Quel regard portez-vous sur ce texte amendé ?
Jean-Paul Raymond. Même dans sa version initiale, il était ambigu. D’une part, par son timing, puisque des travaux sont déjà en cours sur la protection de l’enfance (contractualisation avec l'État, préparation du Pacte). D’autre part, il prévoit une obligation d'accompagnement pour les départements sans réellement définir de compensation financière. C’est pourtant le cœur du sujet ! Si la plupart de ces derniers se désengagent des contrats jeunes majeurs (CJM), c’est bien pour une raison budgétaire.
Le texte instaure un contrat d’accès à l'autonomie. Se substituerait-il au contrat jeune majeur ?
J.-P. R. Que certains départements considèrent ce nouveau contrat comme leur seule obligation : c’est la crainte exprimée, à juste titre, par des associations. Mais ils ne pourront jamais être l’alpha et l’oméga de l’accompagnement et se substituer aux CJM étant donné le budget de 60 millions d'euros prévu par l'État. Par exemple, Paris consacre déjà à lui seul environ 40 millions d'euros par an pour la signature de 1280 CJM. Cette enveloppe incitera uniquement à créer des postes d’accompagnant… Et qui paiera pour le logement ?
Ces mêmes associations dénoncent l’exclusion d’une partie des jeunes majeurs de ces contrats. Partagez-vous leurs craintes ?
J.-P. R. En créant une discrimination par l’âge, ce texte aura en effet des effets pervers. Je pense notamment aux mineurs non accompagnés (MNA), déjà stigmatisés par le fichage national biométrique, qui risquent d’être exclus. Un mois, deux mois… Qu’est-ce que cela change dans la nécessité d'accompagner le majeur ? Laissons faire les professionnels du terrain qui connaissent les jeunes et analysent chaque situation de manière individuelle ! On créé un cadre rigide alors que nous avons besoin de souplesse. Il faut prendre le temps de réfléchir et surtout d’intégrer le sujet dans un projet global sur la protection de l'enfance.
Propos recueillis par Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 176 - juin 2019