Danièle Demoustier, membre du Conseil supérieur de l'ESS
La définition très « inclusive » du texte peut-elle être un risque pour l’économie sociale et solidaire (ESS) ?
Danièle Demoustier. Le Conseil supérieur de l'économie sociale de solidaire (CSESS) s’est battu pour que la notion de « gouvernance démocratique » figure parmi les critères d’appartenance au champ, au côté de celle de « lucrativité limitée ». Ce principe, assorti à celui de l’impartageabilité des réserves obligatoires, devrait considérablement limiter le nombre de nouveaux entrants. D’autant que l’accès aux financements de la Banque publique d’investissement (BPI), principal intérêt de cette reconnaissance, est déjà possible pour de nombreuses entreprises. L’ESS semble donc peu menacée par l’ouverture de son périmètre. Tout dépendra toutefois du contenu des futurs décrets d’application : quels seront les moyens de contrôler la conformité des statuts de ces entreprises ? quels seront les lieux d’enregistrement ? Etc. C’est un enjeu, auquel il faudra être attentif. Au-delà, il est important d’adopter une approche dynamique du champ : les organismes statutaires sont appelés à évoluer. À ce titre, la « déclaration de principes » à laquelle ils devaient adhérer, disposition supprimée par les sénateurs, aurait permis une réelle évolution, en les poussant à analyser leur mode de fonctionnement interne.
La finalité très économique du texte a-t-elle été infléchie au bénéfice, notamment, des associations?
D. D. Non. Le ministère n’a d’ailleurs jamais caché son ambition d’en faire une loi économique. Les autres grandes familles de l’ESS, comme les coopératives, l’ont bien compris, et ont su aligner leurs revendications sectorielles. Face à elles, les associations ont peiné à raisonner en tant qu’« entreprises d’économie sociale », notion trop souvent assimilée au secteur lucratif. Citoyennes, assurant des missions de service public, relevant de l’économie sociale, elles sont tiraillées entre des identités qu’elles considèrent, à tort, comme contradictoires. Résultat ? Trop peu de dispositions relatives aux associations, envisagées uniquement sous l’angle de leur financement.
D’autres points de vigilance pour elles ?
D. D. Les sénateurs ont introduit une base légale aux dispositifs locaux d’accompagnement (DLA), objets de nombreux débats au CSESS. Alors que les associations plaidaient pour qu’ils leur soient réservés, les parlementaires prévoient de l’étendre à l’ensemble des structures de l’ESS. Or les ressources n’étant pas illimitées, il y a fort à parier qu’il y aura une forte concurrence. Autre point notable, relative à la question de la subvention : sa définition juridique était destinée à sécuriser les collectivités territoriales. Trop précise, elle pourrait au contraire aboutir à rigidifier les pratiques, en cloisonnant trop la délégation de service public.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 114 - décembre 2013