Ceci est un test

Directions.fr : Le site des directeurs et cadres du secteur social et médico social

Droit du travail
Inaptitude et reclassement, quid du questionnaire ?

02/06/2021

Récemment, les juges ont admis que le questionnaire soumis à un salarié déclaré inapte permettait d’encadrer les recherches de reclassement de l’employeur. Retour et précisions sur cet outil des ressources humaines performant à condition d’être bien utilisé.

Un mois après avoir été déclaré inapte, le salarié qui n’a été ni reclassé ni licencié, bénéficie d’une reprise du versement de ses salaires, et ce, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non [1]. L’enjeu est donc de taille pour l’employeur. Il lui faut agir rapidement et il peut être tenté d’optimiser le temps dont il dispose en soumettant au salarié un questionnaire qui lui permet de restreindre le champ des recherches de reclassement. Si depuis un revirement de sa jurisprudence en 2016 [2], la Cour de cassation admet que l’employeur peut « tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte » afin d’encadrer ses recherches, celle-ci doit toutefois être interprétée avec précaution.

1 Le questionnaire est-il autorisé ?

Deux arrêts de la Cour de cassation du 23 novembre 2016 ont été rendus à propos de salariés ayant refusé les postes de reclassement proposés, mais ouvrent-ils pour autant la possibilité pour l’employeur de prendre en compte la position du salarié en dehors de toute proposition de reclassement ?

Par un arrêt du 22 mars 2018, la Haute Cour a admis le principe d’un questionnaire, l’employeur pouvant prouver avoir « satisfait à son obligation de recherche de reclassement dans le périmètre défini par les préconisations du médecin du travail et les souhaits émis par le salarié dans le questionnaire qui lui avait été remis » [3]. La forme du document est indifférente, une fiche de renseignements étant également admise [4]. Les entreprises ont aujourd’hui tout intérêt à soumettre aux salariés inaptes ce questionnaire tant pour déterminer le périmètre des recherches que pour détenir une preuve du caractère sérieux et loyal de celles-ci. En effet, tout le contentieux relatif à l’obligation de reclassement relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, qui doivent désormais évaluer les efforts de l’employeur en la matière, non seulement au regard de ses propositions sérieuses et conformes aux critères fixés par la loi, mais aussi au regard du comportement ou la position du salarié.

Le principe est de portée générale et a vocation à s'appliquer quelles que soient la taille de l'entreprise et son appartenance ou non à un groupe [5].

2 Quand le soumettre au salarié ?

Le questionnaire n’a d’intérêt pour l’employeur que s’il est antérieur aux recherches de reclassement, afin de lui permettre, le cas échéant, de faire l’économie d’une investigation qu’il saura infructueuse.

Toutefois, la prudence est de mise et ce questionnaire ne doit pas être proposé trop précocement, au risque de voir le salarié invoquer un vice du consentement. En effet, l’avis libre et éclairé de celui-ci pourrait être remis en cause, ce dernier s’étant prononcé par avance en ignorant le contenu des propositions qui auraient pu lui être faites. Ainsi, le questionnaire ne saurait être, en tout état de cause, soumis au professionnel avant qu’il ne soit déclaré inapte par la médecine du travail. Une bonne pratique consiste à organiser un entretien où le questionnaire est expliqué au salarié.

Dans le même temps, il convient de lui laisser un délai de réflexion suffisant pour y répondre, le salarié est amené à prendre de lourdes décisions, par exemple, un changement de domicile.

Enfin, rien n’interdit au manager de soumettre à l'employé inapte un questionnaire après un premier refus, si d’autres postes de reclassement sont susceptibles de lui être proposés.

3 Quelles questions poser ?

Le Code du travail impose à l’employeur une recherche de postes de reclassement [6] sur un autre emploi « approprié à ses capacités » et « au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national ». Ainsi, les salariés sont interrogés sur la zone géographique souhaitée et sont invités à fournir un CV actualisé afin de déterminer leurs compétences, la jurisprudence ayant exclu des postes de reclassement ceux nécessitant une formation initiale [7].

Mais qu'en est-il des choix de l'employé portant sur d’autres critères, comme la forme du contrat de travail (CDI/CDD) ou la durée du travail (temps complet/partiel) ? Pour rappel, le reclassement devant être recherché parmi tous les postes disponibles dans l’entreprise, les postes « précaires » peuvent également être proposés. Rien ne s’oppose, à notre sens, à ce que l’employeur restreigne le périmètre des recherches de reclassement aux choix du salarié portant sur ces autres critères, eu égard aux termes généraux employés par la Cour de cassation visant « le comportement et la position prise par le salarié » [8].

À l’inverse, rien n’oblige l’employeur à tenir compte des souhaits du salarié hors du périmètre de son obligation de reclassement. Ainsi, le salarié demandant à être reclassé sur un poste à l’étranger n’impliquera pas, a priori, une recherche de reclassement au-delà du territoire national, cette possibilité ayant été supprimée par l’ordonnance du 22 septembre 2017 [9].

4 Quid d’une décision implicite du salarié ?

Dans les arrêts de 2016, les salariés ayant refusé des propositions de poste en raison de leur éloignement géographique, l'employeur en avait déduit qu'il n'était pas nécessaire d'étendre ses recherches sur des postes au sein des sociétés du groupe situées à l'étranger : il lui a été donné raison. Cette position a été entérinée par la Cour de cassation, qui admet que le refus d’un poste à proximité de son domicile puisse être interprété comme la manifestation d’une volonté du salarié de ne pas être reclassé au niveau du groupe [10].

Toutefois, plutôt que de présumer une volonté du salarié, il est recommandé aux employeurs d’obtenir la confirmation écrite du salarié, au besoin au moyen d’un questionnaire.

5 Si le salarié n'exprime aucun souhait ?

L'absence de souhait exprimé par le salarié ne dispense pas le manager de procéder à des recherches au sein de l’entreprise ou de celles du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel [11]. 

6 Et s'il refuse tout reclassement dans l’entreprise ou le groupe ?

Ce point n’a pas été tranché à notre connaissance par la jurisprudence. Néanmoins, compte tenu de l’obligation générale de reclassement, il apparaît juridiquement risqué de ne formuler aucune proposition, d’autant que la Cour de cassation évoque la prise en compte de la position du salarié comme une possibilité pour l’employeur.

Ainsi, il est préconisé de formuler a minima une offre de reclassement dans un emploi aussi comparable que possible à celui précédemment occupé. Par ailleurs, il pourrait être opportun de se rapprocher du médecin du travail afin d’obtenir des précisions sur les recherches de reclassement, compte tenu de la position prise par le salarié à travers le questionnaire.

Enfin, mieux vaut informer le comité social et économique (CSE) quant à la mise en place du questionnaire et, le cas échéant, de l’associer à sa construction.

[1] Code du travail, articles L1226-4 et L1226-11 

[2] Cass. soc., 23 novembre 2016, n° 14-26.398 et n° 15-18.092

[3] Cass. soc., 22 mars 2018, n° 16-24.482 

[4] Cour d'appel de Rouen, 14 mars 2019, n°17/02714 

[5] Note explicative des arrêts du 23 novembre 2016

[6] Code du travail, articles L1226-2 et L1226-10

[7] Cass. soc., 7 mars 2012, n° 11-11. 311

[8] Cass. soc., 23 novembre 2016, n°14-26.398 et n°15-18.092 ; Note explicative jointe

[9] Ordonnance n° 2017-1387, 22 septembre 2017, article 16

[10] Cass. soc., 30 novembre 2016, n°15-20.148 ; Cass. soc., 8 février 2017, n° 15-22.964 ; Cass. soc., 11 mai 2017, n° 15-23.339 

[11] Cass. soc., 12 novembre 2020, n° 19-12.771

Bérénice Hauffray, avocat au Barreau de Paris, cabinet Picard avocats

Publié dans le magazine Direction[s] N° 198 - juin 2021






Ajouter un commentaire
La possibilité de réagir à un article de Direction[s] est réservé aux abonnés  du magazine Direction[s]
Envoyer cette actualité par email :
Email de l'expéditeur (vous)*

Email du destinataire *

Sujet*

Commentaire :

* Champs obligatoires

Le Magazine

N° 235 - novembre 2024
Fundraising. Une course de fonds
Voir le sommaire

Formation Direction[s]
Offres d'emploi
Les 5 dernières annonces publiées
Conseil Départemental de la Seine Saint Denis

DIRECTEUR·RICE GÉNÉRAL·E DU CDEF 93

Conseil Départemental de la Seine Saint Denis

MEDECIN REFERENT MALADIES INFECTIEUSES

UDAF DE LA MARNE

DIRECTEUR DE POLE (H/F)

Le Département de la Manche

Responsable du territoire de solidarité Coutançais (f/h)

Département du Val-de-Marne

GESTIONNAIRE COMPTABLE (H/F)


Voir toutes les offres
Agenda
25 au 27 novembre 2024, à Paris-La Défense et en ligne

JASFFG 2024

26 et 27 novembre 2024, à Poitiers

Intergénération & transmission

26 et 27 novembre 2024, à Paris

Journées internationales de la qualité hospitalière et en santé 2024

27 novembre 2024, à Paris

Rencontres de la justice des mineurs

27 novembre 2024, à Hérouville-Saint-Clair

Les violences sexuelles faites aux enfants : de la dénonciation à la reconstruction


Voir tous les évènements
Trophée Direction[s] : l'essentiel

Logo Trophée 2

Participez au Trophée Direction[s] 2024 !!

Sous les hauts patronages de :

Paul Christophe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes


Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des Personnes en situation de handicap

En partenariat avec :

Logo Axiome