Adoptée le 17 novembre par le Parlement et validée par le Conseil constitutionnel le 15 décembre, la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi a été publiée au Journal officiel du 22 décembre 2022. Premier retour sur les principales mesures impactant les employeurs du secteur social et médico-social dans l’attente de la sortie des textes d’application.
1 La présomption de démission du salarié en cas d'abandon de poste
Cette mesure est indéniablement celle qui a fait le plus grand bruit et qui, à l’heure du manque d’attractivité du secteur, pourrait avoir des conséquences non maîtrisées. Désormais, le salarié abandonnant volontairement son poste est présumé démissionnaire s'il ne reprend pas le travail, après avoir été mis en demeure par son employeur de justifier de son absence, dans un certain délai qui sera fixé par décret (non encore publié à la date de rédaction de cet article). Cette réforme prend donc le contre-pied de la jurisprudence constante selon laquelle l’abandon de poste ne caractérise pas une démission, faute de volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail [1].
Le Conseil constitutionnel a précisé que l'abandon de poste ne peut pas revêtir un caractère volontaire s’il est justifié par un motif légitime, tel que des raisons médicales, l'exercice du droit de grève, l'exercice du droit de retrait, le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d'une modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail. Toujours selon le Conseil, la présomption de démission instituée est une hypothèse simple, qui peut donc être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail.
Le conseil de prud'hommes saisi d'une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai (totalement théorique) d'un mois à compter de sa saisine. Le salarié devra être en mesure d’établir que son absence n’est pas un abandon volontaire de poste et qu’elle est justifiée. Pendant plusieurs mois, persistera donc un contentieux sous-jacent sur l’imputabilité de la rupture du contrat de travail. Les répercussions de cette réforme vont au-delà de la seule question de l’assurance chômage : à l’instar de la prise d’acte requalifiée en démission, l’employeur devrait également pouvoir solliciter la condamnation du salarié au remboursement du préavis qu’il n’a pas effectué.
Si cette réforme sonne certainement la fin de l’abandon de poste comme motif classique de rupture du contrat de travail suivi d’une transaction, face à une rupture conventionnelle trop coûteuse, ce schéma conserve de beaux jours devant lui dès lors qu’il suffira d’invoquer n’importe quel autre grief constitutif d’une faute grave, étant rappelé que l'indemnité transactionnelle est exonérée de cotisations s'il est démontré qu'elle répare un préjudice [2].
2 Conditions d’éligibilité et d’électorat aux élections professionnelles
Le renouvellement des instances représentatives du personnel va occuper de nombreux établissements et service en cette nouvelle année. L’instabilité législative liée au retard pris dans la promulgation de la loi est enfin levée. L’article L. 2314-18 du Code du travail dispose désormais que : « Sont électeurs l'ensemble des salariés âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques. » Conséquence directe, les directeurs et directeurs généraux deviennent enfin électeurs. Par ailleurs, selon l’article L. 2314-19 du Code du travail demeurent inéligibles les « salariés qui disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique ».
3 Refus d’un CDI et perte du chômage
L'article 2 de la loi complète le paragraphe I de l'article L. 5422-1 du Code du travail afin de prévoir qu'un demandeur d'emploi peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage lorsqu'il a refusé deux propositions de contrat à durée indéterminée (CDI) au cours des douze derniers mois. Plus précisément, le CDI proposé doit répondre aux caractéristiques suivantes : « Le même emploi, ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail. ». Les modalités pratiques de mise en œuvre de cette mesure, qui doivent être fixées par décret, ne manqueront pas d’interroger le praticien et l’opérationnel. En l’état, aucune sanction n’est fixée en cas de défaut d’information de Pôle emploi par l’employeur.
[1] Cass. soc., 24 janvier 1996, n° 92-43.868
[2] Cass. civ., 2e, 13 octobre 2022, n° 21-10.175
Stéphane Picard, avocat et fondateur de Picard avocats
Le CDD multi-remplacements fait son come-back
Initialement introduit par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, ce dispositif expérimental permet à un seul salarié de remplacer plusieurs personnes absentes, sans qu’il ne soit nécessaire de conclure autant de contrats que de salariés remplacés. Le secteur avait été inscrit dans la liste des métiers éligibles à l’expérimentation par décret du 18 décembre 2019. Ce n’est qu’à compter de la publication du nouveau décret et sous réserve que le secteur soit toujours éligible, ce qui est plus que probable, que les gestionnaires pourront se (re)saisir du dispositif. Espérons que l’Administration aura la bonne idée de fournir le mode d’emploi de cet outil dont l’utilité est certaine pour le secteur mais qui, faute d’explication de texte, est demeuré largement sous-exploité.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 216 - février 2023