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Santé au travail
Contracter le Covid au travail : une maladie professionnelle ?

02/12/2020

Dans quelles circonstances, un salarié atteint du Covid peut-il être identifié comme souffrant de maladie professionnelle ? La procédure étant simplifiée, il existe un risque accru de demandes de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur liée au non-respect des mesures barrières.

Depuis le 16 septembre 2020, les affections respiratoires aiguës liées au Covid 19 peuvent être prises en charge au titre de la maladie professionnelle [1]. Dans ce cadre, les salariés atteints par le coronavirus peuvent bénéficier d’une prise en charge des frais médicaux à hauteur de 100 % des tarifs d’assurance maladie, du versement d’indemnités journalières plus favorables et d’une rente ou un capital en cas d’incapacité permanente. S'il y a décès, une rente pourra être attribuée aux ayants droit. En outre, le professionnel peut engager une action en reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur afin d'obtenir une indemnisation complémentaire.

Si cette réglementation semble être une avancée importante pour les droits des victimes, elle est rigoureusement encadrée.

1 Trois conditions strictes pour une reconnaissance automatique

Un nouveau tableau de maladie professionnelle du régime général (n° 100) énumère strictement les trois conditions pour bénéficier de la présomption d’imputabilité, qui dispense la victime d’apporter la preuve d’un lien de causalité entre sa pathologie et son travail.

  • Seules les formes graves de la maladie sont concernées : elle doit avoir nécessité une oxygénothérapie ou une assistance ventilatoire attestée par des comptes rendus médicaux ou ayant entraîné le décès. Ceci doit être justifié par un examen biologique, un scanner ou une histoire clinique documentée par un bulletin d’hospitalisation ou des documents médicaux.
  • Le délai de prise en charge doit être respecté. La première constatation médicale de la maladie doit intervenir dans un délai de 14 jours après la cessation de l’exposition au risque.
  • La victime doit avoir exercé une activité susceptible de provoquer la maladie. Sont exclusivement visés les travaux accomplis par le personnel de soins et assimilé, de laboratoire, de service, d’entretien, administratif ou de services sociaux en milieu d’hospitalisation à domicile ou au sein d’établissements sanitaires ou médico-sociaux limitativement énumérés.

Les structures dans lesquelles doit avoir travaillé le personnel de soins et assimilé sont notamment : les établissements hospitaliers, les centres ambulatoires dédiés au Covid-19, les centres et maisons de santé, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) intervenant auprès de personnes vulnérables, les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), ceux polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad), les foyers d'accueil médicalisé (FAM), les maisons d'accueil spécialisées (MAS), les structures d'hébergement pour enfants handicapés, les appartements de coordination thérapeutique (ACT), les lits halte soins santé (LHSS) et d'accueil médicalisé (LAM), les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) avec hébergement et les services médico-psychologiques régionaux.

Les activités de soins et de prévention auprès des élèves et étudiants des établissements d’enseignement, ainsi que les activités de transport et d’accompagnement des malades, dans des véhicules affectés à cet usage, sont également concernées.

Lorsque la maladie entre dans les prévisions du tableau n° 100, elle est présumée professionnelle.

2 Qu'en est-il du « hors tableau » ?

Lorsque les conditions fixées par le tableau ne sont pas satisfaites, notamment pour les travailleurs dit de « deuxième ligne », un comité de reconnaissance des maladies professionnelles réalise une expertise individuelle afin de se prononcer sur le lien de causalité entre l’affection et le travail de la victime. Conformément aux engagements du gouvernement, le comité sera en l’espèce unique, au niveau national afin d’accélérer les délais de traitement des dossiers. Ainsi les non-soignants et les soignants qui ne remplissent pas les conditions du tableau devront-ils démontrer par des documents médicaux que la maladie a été directement causée par leur travail.

Le gouvernement ayant pris l’engagement de simplifier la procédure en n’exigeant aucun taux d’incapacité permanente, le nombre de salariés pour lesquels l’affection sera reconnue professionnelle pourrait donc augmenter. Il s’en déduit un risque accru de demandes de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur liées au non-respect des mesures barrières (distanciation sociale, catégories et nombres de masques fournis, gel hydroalcoolique, protocoles de nettoyage des surfaces et lieux de travail, télétravail insuffisant, contrôle du respect des règles de sécurité par les salariés…). Il faut en effet déplorer que l’évolution constante des connaissances et des consignes gouvernementales a créé une insécurité juridique, en ce qu’elle ne permet pas de tracer clairement l’historique des mesures sanitaires obligatoires. La preuve du respect par l’employeur de son obligation de protection de la santé des salariés sera donc difficile à établir rétroactivement, en fonction de la date à laquelle le salarié victime a contracté la maladie.

[1] Décret n°2020-1131 du 14 septembre 2020

Frédérique Marron, avocate, cabinet Capstant avocats, à Lyon

Le stress, dommage collatéral de la pandémie ?

L’épidémie de SARS-CoV 2 peut créer des victimes collatérales. La crise sanitaire a laissé prospérer des risques psycho-sociaux, singulièrement durant le confinement, mais aussi actuellement. Ce qui génère de nombreuses incertitudes et oblige les entreprises à de constantes adaptations. Certaines organisations ont vu naître des demandes de reconnaissance du caractère professionnel d’arrêts maladie engendrés par le stress que ces changements suscitent. À titre d’exemple, en Auvergne Rhône-Alpes, un chef de service en arrêt depuis le déconfinement, demandait le bénéfice de la législation professionnelle de sa maladie à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), compte tenu de la dépression causée par le stress d’avoir à faire face seul, sans soutien et sans moyens, à l’anxiété des salariés et des familles, aux nécessités de protéger la santé des personnes accueillies. Autre illustration : un Ehpad a enregistré plusieurs déclarations d’accident du travail (AT) suite à l’émergence d’un cluster, plus de 20 résidents ayant contracté le coronavirus, et un résident étant décédé parmi les trois hospitalisés sous assistance respiratoire. Pour certains salariés, l’accident était généré par l’annonce du décès et pour d’autres par la crainte de ne pas être protégés. Dans ces affaires, il est indispensable que l’employeur émette des réserves afin d’alerter la CPAM sur les dispositifs de protection mis en place, sur l’absence de fait générateur (pour les AT) ou sur celle de lien direct et essentiel avec le travail habituel (pour la maladie). Dans la continuité, des demandes d’indemnisation du préjudice d’anxiété en matière d’exposition à l’amiante émergent. Suite à une abondante jurisprudence, la Cour de cassation a en effet considéré que tous les salariés ayant été exposés à l’amiante, dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé, pouvaient souffrir d’un préjudice d’anxiété [1]. Dans le contexte actuel, un salarié pourrait être tenté de saisir le juge d’une demande d’indemnisation du préjudice d’anxiété lié au Covid en démontrant son exposition au virus, un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et un préjudice personnellement subi.

[1] Cass. soc. 11 septembre 2019, pourvoi n° 17-26.879

Publié dans le magazine Direction[s] N° 192 - décembre 2020






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