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Arrêt maladie
Contre-visite patronale : un nouveau cadre

29/10/2024

Lorsqu’un salarié est en arrêt de travail, l’employeur qui procède au versement des indemnités complémentaires a le droit d’organiser une contre-visite à son domicile par le médecin de son choix. Le décret du 5 juillet 2024, entré en vigueur le 7 juillet, en précise les modalités.

Le médecin contrôleur doit informer l’employeur du caractère justifié ou non de l’arrêt de travail.

Lorsque le salarié en arrêt de travail perçoit des indemnités complémentaires à celles versées par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) en vertu du dispositif légal, le versement de ce complément par l’employeur lui ouvre la possibilité d’organiser une contre-visite médicale [1] (sauf en Alsace-Moselle où le Code local ne prévoit pas cette possibilité [2]). Lorsque l’employeur applique un maintien de salaire plus favorable prévu par une convention ou un accord collectif, il doit vérifier si ce texte prévoit des dispositions relatives à la contre-visite patronale. Tel est le cas des conventions collectives nationales du 31 octobre 1951 (CCN 51) [3] et du 15 mars 1966 (CCN 66) [4]. Dans le cas contraire, l’employeur ne peut y recourir.

1 ) De nouvelles obligations d’information pour le salarié

Désormais, une double obligation d’information incombe au salarié [5]. Celui-ci doit communiquer à l’employeur, dès le début de son arrêt de travail, son lieu de repos, s’il est différent de son domicile. Cette information figure en réalité déjà dans l’avis d’arrêt de travail, puisque le salarié doit renseigner la rubrique « adresse où le malade peut être visité (si différente de l’adresse habituelle) ». En cas de changement de lieu de convalescence en cours d’arrêt de travail, le salarié devra également en informer son employeur. À noter que les CCN 51 et 66 prévoyaient déjà que ce dernier doit être tenu au courant du lieu de résidence du personnel en arrêt de travail [6]. En outre, le salarié doit informer son employeur des horaires auxquels la contre-visite peut s’effectuer dans le cas où il bénéficie d'un arrêt de travail portant la mention « sortie libre » [7].

2) Quel déroulement ?

Cette contre-visite doit être effectuée par un médecin mandaté par l’employeur. Le choix du médecin est libre, à condition qu’il ne s’agisse ni du médecin du travail ni du médecin-conseil de la Sécurité sociale. Il est donc recommandé aux organismes gestionnaires de se constituer une liste de médecins susceptibles d’être mandatés en cas de besoin. Le médecin contrôleur se prononce sur le caractère justifié de l’arrêt de travail, y compris sa durée. La contre-visite s’effectue à tout moment de l’arrêt de travail. Quant à son lieu, le décret laisse une option au médecin. Elle peut se dérouler, à son choix :

 

  • soit au domicile du salarié (ou au lieu qu’il lui a communiqué), sans qu’aucun délai de prévenance ne soit exigé, en dehors des heures de sortie autorisées ou aux heures communiquées par le salarié en cas de « sortie libre » ;
  • soit au cabinet du médecin, sur convocation de celui-ci. Dans ce dernier cas, si le salarié ne peut pas se déplacer, notamment en raison de son état de santé, il doit en informer le médecin en précisant les raisons.

À noter. Le médecin contrôleur a l’obligation de décliner au salarié sa qualité de docteur en médecine et celle de mandataire de l’employeur [8].

 

3) Les suites et l’obligation d’information de l’employeur

Au terme de sa mission, le médecin informe l’employeur, soit du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail, soit de l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié. Ce motif tient notamment à son éventuel refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile. En outre, il est désormais imposé à l’employeur de transmettre les conclusions du médecin contrôleur sans délai au salarié [9]. Pour des raisons probatoires, il est conseillé de procéder à cette information par courrier recommandé. Pour les employeurs appliquant la CCN 51, cette notification précise les voies de recours possibles [10] (voir infra).

4) Les conséquences d’un arrêt injustifié ou d’un contrôle impossible

Si le médecin contrôleur estime que l’arrêt de travail n’est pas ou n’est plus justifié, ou si le contrôle n’a pas pu avoir lieu pour un motif imputable au salarié, l’employeur est en droit de suspendre le versement des indemnités complémentaires [11] à compter de la date de la contre-visite [12]. À cet égard, le salarié peut avoir intérêt à contester les résultats du contrôle. Dans ce cas, il lui appartient de solliciter une autre contre-visite ou de demander une expertise judiciaire [13]. Pour les employeurs appliquant la CCN 51, le salarié peut faire appel dans un délai de quinze jours devant un médecin de son choix, sous réserve que l’employeur ou son représentant agrée ce choix [14]. Pour ceux appliquant la CCN 66, il est prévu que le salarié a la possibilité de faire appel devant un médecin contrôleur [15].

À noter. Le médecin contrôleur doit également transmettre son rapport au service du contrôle médical de la CPAM.

En conséquence, ce service pourra soit demander à la caisse de suspendre les indemnités journalières de Sécurité sociale, soit procéder à un nouvel examen [16]. Une fois la décision de la caisse notifiée à l’assuré [17], ce dernier pourra saisir sa commission de recours amiable s’il entend la contester. Enfin, quand un nouvel arrêt de travail est prescrit dans les dix jours francs qui suivent une décision de suspension des indemnités journalières, la reprise de leur versement est subordonnée à l’avis du service du contrôle médical de la Sécurité sociale [18].

[1] C. trav., art. L. 1226-1

[2] Cass. soc., 19 juin 2001, n° 98-44.926

[3] CCN 51, art. 13.02.1 et 13.02.2

[4] CCN 66, art. 26

[5] C. trav., art. R. 1226-10

[6] CCN 51, art. 13.02.1 ; CCN 66, art. 26

[7] Il s’agit d’une reprise de la jurisprudence, v. not., Cass. soc. 4 févr. 2009, n° 07-43.430

[8]  Cass. soc. 11 décembre 1986, n° 84-41.672

[9] C. trav., art. R. 1226-12

[10] CCN 51, art. 13.02.2

[11] Cass. soc. 17 avril 1980, n° 78-41.878 

[12] Cass. soc. 15 octobre 1987, n° 85-40.555

[13] Cass. soc. 26 octobre 1982, n° 80-40.875 

[14] CCN 51, art. 13.02.2

[15] CCN 66, art. 26

[16] CSS, art. L. 315-1 II

[17] CSS, art. R. 315-1-3

[18] CSS, art. L. 323-7 et D. 323-4

Emma Lelièvre, élève avocate, et Cécile Noël, avocate counsel, Picard avocats

Et le pouvoir disciplinaire de l’employeur ?

Si les conclusions de la contre-visite médicale peuvent avoir des effets sur le versement des indemnités, l’employeur ne pourra ni licencier [1] ni sanctionner [2] le salarié sur le seul motif que son arrêt de travail n’est pas justifié ou que le contrôle n’a pas pu être effectué. La mise en œuvre du pouvoir disciplinaire doit rester très prudente y compris lorsque le salarié a exercé une activité – notamment sportive – pendant son arrêt maladie. Pour cela, l’employeur devra justifier d’un préjudice distinct du seul paiement du salaire pour démontrer un manquement à l’obligation de loyauté [3], ce qui est en pratique difficilement retenu par la haute juridiction sociale.

[1] Cass. soc. 10 novembre 1998, n° 96-42.969

[2] Cass. soc. 10 octobre 1995, n° 91-45.242

[3] Cass. soc. 1er février 2023 n° 21-20.526

Publié dans le magazine Direction[s] N° 235 - novembre 2024






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