Comme le confirmait le Baromètre Direction[s] 2021 [1], les directions des établissements et services sociaux et médico-sociaux sont à la peine en matière de recrutement. Et aucun métier n’est épargné. Aussi, toutes les méthodes pour attirer des talents sont les bienvenues. Passer par les pairs en est une qui fonctionne.
Pas seulement de la cooptation
La démarche est souvent fondée sur la cooptation : les salariés font la promotion des postes à pourvoir auprès de leur entourage. « Grâce aux réseaux de nos auxiliaires de vie, nous avons beaucoup de postulantes », témoigne Dafna Mouchenik, dirigeante de Logivitae, service d’aide et de soutien à domicile à Paris. C’est aussi le résultat de la bonne réputation que nous avons auprès de nos salariées. Nous proposons des CDI à temps plein. Nous faisons le maximum pour qu’elles se sentent bien. » Ce bien-être au travail est un argument de poids pour celles qui deviennent les ambassadrices de la structure.
Mais dans le recrutement par les pairs, les professionnels ne se cantonnent pas à un rôle de présentation de candidats. Ils interviennent à différentes étapes de la procédure. « Les salariés qui travaillent au plus près des publics, de l’unité et des familles s’avèrent compétents pour repérer les capacités et le savoir-être du postulant », indique Delphine Meindre, responsable en gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) au sein de l’Établissement public national Antoine Koenigswarter (Epnak), dans l'Essonne, où la mise en place de cette méthode de recrutement s’inscrit dans une réflexion globale de transition managériale : « Nous voulons casser le management pyramidal. Il n’y a pas que les chefs qui recrutent. Les professionnels ont aussi à donner leur point de vue », poursuit-elle.
Jusqu’à la validation de l’embauche
À l'Epnak, les salariés participent aux commissions de recrutement dans laquelle officient également des responsables des ressources humaines (RH). Chez Alenvi, autre service d’aide à domicile parisien, les premières étapes de la démarche déployée dès la création de l’entreprise en 2016 passent d’ailleurs par là. « J’effectue un tri dans les CV en fonction des besoins recensés dans nos différentes équipes, car nous intervenons à Paris, dans le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine, indique Fabienne Barboza, chargée de recrutement et ancienne auxiliaire de vie. Puis je mène un premier entretien au téléphone ou dans nos locaux pour évaluer le savoir-être surtout. » La candidate est ensuite dirigée vers une référente recrutement et sa binôme de l’équipe susceptible de l’accueillir. Ces auxiliaires de vie mènent alors un entretien où elles expliquent leurs missions, leur quotidien, les difficultés du métier… « La référente jauge alors les capacités d’écoute de la personne, complète Fabienne Barboza. Si elle ne coupe pas la parole, si elle est patiente. Elle demande des informations sur les précédents emplois dans un établissement ou un service. Chaque équipe a ses critères de recrutement, mais l’empathie et l’écoute en font toujours partie. » Le binôme donne ensuite son accord aux RH pour l’embauche ou non de la postulante.
Une meilleure intégration
Le recrutement par les pairs présente plusieurs avantages. « Cela offre une valorisation certaine des savoirs et des savoir-faire des professionnels en poste. Ils participent aux recrutements de leur équipe. Ils se sentent davantage impliqués », note Delphine Meindre. La méthode permet également de créer du lien entre les salariés en poste et ceux embauchés par leur biais. Cela facilite l’intégration de ces derniers. Et pas seulement auprès de la structure. Fabienne Barboza confirme : « Cela facilite aussi leur arrivée auprès des bénéficiaires. Les auxiliaires en place peuvent les rassurer en leur précisant qu’elles les ont rencontrées et qu’elles les ont même recrutées. »
[1] Lire Direction[s] n° 203, p. 24
Pascal Nguyên
Point de vue
Delphine Meindre, responsable GPEC à l’Epnak
« Nous avons lancé le recrutement par les pairs début 2020 dans un service d’éducation spécialisée et de soins à domicile (Sessad) et une unité d’enseignement en maternelle autisme (UEMA). Cela concerne tous les métiers de ces structures, des éducateurs spécialisés à l’accompagnant éducatif et social, en passant par les psychologues. Nous le faisons pour les postes en CDI, car cela prend du temps. Lorsqu’une personne est retenue par ses futurs collègues, nous organisons une commission dans laquelle un référent, issu de l’équipe où le poste est ouvert, prend la décision de l’embauche. Ce référent participe ensuite à l’accueil et à l’accompagnement du nouveau. C’est responsabilisant. Nous n’avons pas encore réalisé de bilan précis, mais c’est plutôt positif. À ce jour, 16 commissions ont été organisées dans ces services et six autres dans d’autres unités. Notre volonté est d’ailleurs de généraliser cette démarche à tous nos services et établissements. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 208 - mai 2022