« La confidentialité, la neutralité, l’impartialité » guident Chantal La Manno (Udaf).
D’abord, il s’agit de comprendre les liens, ce qui a permis de construire une famille. Ce, sans aller autant en profondeur que dans le cadre d’une thérapie de couple puisque, plutôt que d’apporter un soin psychologique, il s’agit d’atteindre un objectif concret : amener les personnes à définir elles-mêmes les solutions qui vont leur permettre d’éduquer un enfant malgré une séparation ou encore d’apaiser un lien intergénérationnel. Voilà comment Chantal La Manno, médiatrice au sein de l’Union départementale des associations familiales des Alpes-Maritimes à Nice, définit ce « métier passion » qu’elle exerce, depuis 25 ans, désormais en cumul emploi-retraite. Avant de résumer : « Nous partons des compétences des personnes, pour les remettre à leur place de décideurs. » Lorsque cela fonctionne, elle avoue y trouver une « satisfaction narcissique ».
Accompagner sans juger
Mais pour renouer les fils du dialogue familial mis à mal par un conflit, parfois enkysté, la première condition tient à l’acceptation par les deux parties. Autrement dit, quand la médiation familiale est ordonnée par un juge aux affaires familiales plutôt que choisie, les chances de succès sont parfois moindres. Dans tous les cas, une fois le processus lancé, il commence par des entretiens individuels avant une séance de médiation commune. « Notre rôle consiste à accompagner, sans jugement, l’expression de ce qui fait conflit dans le lien familial », explique Nathalie Vézilier, salariée de l’Espace médiation EPE 35 (Ille-et-Vilaine). Avec comme guides, « trois mots importants » : « La confidentialité, la neutralité, l’impartialité », liste Chantal La Manno. Le tout dans un cadre précis de médiation, souligné par les professionnelles : l’heure de fin de séance est connue et respectée, les participants ne doivent pas se couper la parole… « Il convient d’être en mesure de soutenir celui qui parle le moins », pointe par exemple Patricia Kervella-Fouque, médiatrice familiale et directrice de l’Association départementale professionnelle de médiation familiale, qu’elle a fondée en 2005, dans le Gard. Ce qui demande aux professionnelles de trouver la bonne posture, faite de distance tout autant que d’empathie. Et de déployer des qualités « d’adaptation, de patience, d’écoute active et de capacité à faire confiance à l’autre », selon Nathalie Vézilier.
Recrutements individuels et performance collective
Outre ces qualités individuelles, lors de ses recrutements, Sylvain Viseur, directeur d’EPE 35, cherche aussi une capacité à travailler en équipe et à doter le collectif de compétences complémentaires. Sa dernière recrue était auparavant avocate par exemple, ce qui apporte des connaissances utiles à tous dans le cadre de l’expérimentation de la médiation familiale en milieu carcéral, avec la prison de Rennes.
Ainsi, les professionnels appuient-ils la réussite de l’équipe dans son ensemble. Le travail en équipe offre aussi la possibilité, indique Nathalie Vézilier, de partager regrets et frustrations, par exemple, de ne pouvoir prendre une décision qui semblerait adaptée à une situation.
Un soutien d’autant plus utile que les médiateurs familiaux sont confrontés aux évolutions sociétales majeures : les couples qui se séparent de plus en plus tôt, l’addiction aux écrans qui peut déscolariser les enfants, les tensions entre aidants et aidés… Autant de phénomènes qui compliquent leurs missions mais renforcent aussi leur place et leur importance. Ils étaient auparavant surtout prisés des milieux favorisés. Désormais, les publics se diversifient, en particulier au travers d’expérimentations comme celle de la tentative de médiation familiale préalable obligatoire : lorsqu’un parent veut changer une décision prise par le juge aux affaires familiales, il doit y recourir avant de déposer une requête au tribunal. Les demandes bondissent, illustre Patricia Kervella-Fouque : passées d’une vingtaine par an lorsqu’elle a créé l’association à 900 aujourd’hui. Preuve, s’il en était besoin, de la reconnaissance de la profession.
Sophie Massieu
La formation en chantier
Obligatoire pour exercer dans toutes les structures conventionnées avec des organismes comme les caisses d’allocations familiales, le diplôme d’État de médiation familiale est ouvert aux titulaires d’un bac + 2 ou + 3, selon son parcours. Il comprend 595 heures, dont 105 de formation pratique. Depuis le 1er septembre 2024, il peut être obtenu au travers de l’acquisition de blocs de compétences. Une « réforme cosmétique », selon Amélie Naudot, secrétaire générale de la Fédération nationale de la médiation et des espaces familiaux, qui en annonce une autre, en 2025, plus importante, puisqu’elle s’appuiera sur la refonte en cours du référentiel. Le précédent datait de 2017. « Celui-ci devra mieux intégrer les sujets intergénérationnels ou les familles recomposées », indique-t-elle.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 236 - décembre 2024