L’exercice du droit d’alerte insécurise les structures sociales et médico-sociales. Quelles sont les règles ?
Cécile Noël. Les salariés comme les représentants du personnel peuvent exercer un droit d’alerte en cas de situation pour laquelle il y a un « motif raisonnable de penser » qu’elle met « en danger grave et imminent » une personne. Plus qu’un droit, c’est même une obligation qui repose sur chacun au regard de sa responsabilité en matière de sécurité pour ses collègues et les usagers. En présence d’une telle alerte, l’employeur doit réagir immédiatement. Lorsqu’elle émane d’un représentant du personnel, le code du travail impose une procédure encadrée dans des délais très courts. L’employeur a l’obligation de mener immédiatement une enquête avec l’élu concerné afin de trouver des solutions. En cas de désaccord, le CSE doit être convoqué dans les 24 heures, avec information de l’inspection du travail et de la CPAM. En dernier ressort, l’inspection du travail est saisie.
Pour éviter de multiples alertes, il est important d’associer le CSE (et le cas échéant la CSSCT), à la définition des mesures de protection et de prévention, et à leur communication auprès du personnel, comme à l’actualisation du DUERP.
Et concernant le droit de retrait ?
C. N. Dans ces mêmes situations, un salarié peut aussi exercer son droit de retrait, sans que l’employeur ne puisse s’y opposer. Le personnel des ESSMS bénéficie d’un tel droit, aucune dérogation n’étant prévue. Il n’y a pas de procédure ou de formalisme particulier, mais une subtilité : son exercice ne doit pas être abusif et ne peut nuire à autrui. Un salarié ne peut donc pas alerter d’une situation de danger et s’en retirer immédiatement en mettant en danger ses collègues et les bénéficiaires (arrêt instantané des soins par exemple).
Si l’employeur considère le retrait du salarié comme illégitime, il peut suspendre le versement du salaire. C’est donc devant le juge que la légitimité du retrait exercé sera examinée. Elle s’apprécie au regard des risques particuliers que rencontre le salarié dans l’exercice de son travail, non compte tenu d’une situation générale de pandémie. Il sera fondamental que l’employeur puisse prouver qu’il a fait tout ce qui était en son pouvoir en matière de prévention et de protection, et qu’il a communiqué sur le sujet auprès de tous. Cela suppose de formaliser au maximum les consignes en matière de mesures barrières et de nettoyage des locaux, les commandes de masques et autres équipements de protection réalisées …, en associant les représentants du personnel en cas de difficulté.
Les employeurs, qui manquent d’équipements de protection, pourront-ils être attaqués et jugés responsables pour non respect de leur obligation de sécurité du fait que des salariés tombent malades ou décèdent du Covid 19 ?
C. N. C’est en effet un risque contentieux que craignent les employeurs du secteur. Rappelons qu’il ne s’agit plus d’une obligation de sécurité de résultat, mais de moyens renforcée. Les employeurs doivent donc là aussi prouver qu’ils ont pris toutes les mesures de prévention et de protection qu’ils pouvaient et les formaliser. Si les employeurs se trouvaient condamnés malgré leurs diligences, il n’est pas à exclure que la responsabilité de l’État puisse être engagée face à la pénurie de dispositifs de protection.
Notons que le ministre de la Santé a indiqué que la contamination au Covid-19 sera systématiquement reconnue comme maladie professionnelle pour les soignants. À ce sujet, la faute inexcusable de l’employeur pourrait être engagée en cas de manquement à l’obligation de sécurité, non sans impact sur la tarification AT/MP.
Et si un salarié ne respecte pas les mesures de prévention et de protection comme les gestes barrières ?
C. N. Il est impératif d’agir, même en période de confinement ou de sous-effectif. C’est de la responsabilité de l’employeur d‘assurer la sécurité des usagers et des salariés. Ces manquements relèvent du droit disciplinaire, avec tout d’abord un rappel des règles puis, si la situation se reproduit, une convocation à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire. En parallèle de l’envoi de la lettre avec AR, il est utile dans cette période de la doubler d’un mail ou d’une remise en main propre contre récépissé. Attention, dans cette période de crise, les délais de procédure ne sont pas suspendus.
Propos recueillis par Noémie Gilliotte