Un second plan Migrants est annoncé. Qu'en attendre ?
Florent Gueguen. Il ne peut être la simple extension du premier, tant la situation est dramatique. On compte aujourd’hui différents flux de migrants, dotés de statuts divers et pour lesquels les solutions proposées ne sont ni dignes, ni conformes au droit. Et ce, malgré les réels efforts faits en termes de création de places [1]. Il est temps de passer à la vitesse supérieure dans le cadre d’une vision nationale globale, à l’inverse des pratiques actuelles qui ne s'attachent qu’à gérer les crises, sans anticipation sur les capacités d’accueil, ni sur la répartition territoriale des personnes.
Quelles doivent en être les priorités ?
F. G. Il faut agir sur tous les leviers de la chaîne. En particulier sur le premier accueil, via le renforcement des plateformes dédiées, destinées à détecter les vulnérabilités et à organiser l’orientation. Sans compter la nécessaire consolidation de l’hébergement, surtout en centres d'accueil de demandeurs d'asile (Cada) : les 11000 places supplémentaires annoncées d’ici 2017 sont insuffisantes, compte tenu du nombre d’arrivées et du sous-dimensionnement historique du parc. Enfin, il faut soutenir toute la chaîne du logement et de l’intégration (accompagnement social, insertion professionnelle…).
La ministre Emmanuelle Cosse a nié l’existence de toute concurrence entre les publics [2]. Votre sentiment ?
F. G. Elle existe, et est le fruit du système « coupe-file » créé en matière d’accès à l’hébergement, d’accompagnement, voire de traitement des demandes d’asile. Entre les migrants d’abord, au bénéfice de ceux qui sont issus de Calais ou des campements parisiens, comme de ceux pris en charge via le plan de relocalisation. Mais aussi vis-à-vis des sans-abri : tout comme la plateforme pilotée par la délégation interministérielle Dihal, ces filières parallèles sont instaurées aux côtés des services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO) et du 115, excluant ainsi un grand nombre d’entre eux. C’est pourquoi les efforts à réaliser doivent l’être au bénéfice de tous les publics et articuler le droit commun aux dispositifs spécifiques.
[1] Lire dans ce numéro p. 10
[2] Devant l’association des journalistes Ajis le 10 juin.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 144 - juillet 2016