Le numéro d’octobre de Direction[s] avait été l’occasion de faire le point sur les premières obligations sociales à réaliser d'ici au 31 décembre. Reste deux formalités à accomplir pour les structures, et non des moindres.
1 Réaliser les entretiens professionnels
L’article L6315-1 du Code du travail oblige l’employeur, quelle que soit la taille de son entreprise, à organiser tous les deux ans un entretien professionnel et, tous les six ans, un entretien consacré à l’état des lieux récapitulatif du parcours professionnel de chaque salarié.
En l’absence d’un accord collectif applicable aménageant cette obligation, la durée (deux ou six ans) à l’issue de laquelle se tient l’entretien est calquée sur l’ancienneté du salarié au sein de la structure. Autrement dit, en cas d’entrée dans les effectifs le 1er mai 2014, le premier entretien professionnel devait avoir lieu au plus tard le 1er mai 2016, le second le 1er mai 2018 et l’entretien « récapitulatif » le 1er mai 2020.
Le respect de ces durées s’apprécie de « date à date » et laisse ainsi peu de souplesse au dispositif. Toutefois, compte tenu du contexte sanitaire, l'ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 a accordé un peu de répit aux employeurs en précisant que l’entretien professionnel faisant un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié intervenant au cours de l’année 2020 pouvait avoir lieu jusqu’au 31 décembre.
Dans l’hypothèse où cet entretien ne pourrait être réalisé à date, les employeurs sont vivement invités à établir la liste des professionnels n’en ayant pas bénéficié et à organiser celui-ci, sans tarder.
À cette occasion, il devra être vérifié que, au cours des six dernières années, le salarié a [1] :
- suivi au moins une action de formation,
- acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience (VAE),
- bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.
En pratique, les employeurs pourront si nécessaire réaliser cet entretien par visioconférence. Pour satisfaire aux obligations légales, il doit obligatoirement donner lieu à la rédaction d’un document écrit dont copie sera remise au professionnel.
Le respect de ces obligations est d’autant plus important qu’à défaut, le compte personnel de formation (CPF) du salarié doit être abondé lorsqu’au cours d’une période de six ans, ce dernier n’a pas bénéficié des entretiens professionnels prévus et d’au moins une formation autre qu’une formation « obligatoire »[2]. Cet abondement correctif d’un montant de 3 000 euros doit être versé avant le 1er mars 2021 par l’employeur de sa propre initiative dès lors qu’il a manqué aux dispositions précitées.
2 Mettre en œuvre la réforme 100 % Santé
Le respect du cahier des charges des contrats responsables constitue la clé de voûte du régime social et fiscal de faveur des régimes frais de santé mis en place au sein des entreprises. En cas de non-respect de ce cahier des charges et de contrôle Urssaf, l'employeur encourt le risque de réintégration des contributions patronales au régime dans l’assiette des cotisations de Sécurité sociale.
La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019 et son décret d’application n° 2019-21 du 11 janvier 2019 ont procédé à un nouvel élargissement du contrat responsable afin de garantir l’accès à certains équipements d’optique médicale, aux aides auditives et soins dentaires prothétiques sans reste à charge.
Les entreprises devaient se mettre en conformité avec ce nouveau cahier des charges au 1er janvier 2020 pour l’optique médicale et une partie des soins dentaires prothétiques et au 1er janvier 2021 pour la seconde partie de ces soins et les aides auditives. Les employeurs étaient donc priés de se rapprocher de leur organisme assureur pour organiser cette modification et, par la suite, informer les salariés de ce changement de leurs garanties.
Dans une instruction du 29 mai 2019, la Direction de la Sécurité sociale a précisé les modalités de mise en conformité par les entreprises de leur couverture des frais de santé avec ces « nouvelles exigences ».
Si vous n’avez pas d’ores et déjà adapté la couverture santé au 1er janvier dernier, le régime social et fiscal de faveur ne sera pas remis en cause en cas de contrôle sous la double réserve suivante :
- Que le régime frais de santé a été mis en place par un accord de branche (ce qui est le cas de nombreux employeurs du secteur), un accord collectif d’entreprise ou un accord ratifié ;
- Que le contrat d’assurance souscrit est en conformité avec le nouveau cahier des charges pour l’optique médicale et les soins dentaires prothétiques.
Deux remarques s’imposent :
- Aucune tolérance n’est prévue pour les régimes mis en place par décision unilatérale ;
- Il n’est pas nécessaire de modifier l’acte de mise en place du régime (décision unilatérale, accord d’entreprise ou accord ratifié) lorsque celui-ci opère un renvoi aux articles du Code de la Sécurité sociale relatif au cahier des charges et ne dresse pas une liste de celui-ci.
Avant le 31 décembre 2020, les employeurs sont donc incités à vérifier que la couverture assurantielle répond aux obligations de la réforme dite du 100 % Santé. Si ce n’est pas le cas, il appartient à l’employeur de la modifier et, en tant que de besoin, l’acte juridique de mise en place au sein de l’entreprise.
On le sait, la relation triangulaire (organisme assureur/employeur/salariés) qui existe en la matière n’est pas sans difficulté d’appréhension et ajoute une certaine complexité à la survenance des modifications. Il sera toutefois important d’en informer, en temps utile, les salariés individuellement.
[1] Code du travail, article L6315-1, II
[2] Code du travail, articles L6315-1 et L6323-13
François Legras, avocat, Picard avocats
Abondement et droit d’option de l’employeur
Ces dernières années, le dispositif relatif aux entretiens professionnels a subi de nombreuses modifications et aménagements. À titre de sécurisation juridique, une période transitoire a été créée. Ainsi, jusqu’au 31 décembre 2020, les employeurs disposent d’un droit d’option, qui s’apprécie salarié par salarié, pour justifier de leurs obligations et éviter d’avoir à verser l’abondement correctif :
- Soit ils appliquent la règle issue de la loi du 5 septembre 2018, en démontrant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans et d’au moins une formation autre qu’une formation « obligatoire » ;
- Soit ils appliquent la règle issue de la loi du 5 mars 2014, en prouvant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans et au moins de deux des trois mesures suivantes : formation, acquisition d’éléments de certification et de progression salariale ou professionnelle.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 191 - novembre 2020