Philippe Izard est directeur de réseau chez le fabricant de prothèses et orthèses, Proteor.
Un sens relationnel très fort, de la réflexion et un savoir-faire manuel. Pour Philippe Izard, directeur de réseau chez le fabricant de prothèses et orthèses Proteor, ce sont les trois faces du métier d’orthoprothésiste. Le tout pour rendre à la personne un maximum d’autonomie en tenant compte de ses projets de vie. L’Union française des orthoprothésistes, organisation professionnelle représentative du grand appareillage orthopédique sur mesure, dénombre environ 1 300 professionnels en France. Selon elle, 850 000 personnes les sollicitent. Dont bon nombre au sein d’établissements et services médico-sociaux (ESMS).
À leur juste place
Dès lors, quoique massivement salariés d’entreprises privées, ces fabricants de prothèses ou d’orthèses des membres supérieurs ou inférieurs, mais aussi de corsets d’immobilisation ou de maintien, occupent une place importante au sein des équipes pluridisciplinaires. Ils interviennent sur prescription médicale, en lien avec les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes et parfois les éducateurs spécialisés… « Nous prenons en considération l’humain dans sa globalité », souligne Ludovic Dejean, directeur régional Paca et Rhône-Alpes chez Lagarrigue Orthopédie. Autrement dit pas seulement un genou ou un poignet à appareiller.
S’ils protestent contre une équation financière difficile (inflation, remboursements bloqués depuis huit ans, frais de déplacement non pris en charge…), ils se sentent en revanche reconnus à leur juste place au sein des ESMS. « Nous sommes à la fois intervenants extérieurs et un peu membres de l’équipe, relève Philippe Izard. Nous intervenons à dates fixes, souvent dans le cadre de consultations hebdomadaires, aux côtés des équipes. » Il confie toutefois qu’au sein des Ehpad, il convient souvent de vaincre des réticences, lors du premier appareillage du moins. « Il faut alors convaincre que, plus droite, une personne mangera mieux, sera plus apaisée… Et qu’au bout du compte, un appareillage individualisé leur fera gagner du temps. »
Certains, comme Guillaume Toutain, se sont même spécialisés dans le positionnement assis. « Nous sommes vraiment au contact du corps de la personne, parfois même dans une forme de rapport de force », explique-t-il. Quand tout se passe bien, un lien de confiance se tisse et tous les professionnels interrogés indiquent suivre leurs patients sur une très longue durée.
Écoute et humilité
Ce qui conduit Laurent Manissol, directeur régional Montpellier-Nîmes chez Lagarrigue, à mentionner, parmi les qualités requises, une bonne dose de psychologie. Ludovic Dejean, lui, évoque l’humilité : « C’est un métier où l’on se remet sans cesse en question, devant chaque patient. » Philippe Izard attend aussi de la rigueur, et un bon sens spatial. Et tous mentionnent, comme une évidence, l’écoute et l’empathie, tout autant que la capacité à poser ses limites. « Sinon on peut vite se laisser envahir », avertit Laurent Manissol.
Autre point d’équilibre à trouver, selon Philippe Izard : « Ne pas être trop introverti, parce qu’il s’agit d’inspirer confiance. Mais on ne doit pas non plus se montrer autoritaire et au sein des équipes pluridisciplinaires, nous devons souvent établir le compromis entre une recommandation d’un médecin et le souhait d’autres professionnels. Nous sommes parfois face à des cahiers des charges très complexes. »
Qui plus est dans un contexte où les demandes des patients évoluent. De l’avis général, elles deviennent plus difficiles à satisfaire, inspirées par Internet et les réseaux sociaux qui font espérer l’appareillage idéal. L’un se souvient, par exemple, d’une personne amputée qui ne courait pas avant son opération et aurait souhaité avoir des lames de sportif de haut niveau pour son appareillage. Autre évolution ? Les nouvelles technologies, numériques et d’impression 3D notamment, conduisent les professionnels à moins fabriquer de leurs mains. Reste qu’ils sont payés pour un appareillage et non pour un acte, ce qui conduit Philippe Izard à regretter d’être encore parfois perçu comme un fournisseur plutôt que comme un professionnel de santé.
Sophie Massieu
Quelles formations ?
En France, six écoles préparent au BTS prothésiste-orthésiste. Le cursus se déroule sur trois ans mais le diplôme est reconnu au niveau bac + 2. Quant à la formation continue des professionnels en activité, elle est assurée par les entreprises et les fabricants des produits utilisés pour mettre au point les appareillages, notamment en créant des échanges entre leurs experts lorsque leurs effectifs le permettent, sans oublier les congrès médicaux.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 232 - juillet 2024