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Métier
Enseignants spécialisés : une double culture

01/01/2025

En établissement ou service médico-sociaux, les enseignants spécialisés travaillent aussi au sein d’unité scolaires, dans le primaire comme le secondaire. Le tout auprès d’élèves dont les besoins sont de plus en plus spécifiques et dans des conditions de travail qui nécessitent de la collégialité.

« On cible les compétences des élèves pour les amener au plus haut degré d’autonomie », indique Eurydice Mahé.

Au départ, il y a souvent le sentiment de se sentir bien démuni face à des élèves à besoins spécifiques accueillis dans une classe ordinaire. Comme pour Audrey Belguise, 44 ans, enseignante spécialisée dans l’Essonne, à l’institut médico-éducatif (IME) Jean-Paul du Gapas, après avoir eu des classes de maternelle. Ou comme Eurydice Mahé, 25 ans, à l’institut d’éducation motrice (IEM) Le Passage (Nord) du même gestionnaire, qui a tout de suite voulu se spécialiser après avoir été professeure des écoles stagiaire : « Cela me servira toujours, même si je repars ensuite dans l’enseignement ordinaire. Je ne me sentais de toute façon pas assez outillée pour adapter suffisamment ma façon d’enseigner. »

Car l’enseignant spécialisé facilite les apprentissages, bien entendu. Mais pas uniquement celui des connaissances scolaires. « Nous sommes obligés de nous intéresser à autre chose que la pédagogie pure et dure », explique Audrey Belguise. « On commence par un diagnostic pour cibler les compétences des élèves, détaille Eurydice Mahé, pour amener chacun au plus haut degré d’autonomie possible. » Ainsi, ne pas suivre le programme de façon littérale mais s’appuyer sur les centres d’intérêt des enfants. Et donc, tous le disent, un enseignement individualisé, des contenus personnalisés et des outils dédiés pour les faire assimiler. Ce qui suppose des compétences techniques, comme l’utilisation de tablettes ou d’autres outils d’aide à la communication, comme l’explique Camille Thomas, depuis trois ans enseignante spécialisée au sein du pôle Enfance Élisabeth-Zucman d’APF France handicap, en Ille-et-Vilaine, et qui accompagne des enfants polyhandicapés.

Professeurs et éducateurs

Quant aux qualités humaines, tous parlent de patience, puisque l’acquisition des savoirs requiert souvent plus de temps, d’adaptation aux capacités de chacun, ainsi que d’humilité parce que ce qui a été préparé n’est parfois pas aussi efficace qu’espéré. Romain Hacquemand, aux côtés d’enfants aveugles via le service d’aide à l’acquisition de l’autonomie et à la scolarisation de l’Isère, ajoute la réactivité, la créativité, l’anticipation. Et la nécessité de ne pas se montrer timide. Ce, d’autant que les enseignants spécialisés interviennent en établissement ou en service, mais aussi au sein d’écoles, collèges et lycées où des élèves qu’ils accompagnent sont scolarisés. « Un peu comme des VRP de l’éducation spécialisée, certains collègues roulent jusqu’à 1 200 km par semaine ! », indique le Lorrain, Olivier Hernout, lui-même enseignant spécialisé depuis quinze ans et président du Groupe des professeurs et éducateurs pour aveugles et amblyopes (GPEAA).

Outre d’importants déplacements, notamment en zone rurale, ces interventions multisites conduisent les professionnels à disposer d’une double culture, celles de l’Éducation nationale et du médico-social. « Nous sommes comme des traducteurs entre les différentes instances », abonde Claire Seguela, enseignante dans un IME géré par l’association Adapeila, à Blain (Loire-Atlantique).

« L’impression de saupoudrer »

Dans l’ensemble, les agents se disent satisfaits de pouvoir échanger avec éducateurs, orthoptistes, psychologues… Ils évoquent un « croisement des regards » bénéfique aux élèves. Mais certains regrettent tout de même de ne pas pouvoir échanger autant qu’ils voudraient avec d’autres confrères. Jusqu’à créer des associations pour partager les pratiques, mutualiser les idées, porter des plaidoyers… Bref, se soutenir entre pairs, à l’instar du GPEAA.

Tous regrettent également de manquer de temps pour faire ce qu’ils aimeraient vraiment développer. « On a parfois l’impression de saupoudrer », déplore Romain Hacquemand, dont la voiture est le « deuxième bureau ». Il suit huit élèves, les uns une heure par semaine, d’autres trois.

Les directeurs, eux, n’ont pas la main sur les recrutements, c’est l’Éducation nationale qui gère les « mouvements ». Une absence de lien hiérarchique qui ne gêne pas Jean-Marie Mutel, directeur de l’IME Jean-Paul, comblé par les trois professionnels « engagés et force de propositions » actuellement dans son établissement. Sa collègue Vanessa Tricoit, de l’IEM du Passage, aimerait juste ne pas découvrir souvent bien tard si les postes seront, ou non, pourvus à la rentrée suivante…

Sophie Massieu

Un métier, deux voies de formation

Au travers du certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive (CAPPEI), l’Éducation nationale propose diverses spécialisations, qui varient selon les handicaps. Mais la Direction générale de la cohésion sociale, elle aussi, dispose de diplômes, comme le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement adapté aux jeunes déficients visuels (CAEGADV), au niveau 7 [1]. Dans tous les cas, il est possible d’enseigner avant d’être diplômé. Mais le diplôme est requis pour être titularisé.

[1] Arrêté du 15 avril 2024

Publié dans le magazine Direction[s] N° 237 - janvier 2025






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