Le 3 mars, Manuel Valls a présenté la feuille de route 2015-2017 du plan Pauvreté.
Gouvernance territoriale à la traîne, saturation du dispositif d’hébergement, manque de logements sociaux… Le 3 mars, Étienne Pinte, président du Conseil national de lutte contre l’exclusion (CNLE) a rappelé les faiblesses notoires du plan Pauvreté [1]. En vain ? La feuille de route 2015-2017, dévoilée par le Premier ministre le même jour, ne comprend pas d’inflexions majeures. « Il s’agit d’une confirmation de mesures, loin d’un "acte II" du plan », assène Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars).
La prime d'activité précisée
Une présentation surtout centrée sur les contours de la future prime d’activité. Qui sera attribuée dès les premiers euros gagnés jusqu’à 1,2 Smic, avec un accès simplifié et un versement « figé » sur trois mois… « Dans le projet actuel, il n’y aura un gain pour les personnes éligibles qu’à partir de 0,5 Smic, relève Astrid Le Vern, responsable Appui aux politiques publiques de la Fédération Coorace. Or, ce serait souhaitable dès 0,3 Smic pour cibler les publics en insertion. » Des ajustements renvoyés au débat parlementaire sur le projet de loi réformant le dialogue social, qui comprendra les dispositions relatives à la prime. Confirmée, l’enveloppe de 4 milliards d’euros laisse aussi les associations dubitatives. « Ce budget prévisionnel se fonde sur un taux de recours estimé à 50 %, pointe encore Astrid Le Vern. Étrange postulat quand l’un des objectifs de la réforme est justement la lutte contre le non-recours. » Des incertitudes subsistent également sur l’ouverture du dispositif aux actifs de moins de 25 ans. Quid des apprentis et des étudiants travailleurs ? « Nous serons peut-être entendus sur l’inclusion des premiers, note Florent Gueguen. Mais le débat est plus complexe pour les seconds. »
Moment de vérité
« Sur l’hébergement et le logement, la déception est générale, souligne quant à lui François Soulage, à la tête du collectif Alerte. Nous insistons sur l’urgence d’une politique plus volontariste. » Intégré à la feuille de route, le plan de réduction des nuitées hôtelières de la ministre Sylvia Pinel, détaillé par circulaire [2], ne comble pas les attentes du secteur, qui réclamait notamment une loi de création de places et de logements sociaux et très sociaux. « Il y aura un moment de vérité avec l’achèvement, mi-2015, des diagnostics territoriaux à 360°, qui devront avoir des impacts sur la programmation locale en la matière », escompte Florent Gueguen. En attendant, la fin de la période hivernale au 31 mars signe le début des fermetures de places. « Le gouvernement n’assume pas la nécessité de mettre un terme à la gestion saisonnière, lâche le directeur général de la Fnars. Les remises à la rue sans solution se poursuivent alors même que l’accompagnement est érigé en nouveau pilier du plan Pauvreté. »
[1] Lire Direction[s] n° 129, p. 4
[2] Circulaire interministérielle n° DGCS/SD1/BUSH/DHUP/DIHAL/DGEF/2015/51 du 20 février 2015
Justine Canonne
Vers un minimum social simplifié ?
La veille de la présentation de la feuille de route 2015-2017 du plan Pauvreté, Manuel Valls recevait une délégation de l’Assemblée des départements de France (ADF) pour une réunion de préfiguration d'un groupe de travail conjoint consacré à l’avenir du RSA socle. Un chantier annoncé en novembre 2014, dont l’avancée satisfait l’ADF, qui souhaite aboutir à « une solution pérenne pour assurer le financement par la solidarité nationale ». Ces travaux doivent également permettre d’examiner la fusion de ce RSA et de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) destinée aux chômeurs en fin de droits. Objectif ? Créer un minimum social simplifié, disjoint de la prime d’activité, a indiqué le chef du gouvernement le 3 mars. Des propositions, attendues « dès l’été », pourraient être intégrées au projet de loi de finances pour 2016.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 130 - avril 2015