Selon Aurélien Delahoche (CFDT) un mandat prud’homal accapare vingt à trente heures par mois.
Des hommes experts et compétents dans certains domaines à qui l’on confiait des décisions de justice. Les « preud’omes » du XIIIe siècle ont depuis cédé la place aux conseillers et conseillères prud’homaux. Reste de cette étymologie l’idée que des magistrats non professionnels peuvent régler des conflits individuels entre employeurs et salariés (litiges sur un licenciement, le temps de travail, les conditions d’hygiène et de sécurité…), aussi souvent que possible par voie de conciliation.
Ces hommes et femmes sont désignés de façon paritaire par les organisations patronales et syndicales, proportionnellement à leur représentativité issue des élections professionnelles. Les mandats sont de quatre ans, renouvelables.
À noter. Pendant leurs interventions sur leurs heures de travail, les salariés conservent leur rémunération, et ils sont indemnisés pour celles effectuées en dehors.
Juger en toute impartialité
Du temps, ce mandat leur en prend. Entre vingt et trente heures par mois, estime Aurélien Delahoche (CFDT santé-sociaux), au conseil des prud’hommes (CPH) de Compiègne (Oise) depuis 2018. Et même jusqu'à soixante heures lorsqu’ils occupent les fonctions de président ou vice-président du conseil, selon Jean-Paul Luce (CGT, conseiller depuis 1997). Il préside cette année la section Activités diverses, celle du secteur social et médico-social, du CPH de Montpellier (Hérault). Catherine Bloch, conseillère depuis 2002 du collège employeurs, investie par l’Udes au CPH de Lyon, aujourd’hui DRH retraitée, confirme : « C’était du travail supplémentaire ! Il fallait pousser les murs car je n’étais pas remplacée pendant mon absence. »
Autrement dit, de l’avis de tous, pour s’investir dans l’un des 211 conseils des prud’hommes que compte la France, une des premières qualités requises est la disponibilité. Très vite, chacun ajoute l’écoute, la bienveillance, le respect, la capacité à objectiver les situations pour se montrer impartial. En somme, pour « être juste, juger en droit », selon Catherine Bloch. Quitte, parfois, à « se faire des nœuds au cerveau », d'après Aurélien Delahoche, pour interpréter correctement la jurisprudence complexe et évolutive du droit du travail. Catherine Bloch invite à trouver la juste posture face aux avocats également : « C’est nous qui devons mener la danse, pas eux ! » Et Jean-Paul Luce avance la nécessité de se montrer « le plus convaincant possible pour persuader le collège employeurs ».
Sans jamais aller jusqu’à se montrer partisan, défaut rédhibitoire de l’opinion de tous. « D’autant que dans le secteur, les employeurs ne sont pas de grands méchants loups et qu’ils disposent de moyens limités », selon Aurélien Delahoche. Autre empêchement : « la malhonnêteté », dit Jean-Paul Luce, qui rappelle que ne pas s’être retiré d’un dossier lorsque le conseiller connaît une des parties peut casser un jugement.
Montée en compétences et en connaissances
Du côté des compétences, de solides connaissances en droit s’imposent. Les conseillers reçoivent une première formation, de cinq jours, administrée par l’École nationale de la magistrature. Puis des formations continues régulières, proposées par leurs organisations syndicales et patronales. « Cette activité permet d’être formé constamment sans aller en formation, se réjouit Catherine Bloch. Et cela m’a amenée à modifier mes pratiques, par exemple dans la gestion des inaptitudes, le renouvellement des CDD ou les techniques de management au vu des affaires de harcèlement. »
Comme elle, tous confient exercer ce mandat avec passion, y gagner en connaissances et en compétences : « C’est très enrichissant, affirme Jean-Paul Luce. On acquiert une meilleure compréhension de l’autre collège. » Plus qu’un mandat, un sacerdoce ?
Sophie Massieu
Le Conseil supérieur planche sur les réformes nécessaires
Conseiller prud’homal depuis 2002, actuellement au CPH de Marseille, membre du collège employeurs, Emmanuel Boutterin a aussi été nommé par le garde des Sceaux sur proposition de l’Udes au sein du Conseil supérieur de la prud’homie. « Aux côtés de la Direction générale du travail et des services judiciaires, nous observons les tendances et évolutions, pour donner notre avis au Gouvernement ou au législateur sur les réformes nécessaires ou sur la refonte de la carte judiciaire. Actuellement par exemple, nous réfléchissons à l’installation du tribunal de Mayotte. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 230 - mai 2024