Les premières mesures de l’exécutif sont-elles à la hauteur de « l’état d’urgence économique et social » décrété ?
Florent Guéguen. En réalité, elles concernent peu le pouvoir d’achat des plus pauvres. Il est certes prévu une revalorisation accélérée de la prime d’activité pour les salariés proches du Smic, dont certains sont travailleurs pauvres, et c’est une bonne chose. Mais rien pour le pouvoir d’achat des sans-emploi et bénéficiaires des minima sociaux. Nous avions pourtant plaidé, en vain, lors de la Stratégie Pauvreté pour une hausse du RSA en particulier. Mais, comme aujourd’hui, le choix retenu alors a été de n’aider que ceux qui sont en emploi. Cela revient à nier le fait que dans les mobilisations, il y avait aussi des allocataires du RSA et des chômeurs de longue durée. Un effort supplémentaire est donc nécessaire, via la revalorisation et la réindexation des prestations sociales en 2019.
Vous pointez aussi l’absence de mesures pour le logement ?
F.G. Oui, et c’est un autre angle mort de ces annonces. C'est pourtant aussi un sujet porté par les Gilets jaunes. Le logement reste la première dépense contrainte des Français : les 10 % les plus pauvres y consacrent 42 % de leurs ressources, ce qui laisse un très faible « reste à vivre » aux ménages. Il est temps de mettre en place, au-delà de Paris et de Lille, un réel encadrement des loyers, une disposition votée par le Parlement ! Ce sujet s’étend évidemment aux sans-abri, également oubliés. Eux, comme d’ailleurs les associations gestionnaires de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) qui les accompagnent, font clairement les frais des économies. Autant de sujets que nous porterons au sein du débat national qui s’engage.
Quelles doivent être alors les termes du nouveau contrat social promis par l’Élysée ?
F.G. Il sera impossible à conclure sans une réelle prise en compte de la parole des premiers concernés même si, en la matière, il y a plutôt des mécanismes d’exclusion voire d’autocensure. Il faut donc activer les instances que sont le Conseil national des personnes accueillies (CNPA) et ses déclinaisons locales (CRPA) pour leur permettre de participer au débat. Les associations sont évidemment prêtes à y prendre toute leur part, pour peu que tout cela débouche sur du concret : sinon il n’y aurait rien de pire, vu l’urgence.
[1] En partie portées par le projet de loi portant mesures d’urgence économique et sociale, soumis au Parlement dès le 19 décembre.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 171 - janvier 2019