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Prestation de services
La vigilance est de mise

02/10/2024

Le non-respect, par les prestataires de services, de leurs obligations envers leurs salariés, peut coûter cher à… leur donneur d’ordre. Les gestionnaires du secteur social et médico-social, qui ont fréquemment recours à la sous-traitance, doivent veiller au respect de certaines règles.

En cas de sanction, les gestionnaires du secteur pourraient être redevables des dettes sociales de leurs fournisseurs.

Qu’il s’agisse d’interventions ponctuelles ou récurrentes, les gestionnaires d’établissements sanitaires, sociaux ou médico-sociaux ont recours fréquemment à des sous-traitants pour concourir à la réalisation de leur activité. Exemples ? Exécution des travaux d’entretien, de maintenance, service des repas ou mission de sécurité…

Ce recours intervient soit lorsque l’entreprise ne dispose pas du savoir-faire adéquat pour fabriquer un produit ou réaliser une prestation (sous-traitance), soit lorsqu’elle est dans l’incapacité de répondre au volume de travail dans les délais impartis (prestation de services).

Or, pour lutter contre le travail illégal, le Code du travail met à la charge des organisations utilisatrices, une obligation de vigilance et de solidarité financière. Il s’agit de vérifier que le prestataire de services s’acquitte correctement de ses obligations de déclaration, de paiement de ses cotisations et qu’il déclare bien ses salariés.

Attention. En l’absence de vérifications périodiques, le donneur d’ordre peut être tenu solidairement responsable des dettes sociales et fiscales du  sous-traitant en cas de procédure pénale.

Soulignons le cynisme de ce mécanisme de solidarité financière qui consiste non seulement à déléguer aux entrepreneurs donneurs d’ordre le contrôle du travail dissimulé, mais aussi à faciliter le recouvrement des sommes auprès d’un second débiteur fréquemment plus solvable que le sous-traitant !

Obligation de vérification

L’obligation de vigilance [1] concerne tout donneur d’ordre qui confie la réalisation d’un ouvrage, l’exécution d’un travail, la fourniture d’une prestation de services ou l’accomplissement d’un acte de commerce. Sont ainsi concernés les contrats d’entreprise encadrant des prestations de services, matérielles, intellectuelles ou artistiques, de transport, de sous-traitance de travaux, de production, de fabrication, de transformation, de réparation, de construction, de fourniture, de vente ou encore de travaux agricoles.

À noter. Les petits contrats échappent à cette obligation de diligence, qui ne concerne que les opérations d’un montant au moins égal à 5 000 euros hors taxes.

Les maîtres d’ouvrage sont ainsi tenus à des vérifications liées à l’immatriculation du sous-traitant, au paiement de sa fiscalité, à la déclaration de ses salariés aux Urssaf, au paiement des cotisations sociales et des dettes fiscales ainsi qu’à la remise des bulletins de paie.

Concrètement ? Il s’agit de réclamer du prestataire de services la production de deux documents [2] :

- un document justifiant de son immatriculation (extrait Kbis ou carte répertoire des métiers) ;

- une attestation de vigilance délivrée par l’Urssaf, mentionnant le nombre de salariés et le total des rémunérations déclarées par le co-contractant lors de sa dernière échéance, ainsi que le respect des obligations de déclaration et de paiement des charges sociales.

Attention. Lorsque le sous-traitant fait appel à de la main-d’œuvre étrangère, des formalités supplémentaires existent.

Tous les six mois

Mais il ne suffit pas d’exiger la production de ces documents, il faut s’assurer, en outre, de leur réception effective et de la validité de l’attestation. La vérification est exercée par voie dématérialisée via un code de sécurité, sur le site internet de l’Urssaf, par courrier ou directement à l’accueil physique.

La remise de ces documents est une obligation récurrente, qui commence à la conclusion du contrat de prestation de services, et se poursuit tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution.

Si le donneur d’ordre constate que son sous-traitant n’est pas à jour de ses cotisations, alors il lui incombe de le mettre en demeure de régulariser sa situation. S’il ne le fait pas, le contrat de sous-traitance doit être interrompu sur-le-champ.

Des sanctions très lourdes

Le donneur d’ordre peut aussi être informé, par écrit, par un agent de contrôle, un représentant du personnel, un syndicat ou une association professionnelle, que son sous-traitant exerce un travail dissimulé, il doit alors lui enjoindre de faire cesser la situation par lettre recommandée avec accusé de réception [3]. S’il n’obtempère pas ? Alors l’entreprise donneuse d’ordre peit être tenue solidairement resposable en cas de condamnation du sous-traitant pour travail dissimulé.

Si après investigation, l’Urssaf constate que le donneur d’ordre a manqué à sa vigilance en ne demandant pas l’attestation, ou s’il était informé de l’existence d’un travail dissimulé du sous-traitant sans lui avoir demandé de le faire cesser, alors elle pourra se retourner contre lui pour qu’il règle le montant du redressement en lieu et place de son fournisseur de services.

Les sanctions encourues par le donneur d’ordre sont très lourdes, puisqu’indépendamment des sanctions pénales et complémentaires, il peut être tenu de payer les impôts, taxes et cotisations obligatoires dus par le prestataire, y compris les sommes dues par celui-ci en raison des annulations d’exonérations et de réductions de cotisations et de contributions sociales, sans oublier la majoration de 25 % ou 40 % éventuellement appliquée au montant du redressement. La sanction est toutefois plafonnée à 75 000 € lorsqu’il s’agit d’un premier manquement.

Le donneur d’ordre encourt, en outre, à titre de sanction, l’annulation des réductions ou exonérations dont il a bénéficié pour son propre personnel. Il est donc indispensable de respecter scrupuleusement l’obligation de vigilance dès la conclusion de la convention de sous-traitance, en veillant à l’actualiser tous les six mois durant son exécution.

Par ailleurs, il faut insérer une clause dans la convention de prestation de services, autorisant la rupture unilatérale et sans préavis dans l’hypothèse où le sous-traitant ne respecterait pas ses obligations en vertu du Code du travail.

[1] Code du travail, articles L. 8222-1 et suivants

[2] Code du travail, article D. 8222-5

[3] Code du travail, article L. 8222-5

Frédérique Marron, avocate, Capstan Lyon

Sous-traitance : quels autres risques juridiques ?

Les vérifications à opérer par le donneur d’ordre sont renforcées en cas d’emploi de travailleurs étrangers ainsi que de détachement de salariés en France par un prestataire de services étranger [1]. Les sanctions civiles, pénales et administratives encourues sont adaptées en conséquence. Par ailleurs, pour éviter un risque de requalification en contrat de travail, la convention de prestation de services (ou de sous-traitance) prend la forme d’un contrat dans lequel le co-contractant doit s’engager à exécuter, selon un cahier des charges, certaines tâches selon des compétences propres dont il assume la responsabilité économique finale. Surtout, dans les faits, le prestataire doit rester autonome, encadrer le personnel qui exécute la prestation sous sa propre direction et assumer la responsabilité de l’exécution des travaux. À défaut, le recours à la sous-traitance s’accompagnant d’une mise à disposition de salariés, peut devenir illégale lorsqu’elle :

  • masque un prêt de main-d’œuvre à titre lucratif ;
  • constitue un marchandage, c’est-à-dire qu’elle porte préjudice aux salariés mis à disposition ou élude l’application de dispositions légales ou conventionnelles ;
  • dissimule un contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice.
Outre des sanctions civiles et administratives, sont alors encourues les sanctions pénales appliquées au délit de prêt de main-d’œuvre illicite, délit de marchandage, ou délit de travail dissimulé.

 

[1] Code du travail,  articles D. 8222-7 et D. 8254-2, 3, 5

Publié dans le magazine Direction[s] N° 234 - octobre 2024






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