Jacques Marescaux, président de la Fédération Santé mentale France
Pourquoi ces annonces sont-elles source d’inquiétudes ?
Jacques Marescaux. Il faut d’abord saluer ce soutien officiel à la psychiatrie, infanto-juvénile en particulier, si souvent attaquée. Toutefois, la dimension transversale de la santé mentale n’a pas été prise en compte dans les orientations de la ministre, qui a eu un discours très « sanitaro-sanitaire ». C’est difficilement compréhensible, car aucune politique en la matière ne peut se faire uniquement avec la psychiatrie, qui constitue une discipline synchronique, où il faut raisonner moins en filières qu’en réseaux. Elle a besoin de travailler avec les autres acteurs de la cité : les généralistes, les professionnels des secteurs social, médico-social, de l’emploi, du logement, de l’éducation… Il est plus que jamais nécessaire de dépasser les cloisonnements induits depuis 45 ans par le cadre juridique dans lequel tous les dispositifs et leurs professionnels évoluent. Les textes règlementaires qui en découlent se traduisent trop souvent en autant de modes de financement et de tarification différents, de modalités diverses d’accès aux établissements, de formations variées des professionnels…
Que vous inspire alors la suppression annoncée du Conseil national de santé mentale (CNSM) [1] ?
J. M. Il devrait être remplacé par un comité stratégique piloté par la ministre elle-même, a-t-elle indiqué. Pourquoi pas, mais c’est insuffisant. D’autant qu’il ne devrait se réunir qu’une fois par an. La nouvelle instance devra prévoir des groupes de travail spécifiques permettant des concertations entre les acteurs jusqu’ici partie prenante du CNSM. À ce titre, les travaux menés en son sein concernant le décret sur les parcours territoriaux de santé mentale [2] ont été une bonne illustration de ce partenariat.
Cette orientation très sanitaire pourrait-elle être aussi le fruit d’un manque de concertation ?
J. M. Agnès Buzyn n’a rencontré que les représentants des psychiatres. La concertation ne peut se limiter à cette profession. La vie et les besoins des personnes, y compris en dehors des périodes de soins, doivent être prises en compte. Comme dans les champs du handicap ou de la dépendance, les organisations sociales doivent aussi être adaptées dans celui de la santé mentale.
[1] Lire Direction[s] n° 148, p. 20
[2] Décret n° 2017-1200 du 27 juillet 2017
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 162 - mars 2018