Rarement mobilisation nationale aura été aussi « discrète ». De quoi cela est-il le signe ?
Nathalie Latour. En effet, elle a été dévoilée par un tweet de la mission interministérielle Mildeca. Cela montre la difficulté à créer l’impulsion politique nécessaire, compliquée par les divergences exprimées au sein du gouvernement, sur l’alcool en particulier. Rappelons que le plan Santé a été porté, au moins dans sa présentation, par plusieurs ministres ; celui sur la Pauvreté a même eu une incarnation présidentielle. Et là, rien. En échange, on aurait pu imaginer qu’il soit très technique : mais ce n’est pas non plus un plan opérationnel, avec des mesures, des objectifs chiffrés, un calendrier et des moyens. Résultat ? C’est un entre-deux insatisfaisant.
Quels sont ses points forts ?
N. L. IL est plutôt bien construit. Ce qui touche à la prévention et à la mobilisation des acteurs notamment est intéressant : nécessité d’élargir le cercle des professionnels impliqués, actions de prévention dans la durée, programmes développés au plus près des lieux de vie… Tout comme les mesures sur la réduction des risques (RDR) – même si nous regrettons l’absence de référence au vapotage, outil avéré de la lutte contre le tabac. Enfin, la volonté affichée de construire un discours public rénové sur les risques induits, en particulier par l’alcool, est une bonne chose, comme l’a compris le Conseil économique, social et environnemental (Cese) [1]. Il faut trouver le bon équilibre entre une société que certains rêvent sans alcool, les enjeux économiques, ceux de santé publique et la protection des plus vulnérables.
Les structures d’addictologie y trouvent-elles leur compte ?
N. L. Plusieurs mesures les concernent directement : organisation et lisibilité du secteur, partenariat entre le sanitaire et le médico-social, lien entre les centres d’accompagnement Csapa et Caarud, évolution du référentiel de RDR… Par ailleurs, sur l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque [2], l’évolution du cahier des charges devient urgente pour s’adapter aux nouveaux usages. Or, rien ne bouge depuis plus d’un an. Les acteurs de santé publique ne peuvent être laissés seuls en première ligne pour convaincre de la pertinence des actions de RDR ! De notre côté, la mobilisation sera poursuivie, même si les incohérences du discours public font perdre un temps considérable.
[1] « Les addictions au tabac et à l’alcool, 2019-2022 », rapport, janvier 2019
[2] Lire Direction[s] n° 155, p. 4
Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 172 - février 2019