Pourquoi une telle alerte ?
Marc Monchaux. Au fil des réformes, on a le sentiment croissant que les spécificités du secteur ne sont pas entendues. On l’a vu récemment dans le cadre de la dissolution de l’agence nationale de l'évaluation et de la qualité Anesm [1] ou du chantier de réforme tarifaire des structures du handicap (Sérafin PH). Sans compter l’ambivalence des politiques publiques. Prenons le cas de l’insertion : après l’annonce de la réforme du Logement d’abord en 2012, nous avons travaillé pour réorienter les dispositifs vers le droit commun, ce qui n’était pas simple en termes de pratiques. Aujourd’hui, tout cela est mis à mal au profit d’une réponse dans l’urgence pour faire face à l’afflux de migrants. Même chose en matière d’accompagnement des personnes en situation de précarité : on peine à trouver une ligne directrice claire, au moment où on vise le « zéro personne à la rue ». C’est à se demander s’il y a encore un pilote dans l’avion !
Vous dénoncez aussi une administration étatique des activités ?
M. M. En effet. Le secteur est confronté à des logiques technocratiques de plus en plus déconnectées des acteurs de terrain. Plus on prétend vouloir les responsabiliser, plus on les matraque de normes et de procédures à appliquer dans les organisations, sans leur donner les moyens pour cela. Il est temps d’arrêter les à-coups décrétés unilatéralement et de revenir à la concertation pour rétablir les conditions d’une bonne coopération, en particulier avec les décideurs. Il faut s’entendre sur ce qui est attendu de nous, et le coconstruire en mobilisant des moyens à la hauteur.
Y a-t-il une responsabilité pour les dirigeants associatifs ?
M. M. Oui. Le GNDA a fait la preuve de son implication pour faire évoluer les dispositifs, mais là notre position nous oblige à alerter sur les tensions actuelles et sur les réalités vécues par les professionnels. Les dirigeants sont des élastiques, de plus en plus tiraillés entre les pressions exercées par les changements et le nécessaire soutien des équipes pour qu’elles n’explosent pas. D’où l’importance de reconnaître ces métiers, d’autant que la reprise en main technocratique des initiatives associatives induit chez les personnels l’impression de mal faire. C’est d’abord sur la question du sens qu’ils nous interpellent, alors que trop souvent nos organisations sont pensées comme des dépenses, et non comme facteurs d’amélioration du vivre ensemble.
[1] Lire Direction[s] n° 159, p. 4
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 163 - avril 2018