1) Lors du recrutement…
Primes d’arrivée, de bienvenue ou Golden hello : très usuel dans certains secteurs et pour certaines fonctions, ce dispositif tend à se pratiquer au sein des structures rencontrant des difficultés de recrutement persistantes liées au poste ou au secteur géographique. Naturellement, son versement n’a d’utilité pour l’employeur que si le salarié s’engage, en contrepartie, à rester dans les effectifs pendant une certaine durée. Or, la clause contractuelle ne doit ni porter une atteinte excessive à la liberté du salarié de quitter son travail ni faire dépendre le versement de la prime de la seule volonté de l’employeur [1]. En pratique, ce dernier a deux options :
- verser plusieurs primes à échéances successives et définitivement acquises par le salarié ;
- verser une prime à l’embauche ou à l’issue de la période d’essai mais dont l’acquisition n’est définitive qu’au bout d’un certain temps : si le salarié quitte les effectifs avant cette échéance, il sera redevable d’un remboursement partiel au prorata [2].
Aussi appelée prime de cooptation, celle-ci est accordée à un salarié qui participe au processus de recrutement en recommandant un candidat. Outre une réduction drastique des coûts de recrutement, elle permet d’y associer les salariés en poste, faciliter l’intégration et garantir une certaine adéquation entre le professionnel recruté et le poste proposé.
- Reprise d’ancienneté à l’embauche
Nombre de conventions collectives prévoient déjà des dispositions plus favorables que la loi en la matière. Il en va notamment ainsi des conventions collectives nationales (CCN) du 15 mars 1966, du 31 octobre 1951 ou encore de celle de l’aide à domicile. Certains employeurs ont fait le choix d’être encore plus favorables, par exemple, en supprimant la condition tenant à la nature de la convention collective appliquée dans le précédent emploi ou en élargissant la durée de reprise d’ancienneté.
Attention ! Il est indispensable de réfléchir en amont aux conséquences souhaitées : uniquement pour la rémunération (coefficient ou prime d’ancienneté) ou reprise d’ancienneté totale (y compris pour les droits afférents à la suspension et à la rupture du contrat notamment) ? La clause ne doit laisser place à aucune interprétation.
Afin d’attirer des profils ne se trouvant pas nécessairement à proximité du lieu d’exercice du poste, l’employeur peut également proposer différentes aides à la mobilité : prise en charge des frais de déménagement, aide à la recherche d’un logement, congé d’installation… Attention, toute prise en charge financière est toutefois soumise à contributions sociales et à impôt.
2) … à conserver une fois en poste
Recruter le salarié ne suffit pas : encore faut-il l’inciter à rester. S’agissant des mesures liées à l’exécution du contrat de travail, on distingue les dispositifs financiers de ceux liés au temps et à la qualité de vie au travail.
Sans prétendre à l’exhaustivité, un certain nombre de mesures permettent d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés tout en s’inscrivant dans une enveloppe budgétaire maîtrisée.
- La prime de partage de la valeur remplace depuis juillet 2022 la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et bénéficie d’une exonération de cotisations sociales (son régime social et fiscal étant toutefois, depuis 2024, moins favorable [3]).
- La mise en place d’un compte épargne-temps (CET) permet au salarié d’y stocker des droits à congé ou des sommes perçues afin de bénéficier d'une rémunération immédiate ou différée ou d’un congé ultérieur [4].
- La fixation de primes sur objectifs : si ce mot peut sembler tabou dans le secteur, il n’en demeure pas moins que ce système se fait une place, notamment à l’égard des cadres.
- La création d’une prime d’intéressement, contrairement à une idée reçue, n’est pas limitée au secteur lucratif et peut reposer sur des critères qualitatifs et/ou quantitatifs adaptés (satisfaction des usagers, réduction de l’absentéisme…).
- Un plan d’épargne entreprise ou un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif peuvent être instaurés.
- En cas d’absentéisme ou de surcroît d’activité, le recours aux heures supplémentaires plutôt qu’au contrat de travail à durée déterminée : cela est moins coûteux pour l’employeur et avantageux pour les salariés volontaires (majoration salariale, exonération de certaines cotisations sociales et d’impôt sur le revenu dans une limite de 7 500 euros par an).
- Titres-restaurant, forfait mobilités durables… La mise en place d’avantages pouvant bénéficier d’un régime social et fiscal favorable sont à envisager.
- Sans oublier le bénéfice d’activités sociales et culturelles, le cas échéant gérées par le comité social et économique (CSE) disposant d’un budget dédié (chèques-vacances, chèques-cadeaux, etc.).
- Organisation du temps de travail et QVCT
Outre le volet financier, l’amélioration de la qualité de vie et des conditions travail (QVCT) est aujourd’hui un enjeu majeur de fidélisation. En mai 2023, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail diffusait un guide [5] partageant des retours d’expériences et recommandations d’employeurs notamment associatifs. Au sein de l’entreprise, les principaux leviers d’attractivité identifiés touchent au processus d’intégration lors de l’embauche (lire aussi l’article Nouvelles recrues : bâtir sa stratégie d'intégration), à la montée et l’adaptation en continu des compétences, au soutien managérial et à l’organisation du temps de travail. S’agissant plus précisément de ce dernier point, de nombreuses mesures sont aujourd’hui mises en place au sein des structures du secteur : aménagement du temps de travail avec octroi de jours de repos, horaires individualisés, télétravail, semaine de quatre jours [6], congés supplémentaires [7] (augmentation des congés légaux pour évènements familiaux, congé menstruel, congé d’engagement associatif, etc.).
3) Quelle formalisation juridique ?
Accord collectif, décision unilatérale, clause du contrat de travail ? La concrétisation des différents leviers d’attractivité implique de s’interroger sur leur formalisation. En pratique, il convient de raisonner par étapes. En premier lieu, il est nécessaire de vérifier si la mesure concernée nécessite un accord collectif (par exemple, en matière d’aménagement du temps de travail ou de CET).
Ensuite, il convient de questionner l’opportunité, voire l’obligation, d’échanger au préalable avec les délégués du personnel, s’ils existent. En effet, la plupart des dispositifs précités relèvent du champ des négociations obligatoires sur la rémunération (salaires effectifs, temps de travail et partage de la valeur ajoutée) ou sur l’égalité professionnelle et la QVCT. Or, tant que ces négociations sont en cours, l’employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l’urgence le justifie [8].
Si la décision unilatérale a l’avantage de la simplicité de conclusion comme de dénonciation, la voie de l’accord collectif peut constituer un levier de négociation et bénéficie, dans une certaine mesure, d’une présomption de justification des différences de traitement [9]. Il est donc essentiel de s’interroger, en amont, sur la durée de la mesure et sur les conséquences juridiques recherchées.
En outre, il convient de vérifier si la mesure implique une consultation préalable du CSE ; à défaut, une simple information peut rester opportune. Enfin, la vigilance est de mise quant au contenu des contrats de travail : il est préconisé, en cas de mention d’un avantage, d’user des termes « à titre informatif » ou « indicatif » afin de se prémunir du risque de contractualisation.
[1] C. civ., art. 1170 et 1304-2
[2] Cass. soc. 11 mai 2023, n° 21-25.136
[3] Voir le site https://boss.gouv.fr
[4] Au sein de la Bass, accord de branche étendu du 1er avril 1999
[5] Lire La QVCT pour agir sur les problèmes d’attractivité, sur www.anact.fr
[6] Lire Direction[s] n° 226, p. 32
[7] Sous réserve des structures appliquant la CCN du 15 mars 1966, tombée dans la potion des congés trimestriels et d’ancienneté…
[8] C. trav., art. L. 2242-4
[9] Cass. soc. 30 mai 2018, n° 17-12.925
Cécile Noël, avocate counsel, Picard avocats
Du droit social au marketing social
Mettre en place des mesures d’attractivité ne suffit pas : encore faut-il qu’elles soient connues des candidats à l’emploi et des salariés en poste. En effet, nombre de salariés ne sont pas suffisamment informés des différents dispositifs existant au sein de leur structure ou n’osent pas les actionner. Sur la forme comme sur le fond, la communication est donc essentielle, de la publication de l’offre d’emploi (sites internet dédiés [1], réseaux sociaux, revues professionnelles…) à la diffusion interne (guide d’arrivée, intranet, panneaux d’affichage, référent interne…), tout en s’assurant qu’elle soit toujours conforme à l’acte juridique fondant la mesure.
[1] Par exemple, Le Media social Emploi, partenaire de Direction[s]
Publié dans le magazine Direction[s] N° 236 - décembre 2024