Quand Laetitia Piton a été informée de la révision du diplôme d’État d’accompagnant éducatif et social (DEAES), sa première réaction a été enthousiaste : « C’était de bon augure car il fallait l’ajuster aux besoins des employeurs qui souffrent d’un manque crucial de personnels », détaille la directrice des études au centre de formation pour adultes (Cefras) de Nantes. Quelle ne fut pas sa déconvenue une fois la nouvelle copie entre les mains ! « Aujourd’hui, après un an de mise en œuvre complexe, je ne vois aucun aspect positif à cette réforme et certainement pas sur l’attractivité puisque, comme les trois rentrées précédentes, la formation ne fait pas le plein en 2022. »
Un cursus sur mesure
Accroître l’attractivité, tel n’était toutefois pas son objectif affiché, si ce n’est avant tout celui d’en modifier son organisation pour faciliter les entrées/sorties à tout moment et permettre les passerelles avec d’autres métiers, comme celui d’assistant social (AS). Des exigences qui ont trouvé un écho au niveau de l’exécutif puisque la version 2021 du DEAES est repensée en cinq blocs de compétence indépendants les uns des autres (contre quatre domaines de compétence à effectuer d’une traite), avec la possibilité pour l’apprenant de s’organiser à sa convenance sur une durée de formation qui s’échelonne entre 9 et 24 mois. « Depuis quelques années, la formation devait être effectuée en 12 mois. Résultat : les stagiaires passaient plus de temps en cours que sur le terrain. Donc aucune plus-value pour l’employeur. Un problème qui ne se pose plus avec les nouvelles modalités et ce, même si la formation compte 35 heures de théorie supplémentaires par rapport à l’ancienne version du diplôme », se réjouit Christine Sebbag, directrice de la plateforme Hépra (pour hébergements personnalisés en résidences accompagnées), dans le Tarn.
Trois spécialités en une
Autre évolution positive et très attendue des employeurs : la fusion des trois spécialités [1] en un seul parcours généralisé. Être titulaire du DEAS en 2022 donne donc accès à tous les modes d’exercice du métier d’AES, qu’il s’agisse d’exercer au domicile des personnes, dans une structure médico-sociale (établissements et services d'aide par le travail – Esat, Ehpad, unités de soins de longue durée – USLD, instituts médico-éducatifs – IME) ou en milieu scolaire. « C’est véritablement un plus pour les salariés qui, ainsi, risquent moins l’usure professionnelle. Pour nous, employeurs, c’est aussi l’occasion de continuer à les former à nos spécificités », applaudit Christine Sebbag.
Mais un examen difficile
Le DEAES ainsi remanié et structuré en blocs de compétence est également plus complet, avec notamment une formation de 21 heures aux gestions et soins d’urgence de niveaux 2 (AFGSU 2). Autant d’arguments qui devraient pencher en sa faveur. Problème : aussi à propos soit-elle, cette réingénierie ne peut porter ses fruits que dans la mesure où les apprenants parviennent à décrocher leur diplôme. Or, c’est là une des réserves de la nouvelle formule : l’obtention est conditionnée à la validation de l’ensemble des blocs de compétences (soit 10/20 minimum de moyenne). « Cela fait quand même cinq épreuves à passer à l’écrit, sans qu’une note ne se compense. C’est loin d’être évident, surtout pour ceux qui ne maîtrisent pas bien le français, fréquents dans ces formations, constate la directrice des études nantaise. Je trouve dommage de leur mettre des bâtons dans les roues, au risque de les démotiver, alors que les besoins en professionnels de l’accompagnement éducatif et social sont énormes. »
[1] « Accompagnement de la vie à domicile », « Accompagnement de la vie en structure collective, « Accompagnement à l’éducation inclusive et à la vie ordinaire ».
Carol Eyben
Point de vue
Cécile Jayet-Cavallini, responsable du DEAES à l'établissement de formation Arfripts Rhône-Alpes-Auvergne
« Accompagnant éducatif et social (AES) est un métier qui attire peu, alors que les opportunités d’emploi sont très nombreuses. En accédant à un certain nombre des demandes des employeurs qui souhaitaient une formation plus conforme à la réalité du marché du travail, l’exécutif a fait un premier pas. Il permet aux diplômés de travailler indifféremment dans tous les secteurs qui relèvent de cette profession. Nous nous en réjouissons, mais c’est loin d’être suffisant si on veut infléchir la crise des vocations. Il faut que cette réforme soit accompagnée d’une évolution générale des conditions d’exercice. Un travail sur les horaires et la revalorisation salariale doit être mené. Peut-être qu’alors on pourra espérer remplir nos organismes de formation avec davantage de futurs AES. Aujourd’hui, au contraire, on a dû se résigner à ne pas ouvrir certaines sessions, comme à Valence (Drôme), puisque le nombre de candidats n’était pas suffisant.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 213 - novembre 2022