L'exercice de comparaison met en évidence une grande hétérogénéité des systèmes de prise en charge [de la perte d'autonomie]. [Mais,] plusieurs tendances convergentes sont observables. L'objectif de maîtrise des dépenses est globalement partagé et conduit à privilégier le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes aussi longtemps que possible. Les aidants familiaux font ainsi l'objet d'une attention accrue de la part des pouvoirs publics. Dans quasiment l'ensemble des pays se développent des dispositifs de prestations financières, de manière à desserrer les contraintes inhérentes à la fourniture de services en nature, à favoriser le libre choix de l'usager et à permettre une forme de rémunération pour les aidants familiaux. On note également des formes de mise en concurrence entre services de soins et d'aides.
Les défis du vieillissement
Dans les décennies à venir, le vieillissement des populations mettra à l'épreuve [ces] systèmes. […] En dépit de l'incertitude liée aux projections démographiques et sanitaires, l'accroissement de la demande d'aide et de services ne fait quasiment aucun doute : les incertitudes portent plutôt sur son intensité et sur le moment auquel ce besoin se fera sentir. Parallèlement, l'offre […] est amenée à diminuer : moindre disponibilité des aidants familiaux […], difficultés de recrutement et de fidélisation de la main-d'œuvre, d'ores et déjà notables dans certains pays et susceptibles de s'accentuer dans les années à venir.
L'ensemble des systèmes de prise en charge devront alors faire face à deux défis majeurs. Le premier est financier : il s'agit de concilier l'objectif de maîtrise des dépenses publiques avec les exigences de protection auxquelles aspirent les personnes âgées en perte d'autonomie. Le second défi est organisationnel : permettre une meilleure couverture des besoins de soins, en assurant une prise en charge de qualité […].
Dans la majorité des pays de l'OCDE, le financement public est largement prédominant. En 2008, les dépenses publiques s'élèvent en moyenne à 1,2 % du PIB dans un ensemble de 25 pays de l'OCDE. […] Dans l'ensemble des pays, l'assurance privée joue un rôle mineur, y compris dans [ceux] qui ont tenté de favoriser son développement. Une part des dépenses reste à la charge de la personne âgée ou de sa famille […]. Depuis quelques années, on observe une tendance à l'élargissement des bases de financement des systèmes de prise en charge et une tendance à cibler davantage les personnes qui ont les besoins les plus importants tout en universalisant l'accès aux prestations.
Évaluation, compensation et prévention
L'entrée dans tous les systèmes de prise en charge est conditionnée par l'évaluation de la perte d'autonomie. […] Pour des raisons de coûts et de respect du libre choix de l'usager, la plupart des pays ont opté pour des prestations monétaires, sous la forme de « budgets personnalisés ». […] La palette d'offre de services est également très variable d'un pays à l'autre, mais aussi au sein d'un même pays. […] Si l'objectif de prévention de la perte d'autonomie apparaît aujourd'hui consensuel […], sa mise en œuvre est relativement récente et reste délicate. Sont adoptées dans de nombreux pays des mesures spécifiques (comme des programmes de prévention de chutes qui ont montré leur efficacité). Par ailleurs, certains pays tentent d'introduire une démarche globale de prévention dans les schémas organisationnels de prise en charge (par exemple au Royaume-Uni et en Allemagne, pour éviter le recours à des hospitalisations classiques peu adaptées).
À domicile ou en établissement ?
Le maintien à domicile est un objectif prioritaire dans tous les pays étudiés, pour des raisons de coûts au niveau collectif et pour mieux répondre aux préférences des usagers. Sa mise en oeuvre concrète varie toutefois considérablement d'un pays à l'autre en fonction des acteurs responsables du financement et de l'organisation, en fonction du degré de développement des services d'aide à domicile, etc. La famille (aidants familiaux) joue un rôle prépondérant dans la majorité des pays. Là où l'offre de services à domicile est peu développée, la famille est en première ligne. Elle peut être amenée à recourir aux travailleurs immigrés pour assurer une surveillance en continu des personnes âgées les plus dépendantes. Dans les pays où l'offre de services est bien structurée, la famille intervient de façon complémentaire aux pouvoirs publics. Le rôle de coordination de l'intervention des différents professionnels est ainsi assumé soit par la famille (Italie), soit par un care manager (Allemagne, Danemark, Royaume-Uni, Suède…), qui assure toutefois des fonctions variables selon les pays.
Les lieux de vie et d'accompagnement […] se sont fortement diversifiés. Tandis que l'établissement médicalisé de long séjour fait figure de solution de dernier recours et que le maintien à domicile est la priorité dans les pays étudiés, les disparités entre pays apparaissent cependant très nettement selon que la question du lieu de vie est plus ou moins intégrée à une politique globale de maintien à domicile. Des mesures spécifiques d'aides à l'adaptation des logements individuels ont été adoptées dans la plupart des pays. De plus, on observe une forte diversification des lieux de vie intermédiaires entre le domicile stricto sensu et l'établissement médicalisé : habitats en communauté afin de conserver une vie sociale (Pays-Bas, Royaume-Uni, Allemagne), formes de logements individuels connectés à des offres de services pour des personnes ayant déjà des pertes d'autonomie importantes (Danemark), etc.
Les formes de prise en charge médicalisées se sont elles aussi diversifiées, s'orientant vers des prises en charge temporaires pour des publics ayant un niveau faible ou moyen de dépendance (structures dites de « court séjour », hospitalisation à domicile, etc.). Dans certains pays s'observe une certaine spécialisation des structures d'accueil par public (notamment pour les personnes atteintes de formes de démence). Souvent, le manque de places dans les structures adéquates conduit à des situations sous-optimales (prise en charge inadéquate eu égard au degré de dépendance des personnes).
Depuis une dizaine d'années, des politiques de la qualité tendent à se structurer : elles concernent, pour l'instant, essentiellement la prise en charge en établissements. Dans les pays les plus avancés, l'usager et sa famille sont de plus en plus associés à ces démarches. C'est dans le cadre de ces réflexions sur la qualité de la prise en charge au grand âge que l'intervention des aidants familiaux doit être envisagée, en complémentarité avec celle des intervenants professionnels.
Carte d'identité
Titre du rapport. Les défis de l'accompagnement du grand âge, perspectives internationales
Auteurs. Coordination par Virginie Gimbert et Guillaume Malochet (Centre d'analyse stratégique), avec la contribution de l'OCDE et de la Drees.
Téléchargeable surwww.strategie.gouv.fr
Publié dans le magazine Direction[s] N° 88 - octobre 2011