques.
À l’heure où la négociation collective a la part belle des réformes, l’usage et l’engagement unilatéral de l’employeur ont encore de beaux jours devant eux, y compris dans l’esprit du législateur. La « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat » pouvait ainsi être instaurée jusqu’au 31 janvier par décision unilatérale de l’employeur [3].
[1] Également appelé décision unilatérale.
[2] Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-17.968
[3] Loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018
Stéphane Picard, avocat en droit du travail, Picard avocats, membres du réseau ACC3S
L’application volontaire d’une CCN
Les principales conventions collectives nationales (CCN) du secteur n’étant pas étendues (hors l’aide à domicile), l’application d’une CCN résulte soit d’une adhésion à une organisation syndicale signataire, soit d’une application volontaire. Cette dernière peut résulter d’un usage ou d’un engagement unilatéral de l’employeur. Ici encore, la dénonciation régulière sera pleinement opposable aux salariés, sans faculté d’opposition.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 173 - mars 2019