Muriel Pénicaud et Sophie Cluzel
Lancée en février, la première phase de la concertation [1] sur la rénovation de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) s’est achevée fin mai. Un calendrier qui a permis aux ministres Muriel Pénicaud et Sophie Cluzel d’introduire des mesures par amendements au projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » adopté à l’Assemblée nationale le 19 juin.
Maintien des 6 %
Parmi les éléments saillants, le maintien du taux de 6 % d’obligation d’emploi pour les entreprises de plus de 20 salariés. Il sera néanmoins réexaminé tous les cinq ans à la lumière des évolutions démographiques. Par ailleurs, tous les types d’emploi seront pris en compte sans restriction (apprentis, stagiaires non rémunérés, intérimaires, alternants…).
Pour les entreprises comptant plusieurs établissements, le décompte de l’OETH ne se fera plus au niveau de ceux-ci, mais à celui de la maison mère, ce afin de limiter les risques d’éviction lorsqu’une société compte de multiples petites structures. Enfin, à compter du 1er janvier 2020, les déclarations spécifiques pour le calcul de l’OETH seront supprimées au profit d’un calcul automatique via la déclaration sociale nominative (DSN).
Quid de la pérennité des fonds de gestion ?
À ce stade, les acteurs du secteur sont réservés, à l’instar d’Arnaud de Broca, secrétaire général de la fédération Fnath : « Ce programme reste une juxtaposition de mesures techniques qui ne va pas booster l'emploi de ces publics ». La question de la pérennité de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et de son homologue du secteur public, le FIPHFP, n’est ainsi pas réglée. « Aucune étude d’impact n’a été réalisée et nous n’avons pas de visibilité sur les effets de cette réforme sur la contribution aux fonds », pointe Véronique Bustreel, conseillère nationale Travail et Emploi à APF France handicap.
Autre inquiétude : la suppression du recours aux entreprises adaptées (EA) et aux établissements d’aide par le travail (Esat) comme modalité d’acquittement de l’obligation d’emploi. Le dispositif sera remplacé par un système de déduction des contrats passés avec ces structures. Ce qui représente « un changement de paradigme qui va profondément modifier les relations entre les employeurs et ces secteurs », alerte Véronique Bustreel. D’autant que d’autres incertitudes pèsent sur l’avenir des EA. Par ailleurs, « le texte ne porte en effet que sur leur identité. De nombreuses interrogations persistent sur leur futur mode de financement », ajoute-t-elle, précisant que des « amendements devraient être intégrés au projet de loi lors de son passage au Sénat début juillet ». Des questionnements qui interviennent à l’heure où les budgets des EA sont déjà fragilisés [2].
[1] Réunissant les organisations professionnelles, le CNCPH et le gouvernement.
[2] Trois organisations (APF France handicap, l'Unapei et la Fédération des aveugles de France) ont déposé un recours auprès du Conseil d’État contre l’arrêté du 29 mars qui plafonne, pour 2018, la subvention spécifique versée aux EA.
Noémie Colomb
Des propositions pour sécuriser les parcours
« Être en situation de handicap ou aidant de personne en déficit d’autonomie, c’est d’abord être confronté à la complexité et à la lenteur des parcours administratifs ». Tel est le constat du rapport de Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) remis au gouvernement le 19 juin. Le texte liste ainsi 51 préconisations afin, notamment, de mieux identifier les travailleurs en risque de désinsertion professionnelle ou de sécuriser leurs parcours. Tout en recommandant la généralisation de l’emploi accompagné, il invite à conforter la vocation spécifique des EA et des Esat par une meilleure orientation des personnes, au profit de la logique d'évolution du secteur protégé vers le milieu ordinaire avec garantie de retour éventuel. Ces propositions [1] doivent alimenter la deuxième phase de la concertation jusqu’en septembre. Portant sur l’offre de services, elle donnera lieu à des dispositions adoptées par voie d’ordonnance.
[1] Avec les 113 propositions du rapport d’Adrien Taquet et de Jean-François Serres pour simplifier la vie des personnes handicapées.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 166 - juillet 2018