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Protection judiciaire de la jeunesse
Le secteur associatif sur la défensive

31/03/2011

Budgets en berne, réforme de l’investigation… De nombreux points d’achoppement subsistent entre le secteur associatif habilité et la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse. État des lieux.

Le ton est encore monté d’un cran entre la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) et le secteur associatif habilité (SAH). Quatre organisations représentatives (1) sont intervenues, début mars, pour dénoncer, tous azimuts, la baisse des crédits, le risque de suppressions d’emplois, mais aussi le démantèlement du SAH. Une « offensive incompréhensible » de la DPJJ, qui risque, selon elles, « d’entraîner une rupture tant les relations sont détériorées et la confiance entamée ».

Une campagne d'austérité

La goutte d'eau qui a fait déborder le vase ? La circulaire tarifaire (2) pour 2011. Réduction des dépenses de fonctionnement (groupe I) de 10 % sur trois ans (dont 5 % dès 2011), plan d’économies sur les achats, encadrement strict de l’autorisation des frais de siège, aucun subside pour les prises en charge des jeunes majeurs… Un sacré tour de vis pour les établissements et services. Ainsi, le budget global pour 2011 s'élève à 67,1 millions d'euros, contre 68,6 millions d'euros en 2010. Une « diminution toute relative de 2,2 % », argumente le directeur de la PJJ, Philippe-Pierre Cabourdin.
Le président de la Fédération nationale des services sociaux spécialisés de protection de l’enfance et de l’adolescence en danger (FN3S), Jacques Le Petit, est dans l'incompréhension : « On nous annonce une baisse importante des moyens alloués, mais aussi la remise en cause de mesures d'investigation qui satisfont pleinement les magistrats ! » En effet, une nouveauté dans cette campagne 2011 cristallise les inquiétudes du secteur : l'entrée en vigueur progressive de la mesure judiciaire d'investigation éducative (MJIE), qui remplacera (3), à compter du 30 juin 2011, les mesures d'investigation et d'orientation éducative (IOE) et d'enquête sociale (ES).

« Nous ne remettons pas en cause la MJIE, précise Fabienne Quiriau, directrice générale de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape), mais les modalités d'application détaillées par la circulaire budgétaire, qui ne sont pas conformes avec les annonces de la DPJJ lors des concertations en 2010 : soit la reconduction du budget 2010 (sauf la baisse de 5 % sur le groupe I), le financement unique de la mesure et la tarification d'une mesure par mineur concerné. Les ratios fixés dans la circulaire impliquent le passage de 36 à 50 mesures par éducateur. C'est inacceptable ! », réprouve-t-elle.

La MJIE déjà mise à mal

Pire, la mise en œuvre des nouvelles normes d'intervention risque de se traduire par des suppressions de postes, que les organisations estiment à environ 400, dès juillet prochain. En effet, selon Patrick Martin, président de la commission protection de l'enfance et de la jeunesse de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), « la nouvelle tarification implique la fermeture des petits services, mettant même à mal la MJIE, tant d'un point de vue qualitatif que quantitatif. Nous espérons que 2011 sera une année de transition. Et de reprise des négociations sous de meilleurs auspices... » À la DPJJ, Philippe-Pierre Cabourdin contre-argumente : « Composée pour deux tiers de mesures d'IOE et pour un tiers d'ES, la MJIE est tarifée sur la base de 60 heures, soit seulement quatre heures de moins qu'avant. Cette baisse ne concerne que des postes de secrétariat, justifiée par l'importance des progrès informatiques dans ce domaine. »

Autre critique des organisations : une tarification de la mesure « complexe et quasi incompréhensible ». Mais pour le DPJJ, « le financement par dotation globalisée et son paiement par douzième sont plus simples et sécurisants pour les gestionnaires ».

Sur le sujet, l'Assemblée des départements de France (ADF) n'est pas en reste. Dans un courrier adressé au garde des Sceaux, Michel Mercier, le président, Claudy Lebreton, rappelle que « le plafonnement et la forfaitisation des tarifs de la PJJ entraînent un transfert de charges sur les conseils généraux, notamment à travers la répartition du montant des frais de siège social des associations ». Et concernant les risques de déficits pointés par les fédérations, l'ADF poursuit : « La transparence sur cette question exige que des outils tel que l'état prévisionnel des recettes et des dépenses soient utilisés ».

La demande de moratoire des quatre organisations – soit le gel de l'application de la circulaire jusqu'à la fin de l'année – semble avoir déjà reçu une fin de non-recevoir. « Ce n'est pas une solution. Plutôt que le gel du texte, nous devons échanger sur les modalités d'application de la tarification », promet Philippe-Pierre Cabourdin. Cette ouverture satisfera-t-elle le secteur ? Jacques Le Petit (FN3S), pour sa part, est« dans l'attente d'une nouvelle négociation avec la PJJ afin de remettre à plat les points de désaccord ». Qui restent nombreux.

Reprise d’activité par le secteur public

Au cœur de la polémique, c'est finalement la question des relations et de l'équité entre services privés et publics qui est ravivée. Les organisations, qui pointent « une reprise sans ménagement (15 à 25 %) au bénéfice du secteur public » de l'activité du SAH, n'entendent pas que celui-ci soit réduit à n'être qu'une variable d'ajustement « pour compenser les écarts d'activité de la PJJ et ses revirements soudains de décisions ». Et Fabienne Quiriau (Cnape) de s'interroger : « Historiquement, l'investigation a toujours été assurée par le secteur associatif. Que signifie ce réinvestissement du champ civil par le secteur public ? Traduit-il un souci de préserver des services en manque d'activité ou bien s'interroge-t-on sur la viabilité du secteur habilité, composé pour l'essentiel de petites associations ? » Philippe-Pierre Cabourdin dément. Et signale qu'entre 2008 et 2010 « le nombre d'enquêtes sociales a baissé de 10 % au profit des recueils de renseignements socio-éducatifs [RRSE], monopole du secteur public », mettant à mal l'argument de la préférence des magistrats pour les mesures d'investigation et celui d'une recherche de reprise d'activité par le secteur public.

Les CEF en péril

Les quatres fédérations s'inquiètent également de l'avenir des centres éducatifs fermés (CEF). « Sans aucune concertation, […] les associations se voient imposer une augmentation des mineurs à accueillir et une baisse de l'encadrement. Des décisions unilatérales intolérables », dénoncent-elles en chœur. « Même une légère baisse des effectifs peut remettre en cause l'équilibre fragile des CEF. Accusés de coûter cher, ils constituent pourtant une alternative à l'incarcération pour des multirécidivistes », explique Fabienne Quiriau. Qui appelle de ses vœux l'adoption d'un Code pénal des mineurs, « seul garant de normes claires ». Mais depuis 2008 et l'avant-projet qui faisait suite au rapport de la commission Varinard (4) – vivement décrié par le secteur et les magistrats –, le dossier est resté en stand-by. Les annonces récentes du garde des Sceaux (lire ci-dessous) devraient relancer le chantier. À suivre.

(1) La Cnape, Citoyens et justice, la FN3S et l'Uniopss.

(2) Circulaire n° JUSF1104214C du 7 février 2011

(3) Arrêté du 2 février 2011 et circulaire d'orientation JUSF1034029C du 31 décembre 2010 (4) Lire Direction(s) n° 59, p. 4

Julian Breuil

Quelle justice pour les mineurs ?

Début mars, Michel Mercier a esquissé ses propositions de réforme de la justice pénale des mineurs. Le ministre de la Justice souhaite ainsi étendre et simplifier les procédures rapides de jugement, créer un « dossier unique de personnalité » rassemblant l'ensemble des informations recueillies sur le mineur pour juger les récidivistes, ou bien encore abaisser de sept à cinq ans le seuil de la peine encourue permettant le placement en CEF. Autres pistes de réforme : permettre le cumul des peines et des sanctions éducatives ; étendre la possibilité de prononcer une peine de travail d'intérêt général pour un mineur âgé de 16 ans au moment du jugement ; sanctionner les parents ne déférant pas à la convocation pour le jugement de leur enfant. Enfin, les mineurs de 16 à 18 ans ayant commis une infraction en état de récidive pourraient être jugés par un tribunal correctionnel des majeurs comprenant un juge des enfants. De quoi raviver la polémique dans le secteur et chez les magistrats soucieux de préserver la spécificité de la justice des mineurs.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 84 - mai 2011






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