Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a rappelé l’objectif du gouvernement pour le PLFSS 2018 : atteindre l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale à l’horizon 2020.
Réduire la dépense publique : c’est le leitmotiv des deux projets de loi budgétaires pour 2018 qui s’inscrivent dans une trajectoire quinquennale [1]. Principales cibles d’économies ? Les collectivités locales qui vont devoir se serrer la ceinture à hauteur de 13 milliards d’euros d’ici à 2022. Une perspective qui risque « de peser sur les finances des conseils départementaux et dont on peut redouter les effets en cascade sur les associations », alerte d’emblée Jérôme Voiturier, directeur général de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss). Plusieurs milliards d’euros d’économies sont aussi attendus sur les dépenses d’assurance maladie, le logement ou encore les contrats aidés. Si les acteurs du secteur relèvent des éléments positifs, ils pointent par ailleurs des effets d’annonce qui assombrissent le tableau.
Un Ondam en trompe l’œil
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 [2] vise le retour à l’équilibre à l’horizon 2020. Une ambition qui repose sur un plan de restriction budgétaire de 4,1 milliards d’euros l’année prochaine. Et si l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) médico-social « peut paraître favorable sur le papier », il nécessite néanmoins « des précautions de lecture, car il est calculé à partir d’un Ondam “débasé” », alerte Antoine Perrin, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap). « En 2017, 200 millions d’euros ont ainsi été transférés du secteur médico-social à l’enveloppe “soins de ville”, rappelle-t-il. Les crédits consommés sont donc inférieurs à ceux qui ont été votés. Résultat, l’évolution en 2018 sera plutôt de l’ordre de 1,9 %, et non de 2,6 % comme annoncé. »
Ce décalage entre les intentions et les actes vaut aussi pour le champ du domicile. « Le PLFSS prévoit de réaffecter 100 millions d’euros issus de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie – Casa (qui bénéficiaient aux services via l’allocation personnalisée d’autonomie – APA et les conférences de financeurs) au fonctionnement des structures pour personnes âgées et handicapées, déplore Vincent Vincentelli, responsable Réglementation des secteurs d’activité à l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA). Prendre aux uns pour donner aux autres est très négatif. En outre, c’est en contradiction avec les propos de la ministre de la Santé qui avait assuré, cet été, que le maintien à domicile était une priorité. »
Pour autant, ici et là, les acteurs saluent la promesse de mesures attendues. Comme le futur cadre juridique donné à l’expérimentation sur cinq ans de nouvelles organisations pour améliorer les parcours dans les champs sanitaire et médico-social. Et comme la généralisation de la télémédecine, via le doublement des crédits issus du fonds d’intervention régional – FIR (soit 18 millions d’euros) : ainsi les structures médico-sociales, en particulier celles situées dans les déserts médicaux, pourront bénéficier de 28 000 euros pour s’équiper.
Des crédits en deçà des besoins des Ehpad
Légèrement supérieure à 2017 (+515 millions d’euros), l’enveloppe destinée au financement des établissements pour personnes âgées et handicapées s’élève à 22 milliards d’euros. De quoi permettre d’abord l’ouverture, en 2018, de 4 500 lits en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). « Des places qui ne sont pas réellement nouvelles car déjà programmées les années précédentes », nuance Didier Sapy, directeur de la Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées (Fnaqpa). 1 175 places d’accueil de jour et d’hébergement temporaire sont également prévues. En outre, pour répondre aux besoins des malades d’Alzheimer, un effort sera consenti avec la création de 206 places dans les pôles d’activité et de soins adaptés (Pasa), 272 en unités d’hébergement renforcé (UHR) et 30 équipes spécialisées Alzheimer (ESA).
Autre nouveauté : 10 millions d’euros seront consacrés à la première tranche d’un plan d’extension du dispositif expérimental des astreintes d’infirmiers de nuit dans les Ehpad. Une mesure en écho aux préconisations de la « mission flash » de la députée (LREM) Monique Iborra [3], mais qui reste en deçà des besoins, tempère Didier Sapy : « Il faudrait près de 400 millions d’euros pour qu’il y ait un poste d’infirmier dans toutes les structures. »
Enfin, pour soutenir la mise en œuvre de la réforme de la tarification [4], les Ehpad pourront également compter sur les 100 millions d’euros débloqués afin d’améliorer le taux d’encadrement, la qualité de l’accompagnement et les conditions de travail. Des crédits insuffisants, bien loin des ambitions du plan Solidarité grand âge, note Daniel Cassé, président de la Conférence nationale des directeurs d’établissements pour personnes âgées
et handicapées (CNDEPAH) : « Les établissements publics sont décidément les grands perdants de toutes ces mesures budgétaires : réforme de la tarification, effets du protocole “Parcours professionnels, carrières et rémunérations” (PPCR)… Et maintenant la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) ! Toutes ces décisions vont mettre en difficulté nos résidents ». Un dernier sujet qui fâche les gestionnaires des Ehpad : leurs résidents pénalisés par l’augmentation de la CSG bénéficieront-ils de l’exonération de la taxe d’habitation promise en compensation ? Pour s’en assurer, le gouvernement prévoit, via un amendement, que les structures non lucratives s’acquittant de cet impôt pour leurs usagers, puissent en demander le dégrèvement aux services fiscaux afin de le répercuter sur la facture finale payée par les personnes âgées.
15 millions d'euros pour prévenir les départs en Belgique
Côté handicap, 2028 places seront créées en 2018… dont plus de 700 étaient déjà prévues par le troisième plan Autisme qui s’achève à la fin de l’année. Autre priorité : la prévention des départs en Belgique avec une nouvelle enveloppe de 15 millions d’euros débloqués dans le cadre de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous » généralisée à partir du 1er janvier. Une annonce positive pour Prosper Teboul, directeur général de l’Association des paralysés de France (APF), qui réclame néanmoins « une évaluation des 15 premiers millions d’euros débloqués en 2016 à cette fin ».
Malgré ces aspects positifs, une disposition fait réagir les gestionnaires. À savoir, l’article 50 du PLFSS qui prévoit la suppression de l’opposabilité des conventions collectives aux structures sociales et médico-sociales signataires d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM). Une perspective potentiellement « très dangereuse pour les établissements du champ du handicap », alerte la Fehap. « Si cette mesure est validée, nous demandons à ce qu’ils puissent au moins garder leurs excédents », reprend Prosper Teboul.
Un PLF en demi-teinte
Au menu du projet de loi de finances (PLF) pour 2018 [5], les mesures de restriction budgétaire sur le logement font l’unanimité contre elles. En particulier la réforme des aides personnalisées au logement (APL), qui doit générer 1,7 milliard d’euros d’économies… supportées par les organismes HLM. Un choix qui « compromet la mise en place du programme “Logement d’abord”, prévoyant notamment la production de 40 000 logements en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) », déplore Florent Gueguen, le directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité. Par ailleurs, si le programme « Hébergement » affiche une progression de 12 %, preuve que le gouvernement « a tenu compte des demandes très élevées du 115 », admet la fédération, une mesure inquiète : l’instauration de tarifs plafonds pour les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Attention à ce que « ces coûts ne soient pas fixés de façon déconnectée de l’analyse de la qualité de l’accompagnement mis en place par chaque structure », prévient encore Florent Gueguen.
En revanche, le secteur relève quelques bons points, comme la hausse du budget de l’asile (1,4 milliard d’euros) permettant notamment le déploiement du plan présenté par le ministère de l’Intérieur pendant l’été [6] ou comme le maintien des crédits de l’insertion par l’activité économique (IAE). Même si un effort supplémentaire aurait sans doute été apprécié pour compenser la baisse des contrats aidés.
Plus 46 % pour l’ESS
Doté de 14 milliards d’euros sur le quinquennat (dont 1,5 milliard dès 2018), le « plan d’investissement compétences », destiné à former un million de demandeurs d’emploi peu qualifiés et un million de jeunes décrocheurs, est également salué.
Dernière bonne nouvelle de taille : la progression des crédits alloués à l’économie sociale et solidaire – ESS (+46 %), comprenant en particulier un soutien aux actions d’encouragement au développement de l’innovation sociale, se réjouit l’Union des employeurs de l’ESS (Udes). Et si une baisse de 17 % des crédits consacrés au dispositif local d’accompagnement (DLA) était inscrite dans le texte d’origine, les acteurs ont eu l’assurance qu’un amendement gouvernemental devait venir, en séance, en réduire la portée (300 000 euros, contre 1,5 million initialement). Un moindre mal.
[1] Le gouvernement a également présenté un projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
[2] Qui devait être voté le 31 octobre à l’Assemblée nationale. À consulter sur www.assemblee-nationale.fr
[3] Lire Direction[s] n° 157, p. 6
[4] Lire Direction[s] n° 156, p. 4
[5] Qui devait être adopté le 3 novembre à l’Assemblée. À consulter sur www.assemblee-nationale.fr
[6] Lire Direction[s] n° 156, p. 7
Noémie Colomb
Allégement de charges : une embellie… en 2019
Pour les employeurs, l’année 2018 sera « sinistrée », prédit Sébastien Darrigrand, délégué général de l'Udes. En cause, la baisse brutale des contrats aidés prévus par le PLF [1]. Limités à 200 000 l’an prochain (contre 310 000 en 2017), leur prise en charge par les pouvoirs publics ne dépassera pas 50 % (contre environ 70 % jusqu’à présent). En compensation, le délégué général milite pour l'augmentation du crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS) de 4 à 6 %… en attendant la bouffée d’oxygène promise en 2019 par le PLFSS. Cette année-là, le produit du CITS (500 millions d'euros) se cumulera au très attendu mouvement général de baisse de charges patronales (– six points de cotisations sociales d’assurance maladie pour les salaires inférieurs à 2,5 fois le Smic). Une mesure qui sera, par ailleurs, complétée par l’exonération totale des cotisations acquittées par toutes les entreprises pour l'embauche d'un salarié au Smic. Gain de l’opération pour le secteur non lucratif en 2019 ? 1,9 milliard d’euros, chiffre le gouvernement.
[1] Lire Direction[s] n° 157, p. 4
Anesm-HAS : une absorption sous conditions
C’est l’une des surprises du PLFSS : le transfert, au 1er avril prochain, des missions de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) au sein de la Haute Autorité de santé (HAS). Outre la brutalité de l’annonce présentée sans concertation, la plupart des organisations s’inquiètent de la place qui sera réservée au secteur au sein de l’instance. Pour préserver la spécificité de l’évaluation sociale et médico-sociale, le Groupement national des directeurs généraux d’associations (GNDA) réclame une refonte de l’architecture statutaire de la HAS en intégrant au moins deux représentants du secteur dans sa gouvernance. Il demande aussi que la composition de la commission, qui sera chargée d'établir et de diffuser les recommandations au secteur, soit fixée par décret sur les bases du comité d’orientation stratégique (COS) de l’Anesm. Et que la nouvelle instance soit rebaptisée « Haute Autorité des solidarités et de la santé ». Favorable à cette absorption, la Fehap, comme le syndicat des établissements privés Synerpa, est pour sa part confiante sur le fait qu’« il y aura une appropriation totale de la culture de l’Anesm ».
Repères :
- 22 milliards d’euros seront consacrés aux structures pour personnes âgées et handicapées (+515 millions).
- Le PLFSS prévoit de favoriser l’accès aux soins bucco-dentaires des personnes handicapées en réouvrant les discussions conventionnelles entre l’assurance maladie et les chirurgiens dentistes.
- 200 000 : c’est le nombre de contrats aidés prévus en 2018. Ils seront pris en charge à 50 % par l’État.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 158 - novembre 2017