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Gestion
Sécuriser les pouvoirs du directeur de transition

29/06/2022

Le recours à une direction de transition est à utiliser avec précaution. En effet, cela ne permet pas toujours d’organiser à son profit des délégations aussi complètes que celles qui peuvent être mises en place en interne, entre un appareil élu et des dirigeants salariés.

Comme le mandat de gestion [1], la direction de transition est fréquemment employée pour pallier l’absence temporaire d’un directeur général ou d’établissement. À utiliser avec précaution puisque ses délégations sont nécessairement réduites.

Certaines prérogatives ne peuvent être transmises à des tiers extérieurs dans le cadre d’un contrat dit de « louage d’ouvrage », communément dénommé « contrat de prestation de services ». Autrement dit, le directeur de transition ne peut que rarement être investi de prérogatives aussi importantes qu’un directeur de plein exercice, salarié de l’organisme gestionnaire. Certaines responsabilités sont en effet insusceptibles d’être transférées à un tiers extérieur à la personne morale, que celui-ci soit un autre organisme gestionnaire, à l'occasion d’un mandat de gestion, ou un directeur de transition au moment d’un contrat de louage d’ouvrage.

1 Les limites au transfert de la responsabilité pénale

En principe, le transfert de responsabilité pénale entraîné par la délégation ne peut jouer qu’entre un employeur et un salarié de la même entreprise. On se reportera, à cet égard, à une décision de la Cour de cassation du 30 janvier 1996 [2] rendue lors d’une procédure de redressement judiciaire au cours de laquelle l’administrateur judiciaire avait délégué certains de ses pouvoirs au chef de l’entreprise en difficulté : « Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les relations existant entre l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce dans une procédure collective et le chef de l'entreprise en difficulté, qui ne sont pas des relations d'employeur à préposé, excluent toute possibilité de délégation de pouvoirs du premier au profit du second, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués. »

La rigueur de cette jurisprudence connaît certains assouplissements. Ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation a pu admettre la validité d’une délégation entre le dirigeant d’un groupe de sociétés et celui d’une filiale, en l’absence de contrat de travail entre le délégant et le délégataire [3] : « Attendu […] que, d'autre part, rien n'interdit au chef d'un groupe de sociétés et président de la société chargée des travaux de déléguer ses pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité au dirigeant d'une autre société du groupe placé sous son autorité hiérarchique. »

Il paraît cependant extrêmement périlleux de tenter de la transposer à la direction de transition, qui ne se caractérise ni par une relation hiérarchique entre le président de l’organisme gestionnaire et le prestataire ou le directeur de transition, ni par un lien de nature capitalistique.

En d’autres termes, le recours à une direction de transition ne paraît pas permettre un transfert de responsabilité pénale dans ces circonstances… Le seul moyen de sécuriser la chaîne de délégation est, en réalité, de recourir au directeur de transition non pas à l'occasion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de prestation de services, mais dans le cadre d’un contrat de travail, même à temps partiel, afin de créer un lien hiérarchique avec le président de l’organisme gestionnaire.

2 Les limites au transfert du pouvoir de direction

Par ailleurs, il paraît impossible de transférer à un prestataire ou à un mandataire la qualité d’employeur, ainsi que l’a jugé à diverses reprises la Cour de cassation s’agissant d’associations de services d’aide à domicile intervenant en mode « mandataire ». On pourra, notamment, se reporter à une décision de la chambre sociale de la Cour de cassation du 23 novembre 2005 [4] qui est très claire sur la question : « Qu'en statuant ainsi alors que les associations, qui assurent le placement de travailleurs auprès de personnes physiques employeurs et accomplissent pour le compte de ces personnes des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales liées à l'emploi de ces travailleurs, ne remplissent qu'un rôle de mandataire, les personnes physiques étant les seuls employeurs des travailleurs, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé. » Cette position a été confirmée de nombreuses fois [5].

Il en résulte qu’un directeur de transition ne peut se voir déléguer la plénitude des responsabilités d’employeur et du pouvoir de direction. Certes, il peut accomplir des prestations de gestion administrative du personnel, mais il faut exclure de le rendre décisionnaire et signataire de courriers de licenciement ou de sanctions disciplinaires, dont l’irrégularité paraît certaine.

[1] Lire Direction[s] n° 206, p. 30

[2] Cass. crim., 30 janv. 2016, n° 94-83.505

[3] Cass. crim., 26 mai 1994, n° 93-83.179

[4] Cass. soc., 23 nov. 2005, n° 04-45.328

[5] Voir notamment Cass. soc., 11 mars 2008, n° 06-45.155

Laurent Cocquebert, avocat à la Cour

Publié dans le magazine Direction[s] N° 210 - juillet 2022






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