Lancée le 26 juin 2023 pour trois ans, l’expérimentation « validation des acquis de l’expérience (VAE) inversée » vise à intégrer au contrat de professionnalisation des actions de VAE, afin de « favoriser l’accès à la certification et à l’insertion professionnelles dans les secteurs rencontrant des difficultés particulières de recrutement », notamment le sanitaire et social [1]. « Les employeurs sont aujourd’hui dans la phase de découverte de ce nouveau dispositif, commente Anne Levin, directrice de l’Institut régional de travail social Hauts-de-France - Site métropole lilloise. Il est important qu’ils en connaissent les subtilités, car c’est un outil supplémentaire au service de la montée en qualification et en compétences des salariés, dans un contexte d’attractivité réduite et de réduction des fonds pour accéder aux formations classiques. »
1) Un double objectif
La structure définit, en lien avec un ou plusieurs organismes de formation, un parcours sur mesure d’acquisition des compétences permettant :
- Pour la structure : de former directement un collaborateur sur son poste de travail et, ainsi, répondre à ses tensions de recrutement ; d’être accompagné par un organisme de formation interne ou externe (l’architecte accompagnateur de parcours – AAP) pour la définition et la réalisation du parcours pédagogique ;
- Pour le bénéficiaire : de signer un « contrat pro » lui permettant de se former ou se reconvertir dans un métier en tension directement sur un poste de travail ; d’acquérir tout ou partie d’un diplôme ou d’un titre professionnel ; de s’insérer durablement dans l’emploi.
2) Qui peut participer ?
Côté employeur…
Seul le secteur privé est à ce jour éligible au contrat pro. Le projet peut être porté par une structure, une branche, un opérateur de compétences (Opco), un groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (Geiq), un organisme de formation ou une tête de réseau. « Pour des raisons tant de crédibilité du projet que de faisabilité des démarches, il est plus pertinent de privilégier une candidature en consortium sur un territoire ou un groupe de métiers », recommande Jean-Christophe Boulanger, responsable du pôle Développement de l'alternance à l'Opco Uniformation.
Côté candidats…
Toute personne de 16 ans et plus est éligible. Il n’y a pas de limite d’âge. Le contrat peut être conclu avec un demandeur d’emploi – public cible de l’expérimentation – ou un salarié dans le cadre d’un contrat à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI). « Dans ce dernier cas, le contrat doit faire l’objet d’un avenant, via le nouveau Cerfa du contrat pro associant des actions de VAE, publié début janvier », précise Jean-Christophe Boulanger.
3) Quel financement ?
La prise en charge, jusqu’à 9 000 euros par an, est assurée par les Opco et modulée selon la nature et durée des actions et le type de parcours du bénéficiaire. Le nombre de parcours pouvant être financés sur la durée de l’expérimentation, est limité à 5 000, tous secteurs confondus. L’accompagnement peut être pris en charge à partir de la plateforme France VAE [2], s’il correspond à l’une des 210 certifications actuellement disponibles (ce devrait être le cas pour la totalité d’entre elles d’ici à la fin 2024). « Même si ce n’est pas le cas, l’Opco peut être mis à contribution dans la limite du plafond de prise en charge, dès lors que candidat et porteur de projet cochent les cases du dispositif », précise Jean-Christophe Boulanger.
Par an, la prise en charge des coûts pédagogiques est plafonnée à 6 000 euros, celle des coûts de conception et de coordination à 1 000 euros et celle des frais d’accompagnement à la VAE à 2 000 euros.
Si le plafond annuel n’est pas atteint, le financement pourra être complété par l’Opco sur les postes suivants (selon ses critères de prise en charge) :
- frais annexes (hébergement, restauration, transport...) : plafond de 300 euros ;
- formation des tuteurs et formateurs d'actions de formation en situation de travail (Afest, lire l'encadré, ci-dessous) : 15 euros de l'heure dans la limite de 40 heures (600 euros au plus) ;
- indemnités pour ces mêmes salariés : 230 euros/mois/salarié pendant six mois maximum (1380 euros), porté à douze mois (2 760 euros) quand le tuteur assure des fonctions de formateur Afest et majoré de 50 % pour les plus de 45 ans. « Un bloc qu’à Uniformation, nous ne financerons pas », informe Jean-Christophe Boulanger.
Toute dépense doit être justifiée par la production d’une facture et d’un certificat de réalisation. « Ce qui implique une préparation en amont entre partenaires, pour arriver à un plan de formation et un chiffrage commun. Et aussi, pour le porteur de projet, d’attendre le feu vert de l’Opco afin de connaître exactement son reste à charge », conseille Anne Levin.
Le plafond n’est pas cumulable avec d’autres sources de financement public portant sur les mêmes dépenses éligibles (par exemple, obtenues à titre individuel sur le contrat pro). « En revanche, il l’est avec l’aide au recrutement en alternance si le stagiaire a moins de 30 ans et avec l’aide de Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi », précise Jean-Christophe Boulanger.
4) Comment candidater ?
Les candidats doivent compléter une fiche projet [3], seuls ou en consortium, et l’envoyer à la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), à l’adresse : xp.cprovae@emploi.gouv.fr. Dans ce document, ils doivent dater le projet, identifier porteur de projet et partenaires impliqués et leurs rôles respectifs ; indiquer objectifs et finalités du projet, zones géographiques concernées, nombre et caractéristiques des publics visés – niveau de qualification, statut... – et préciser la durée moyenne prévisionnelle des parcours, ainsi que les modalités d’animation et de suivi envisagées. Ils doivent aussi expliquer dans quelle mesure le secteur rencontre des difficultés particulières de recrutement et comment les qualifications visées y répondent. Enfin, détailler frais prévisionnels et modalités de financement. « On peut adjoindre au dossier tout document complémentaire jugé utile, par exemple des études prospectives relatives aux besoins en emplois, métiers ou compétences », précise Jean-Christophe Boulanger.
La date de clôture des candidatures est fixée au 28 février 2026. La sélection des projets se fait au fil de l’eau. Le silence de la DGEFP pendant deux mois suivant réception de la fiche projet vaut rejet de la demande.
5) Quel déroulement de parcours ?
La durée du contrat pro est de trente-six mois au maximum, sans durée minimale requise ni de plafond d’heures de formation. Le contrat associe trois composantes obligatoires d’acquisition des compétences :
- des enseignements généraux, professionnels et technologiques, qui peuvent être réalisés tout ou partie à distance et/ou en Afest ;
- une activité professionnelle dans une ou plusieurs structures, qui permet au candidat d’acquérir de l’expérience, tout en poursuivant le renforcement de ses compétences ;
- un accompagnement à la VAE permettant la valorisation des compétences acquises au cours du contrat ou lors d’expériences antérieures. « Il est possible d’apporter des compléments formatifs autres que les soixante-dix heures d’actions de formation complémentaires prévues par la réforme », précise Anne Levin.
L’évaluation est réalisée de manière régulière tout au long du contrat, avec des points d’étapes réguliers. L’AAP accompagne aussi le candidat dans la préparation de son passage devant le jury, dans le dernier mois du contrat. En cas d’échec total ou partiel, il faudra déposer un nouveau dossier auprès de la DGEFP.
6) Un suivi annuel
Un comité de pilotage national, associant représentants des ministères ou des organismes certificateurs, porteurs de projet ou Opco, s'est réuni au lancement de l’expérimentation, puis le fera, a minima, tous les ans.
[1] Lire Direction[s] n° 227, p. 22
[2] À consulter sur https://vae.gouv.fr
[3] À consulter sur https://travail-emploi.gouv.fr
Catherine Piraud-Rouet
Aller plus loin :
- Loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
- Décret n° 2023-408 du 26 mai 2023 relatif à l’expérimentation permettant la conclusion de contrats de professionnalisation associant des actions de validation des acquis de l’expérience
- Arrêté du 26 juin 2023 relatif au cahier des charges de l’expérimentation permettant la conclusion de contrats de professionnalisation associant des actions de validation des acquis de l’expérience.
L’Afest, un vrai plus dans le parcours
Le recours à une ou plusieurs action de formation en situation de travail (Afest) – par exemple, apprendre à faire une toilette – n’est pas obligatoire dans le contrat de professionnalisation intégrant des actions de VAE inversée, mais fortement encouragé. « L’Afest fait peur aux employeurs car elle implique d’identifier et de former un référent – tuteur interne à la structure ou organisme de formation – ainsi que de créer et coordonner une ingénierie pédagogique », note Anne Levin. Mais elle présente aussi des avantages. Les personnes restent dans les murs pendant leur temps de formation. Leur parcours est aussi sécurisé par l’assurance que toutes les activités nécessaires à la validation de la VAE seront bien mises en œuvre en interne. Elle permet la mise en place de phases réflexives qui aideront à valider les parcours. « Le dispositif peut aussi être un levier de management intéressant pour apporter une dynamique de co-construction apprenante à une équipe ou un établissement », estime Anne Levin.
Audrey Chapuis, directrice du Geiq AMS (Rhône)
« Répondre aux besoins en recrutement »
« Notre groupement rassemble vingt-cinq associations d’aide à domicile. L’expérimentation VAE inversée nous intéresse car elle pourrait être un outil de plus pour tenter de remédier aux fortes tensions en recrutement de nos adhérents, en lien étroit avec leurs besoins. Et ce, en accompagnant chaque candidat à une certification, via un parcours créé sur mesure, tant sur le plan de la durée que du contenu. C’est pourquoi, dès juin 2023, nous nous sommes positionnés comme candidats à l'appel à projets, aux côtés de la Fédération française des Geiq. Nous espérons mettre en place dix parcours sur la première année (principalement pour les diplômes d’État d’accompagnant éducatif et social, d'assistant de vie aux familles et de technicien de l’intervention sociale et familiale), puis monter en puissance progressivement. Notre file active est aujourd’hui de quatre-vingt-dix salariés alternants. Vingt à trente postes demeurant non pourvus chaque année, nous pourrions envisager de former facilement quarante à quarante-cinq candidats par an. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 228 - mars 2024