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Administratif et juridique
L’annualisation du temps de travail dans la FPH

30/03/2022

Les directeurs et cadres de structures relevant de la fonction publique hospitalière (FPH) disposent d’un nouvel outil de gestion du temps de travail de leurs agents afin de s’ajuster aux variations de l’activité. Mode d’emploi dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Organiser le travail des équipes, gérer les plannings pour tenir compte notamment des congés payés, des récupérations ou encore de l’absentéisme, tout en assurant la continuité du service : c’est la préoccupation quotidienne des managers des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Pour ceux relevant de la fonction publique hospitalière (FPH), ils peuvent se servir d'un nouveau dispositif : l’annualisation du temps de travail.

Une exception à la règle

Pour rappel, le travail est organisé selon des périodes de référence, dénommées cycles de travail qui sont définis par service ou par fonction et arrêtés par le chef d'établissement après avis du comité technique (bientôt remplacé par le comité social d’établissement – CSE). Leur durée peut se répéter à l'identique d'un cycle à l'autre. Le nombre d'heures de travail effectuées au cours des semaines composant cette période peut être irrégulier, la limite étant qu’un agent ne peut accomplir plus de 44 heures par semaine.  Un cycle doit être compris entre une et douze semaines.

Il existe dorénavant une exception à cette règle de l’organisation du temps de travail en cycles répétés et de durées identiques. Le décret du 30 novembre 2021 a notamment instauré la possibilité, par dérogation à cette règle, d’annualiser le temps de travail pour s'ajuster aux variations de l'activité tout au long de l'année civile. Ainsi, le nouvel article 9-1 du décret du 4 janvier 2002 précise que cette annualisation s'effectue dans le respect d'une durée hebdomadaire de travail en moyenne comprise entre 32 heures et 40 heures sur la période considérée. Il est alors prévu que dans ce cas des informations sur son application devront être insérées dans la base de données sociales de l'établissement et qu’elles devront être présentées au CSE.

Attention. L’instauration de l’annualisation se combine avec celle des accords collectifs dans la fonction publique. Ainsi, le chef d'établissement ne pourra décider de se servir de cet outil qu’après la conclusion avec les organisations syndicales représentatives d’un accord collectif relatif à l’organisation du travail.

Pourquoi annualiser le temps de travail ?

En cas d’annualisation, le décompte de la durée du travail se fait sur l’année civile et en heures effectives. Ce qui permet de mettre en place des cycles qui garantissent un fonctionnement en continu, en équipes successives, de distinguer les périodes de basses et de hautes activités et de justifier ainsi de la possibilité d’organiser le travail en cycles de durées diversifiées.

L’objet de l’annualisation est double :

  • condenser le temps de travail pour les périodes d’accroissement d’activité et d’alléger les plannings lors des périodes creuses ;
  • maintenir vis-à-vis de l’agent une rémunération identique tout au long de l’année, y compris pendant des périodes de sous-activités.

De larges marges de manœuvre 

Le chef d’établissement dispose alors d’une large marge de manœuvre dans l’organisation du temps de travail. En effet, l’annualisation est marquée par l’absence de cadre légal. Ainsi, aucune réglementation ne précise la méthode de calcul de l’annualisation. Le caractère récurrent d'un cycle de travail annuel implique seulement que ce décompte soit reconduit d'une année à l'autre.

Le cycle annuel peut être composé de plusieurs cycles pluri-hebdomadaires de durées variables. Ceux-ci ne sont pas antinomiques et peuvent se combiner. Tout comme il n’est pas obligatoire que soient définies au sein du cycle annuel des périodes d’activités d’une durée infra-annuelle ou une quotité d'heures travaillées pour chacune d'elles [1].

L’employeur n’a pas non plus à définir, de manière uniforme, le temps de travail de l'ensemble des agents. En effet, la circonstance que le cycle puisse être défini par service ou par nature de fonction n'implique pas nécessairement une organisation homogène du travail, au sein du cycle, pour les différents agents d'un même service ou exerçant les mêmes fonctions.

Ce dispositif ne fait pas obstacle à l'élaboration de plannings individuels mensuels fixant les horaires de travail des agents. Peuvent ainsi être déterminées des bornes quotidiennes et hebdomadaires entre lesquelles les horaires de chacun sont susceptibles de varier [2].

Certaines limites à respecter

L’annualisation est cependant soumise au respect de la durée annuelle du temps de travail, des limites impératives relatives à la durée de travail effectif hebdomadaire maximale ainsi qu'aux repos quotidien et hebdomadaire. La seule limite dans la mise en œuvre de ce cycle est d'observer les règles générales d'organisation du travail dans la fonction publique hospitalière. Ainsi, lorsqu’est mis en place un cycle de travail annuel au sein duquel sont définis les horaires de travail des agents de l'un de ses services, l’employeur est soumis à l'obligation de suivre les durées maximales et minimales du temps de travail et de repos [3]. Ainsi, le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle qui ne peut excéder 1607 heures effectives sauf pour certaines catégories de personnels [4].

En outre, la durée hebdomadaire ne peut dépasser 44 heures et les agents doivent bénéficier d'un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum (dérogation dorénavant possible à 11 heures consécutives minimum par décision du chef d'établissement après conclusion d’un accord collectif) et d'un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum.

Quen est-il des heures supplémentaires et des repos compensateur ?

Les repos compensateurs et heures supplémentaires sont décomptés sur la durée totale du cycle. Les premiers doivent être pris dans le cadre du cycle de travail. Lorsque le cycle est annuel, les secondes sont celles effectuées au-delà des 1 607 heures.

Dans l’hypothèse inverse d’un agent qui se trouve en situation de « débit » d’heures, c’est-à-dire qu’il a réalisé moins de 1 607 heures sur l’année, l’employeur ne peut en aucun cas demander à l’agent de « rattraper » ces heures l’année suivante ni lui amputer sur ses congés. Ce serait illégal.

Et les arrêts maladie ?

L’employeur est compétent pour déterminer les conséquences des congés de maladie des agents, qui y sont soumis, pour le calcul de leur temps de travail annuel effectif (lire l’encadré ci-dessous). Il est alors jugé que si le cycle de travail repose sur l'alternance de journées de travail effectives soit inférieures à sept heures, soit supérieures, correspondant, sur l'année, à 1 607 heures, l’employeur peut légalement retenir que l'agent en congé de maladie doit être regardé comme ayant effectué sept heures de travail effectives, quand bien même, selon la période du cycle de travail en cause, la journée de travail pour laquelle l'agent est en congé de maladie devait normalement comporter un nombre d'heures de travail effectives inférieur ou supérieur à sept heures [5].

[1] Cour administrative d'appel (CAA) Lyon, 18 novembre 2019, n° 17LY03522

[2] ibid. ; Conseil d'État (CE), 21 juin 2021, n° 437768

[3] CE, 6 novembre 2013, n° 359501

[4] Décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002

[5] CE du 4 novembre 2020, n° 426093

Pauline Delentaigne, avocat associé, cabinet Alternative avocats

Références

Décret n° 2021-1544 du 30 novembre 2021 (temps et organisation de travail dans l'hospitalière)

Ordonnance n°2021-174 du 17 février 2021 et décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021 (négociation et conclusion des accords collectifs dans la fonction publique)

Une organisation validée par le juge

L’organisation annualisée du temps de travail des agents d’une commune de l’Isère, Saint-Martin-d'Hères, et de son centre communal d'action sociale (CCAS) a été récemment validée par le juge administratif[1]. Dès lors, il est possible de s’en inspirer, en toute sécurité juridique. La voici.

  • Annualisation avec des durées hebdomadaires variables, comprises, pour un agent à temps plein, entre une borne haute de 42 heures et une borne basse de 28 heures. En l’occurrence, dans l’hospitalière la durée hebdomadaire de travail moyenne doit se situer entre 32 et 40 heures ;
  • Les semaines hautes et les semaines basses ne sont pas définies à l’avance sur l’année, chaque agent recevant son planning prévisionnel mensuel d’intervention au moins sept jours auparavant ;
  • Les horaires de travail peuvent être modifiés dans un délai inférieur à sept jours, mais l’agent peut les refuser quatre fois par an sans justificatif. Le délai ne peut être inférieur à quatre jours sauf dans des cas d’urgence (remplacement d’un collègue dont l’absence est imprévue, absence soudaine de l’aidant de la personne âgée…).

[1] Conseil d'État, 21 juin 2021, n° 437768 

Exemple de prise en compte de la maladie

Il peut être décidé que :

  • lorsque la maladie survient lors de jours de travail supérieur à sept heures, le temps au-delà de ces sept heures, prévu dans l'horaire de travail de l'agent et qui n'a pas été effectué en raison de la maladie, sera réparti à son planning sur les journées de travail à venir.
  • lorsque la maladie se produit sur des jours de congés annuels ou de repos liés au dépassement de la durée légale, ces jours sont suspendus par l'arrêt maladie : ils sont alors crédités au bénéfice de l'agent à son planning.

Ainsi, lorsque l'agent en congé de maladie n'a pas effectué une journée de travail d'une durée supérieure à sept heures, le temps de travail excédant ce forfait est imputé sur le temps de travail effectif réalisé par cet agent pendant une période « creuse » où la durée journalière du travail est inférieure à sept heures [1].

[1] Conseil d'État du 4 novembre 2020, n° 426093

Publié dans le magazine Direction[s] N° 207 - avril 2022






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