Aider des enfants. Améliorer l’articulation. Remédier à des troubles de l’apprentissage. Bien souvent encore, voilà à quoi se réduit la profession d’orthophoniste dans l’imagerie commune. « Quand j’ai commencé ma formation, pour moi l’orthophonie traitait essentiellement de dyslexie ou de troubles articulatoires. Je ne m’attendais pas à une telle diversité, que j’ai découverte au cours de mes études », reconnaît Catherine Léandre, diplômée en 1992, qui intervient aujourd’hui au sein du dispositif d’accompagnement médico-éducatif (Dame) Les Barbussières (Loire-Atlantique).
Autre idée préconçue : il s’agit de s’occuper essentiellement d’enfants. En réalité, elles (la profession est majoritairement féminine) soutiennent aussi des adultes, jusqu’en fin de vie. Et pas seulement pour des enjeux liés à la communication : les troubles de la déglutition représentent 70 % des interventions des orthophonistes du centre de soins de suite et de réadaptation (SSR) pédiatrique Marc-Sautelet d’APF France handicap, dans la région lilloise, selon Manon Chatellier qui y travaille depuis 2022.
Autrement dit, les orthophonistes doivent déployer des compétences larges. Ce d’autant plus que nombre d’entre elles exercent à temps partiel, pas toujours choisi, et parfois au sein de plusieurs établissements et services. Ainsi Catherine Léandre aimerait-elle passer de 80 % à un temps plein sans encore y parvenir. Elle regrette aussi que les temps partiels conduisent à des pertes de temps en coordination. Autre regret unanimement partagé sur les conditions de travail : malgré les cinq ans d’études requises par leur diplôme d’État, elles sont valorisées comme des titulaires de bac + 3. De plus, toutes le disent, elles doivent, au fil de leur carrière, continuer de se former, rester en veille sur l’apparition de nouveaux outils, de communication alternative ou augmentée notamment.
Faciliter « l’être ensemble »
D’autant que, si on lui demande de présenter ses missions, Anne Esnault, 43 ans, salariée de l’établissement de santé pour enfants et adolescents de la région nantaise de l’APF France handicap, répond « le développement des compétences de communication de chacun, qu’il s’agisse d’une personne polyhandicapée ou de quelqu’un qui rencontre juste un trouble de l’apprentissage. Développer ces compétences leur permettra d’aller vers le monde. De même, les compétences en déglutition et alimentaires facilitent, elles aussi, l’être ensemble ».
Dès lors, parmi les qualités essentielles pour exercer ce métier selon elle, celle de l’adaptation pour « s’ajuster au patient sans toujours suivre de protocole très précis, par exemple, en retrouvant les objectifs au moyen d’un jeu choisi par l’enfant plutôt que par celui qu’on aurait privilégié ». Sabine Rame, intervenant également au sein du Dame Les Barbussières, y ajoute la patience et la créativité pour créer LE support adapté aux besoins de l’enfant. Manque d’écoute et d’intérêt pour les autres, indisponibilité y compris affective sont à l’inverse les défauts cités le plus systématiquement par les professionnelles.
Au fil des ans, les publics accueillis présentent des besoins de plus en plus complexes, du fait, notamment des progrès médicaux. Dans le même temps, les outils à la disposition des orthophonistes se perfectionnent. Et, malgré le retard dans l’adressage des patients par les prescripteurs que déplorent certaines d’entre elles, elles se sentent globalement bien prises en considération au sein de leurs équipes : « On ne focalise plus seulement sur la marche et la motricité, mais on s’intéresse aussi à la communication », se réjouit Anne Esnault. Tandis que Clélia Vansteen, observe que « discuter en équipe permet de tenir face à des situations difficiles ».
Sophie Massieu
Point de vue
Emmanuelle Fleurence, pédiatre au sein d’APF France handicap en Loire-Atlantique
« Je suis amenée à prescrire des séances en orthophonie. C’est un métier très polyvalent. Rééducation oro-maxillo-faciale, communication… En structure médico-sociale, les orthophonistes doivent être expertes de tout cela à la fois. Elles doivent pouvoir changer plusieurs fois par jour de technique et d’objectif, particulièrement en SSR. Leur travail représente un vrai plus pour une équipe et tout un établissement. Et la diversification de leurs missions témoigne de ce que l’on prend beaucoup plus le patient dans sa globalité qu’on ne le faisait précédemment. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 234 - octobre 2024