« Il s’agit avant tout de mettre en relation les habitants avec les acteurs du territoire », indique Typhaine Mahé.
Un mode d’habitation regroupé, assorti d’un projet de vie sociale et partagée : telle est la définition de l’habitat inclusif, selon la loi Elan du 23 novembre 2018 [1]. Pour élaborer et mettre en œuvre ce projet de vie, les habitants (des personnes âgées ou handicapées) peuvent être accompagnés par un professionnel, désigné sous le terme d’animateur ou d’animateur-coordinateur. Son poste est financé par l’obtention du forfait habitat inclusif (créé par ladite loi) ou par l’aide à la vie partagée, instaurée par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021, versée aux porteurs de projets par les départements.
Encourager la participation
« Ses principales fonctions sont de faciliter le vivre-ensemble, de faire vivre le projet de vie sociale et partagée, et donc d’encourager la participation et la capacité d’agir des habitants, mais aussi de jouer un rôle d’interface avec leur environnement. C’est une sorte de chef d’orchestre », explique Typhaine Mahé, chef de projet à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Travailler à l’élaboration de la charte et du projet de vie sociale et partagée avec les habitants, veiller à leur bien-être, gérer les éventuels conflits et changements, organiser des activités dans et en dehors de l’habitat, communiquer avec les familles, développer des partenariats, chercher des financements pour mener à bien des projets… Ce professionnel a de multiples casquettes. Et les profils peuvent être très variés.
« Dans les huit habitats inclusifs de Familles Solidaires, les animateurs-coordinateurs ont tous des profils différents, confirme Bernadette Paul-Cornu, co-dirigeante de ce groupe associatif. Nous privilégions des personnes qui ont de l’expérience avec le public à qui est destiné l’habitat inclusif. » Les animateurs en Ehpad, les éducateurs spécialisés ou les conseillers en économie sociale familiale font partie du gros des troupes. « Mais quel que soit le diplôme, le professionnel doit à la fois savoir s’appuyer sur l’expérience acquise tout en ayant la capacité de déconstruire les modèles qu’il a connus. Un habitat inclusif n’est pas un établissement ou service médico-social », prévient Bernadette Paul-Cornu. Qui souligne les spécificités de l’habitat inclusif : « Il faut avoir des compétences d’animation mais aussi de coordination, sans pour autant avoir de liens hiérarchiques avec les autres intervenants. »
L’animateur de vie sociale et partagée n’a pas vocation à se substituer aux missions des autres professionnels. « Il ne s’agit pas de faire à la place du médical, paramédical ou du médico-social, mais de mettre en relation les habitants avec les acteurs du territoire », ajoute Typhaine Mahé.
Le timing du recrutement
Selon une enquête du groupe Familles Solidaires, 64 % des porteurs de projet avaient rencontré des difficultés de recrutement. « Il n’y a pas de diplôme qui coche toutes les cases pour répondre aux attendus d’un poste d’animateur-coordinateur en habitat inclusif », regrette Bernadette Paul-Cornu. Son groupe propose ainsi une formation de trois jours. Autre difficulté soulevée par la co-dirigeante : le fait que le financement du poste d’animateur de vie sociale et partagée ne commence qu’à la prise de bail. « Or, le travail de l’animateur débute avant l’ouverture de l’habitat puisqu’il intervient dans le montage du projet, organise des rencontres pour que les habitants se connaissent, adhèrent à la charte de vivre-ensemble et se choisissent. Cette absence de financement en amont fait que la plupart des porteurs de projet recrutent leur animateur au moment de l’emménagement. »
[1] Décret n° 2019-629 du 24 juin 2019 relatif aux diverses dispositions en matière d'habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées et article L. 281-2 du CASF
Aurélie Vion
Point de vue
Maxime Gonera, animateur-coordinateur à la colocation du Grand huit à Zillisheim (68)
« Mon rôle consiste à travailler et mettre en place cette vie sociale et partagée au sein de la colocation en lien avec les différents partenaires. Je suis à l’écoute des colocataires, propose de l’animation collective, des sorties, je crée aussi des liens avec le village. Cela passe par des contacts avec le voisinage, les associations locales, les commerçants : nous travaillons, entre autres, avec un maraîcher, un boulanger, l’association de pêche, etc. J’occupe ce poste depuis le mois de février. Titulaire d’un BPJEPS Animation sociale, j’ai travaillé en tant qu’animateur en Ehpad, en unité d’hébergement renforcée et en unité de vie protégée. Ici, j’ai également un rôle de coordinateur : je vais aller chercher des acteurs extérieurs, je crée des partenariats, négocie des prix aussi parfois, réponds à des appels à projets pour financer notre jardin thérapeutique, par exemple. Contrairement à un poste d’animateur en Ehpad, je m'occupe de beaucoup moins de personnes, ce qui me permet de mieux répondre aux demandes. J’ai aussi plus de libertés. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 223 - octobre 2023