Les mois passent et le Covid-19 reste. Les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) doivent faire face à la seconde vague de l’épidémie de coronavirus sans pour autant s’estimer suffisamment armés. En effet, selon le baromètre Direction[s] [1], seul un quart des directeurs et cadres jugent avoir la capacité et les ressources pour résister à ce risque sanitaire permanent. Témoignant que leurs équipes étaient, à la rentrée, en majorité « inquiètes » (32 %) et surtout « épuisées » (36 %) par la première vague, notamment dans les structures pour personnes âgées et les services d’aide à domicile.
Une ouverture risquée ?
Face à cette situation délicate, les pouvoirs publics assurent toutefois avoir tiré les leçons du printemps. Lutte contre l’isolement des aînés dans les Ehpad, consignes sanitaires révisées, dépistage par tests antigéniques… Les ESSMS ont été outillés pour cette nouvelle donne sanitaire marquée par l’ouverture vers l'extérieur dans un souci de bien-être des usagers. Comme dans le secteur du handicap, où les structures pour enfants et pour adultes ne sont pas fermées, tout comme les accueils de jour et les plateformes de répit quand les retours en famille le week-end sont possibles.
« La période est aujourd’hui très différente. L’effet de surprise n’est plus là et les équipes ont acquis de l'expérience. Le principe est désormais la continuité de l’activité dans tous les domaines avec l'ouverture des écoles, qui change considérablement la donne », résume Fabienne Quiriau, la présidente de la Convention nationale des associations de protection de l'enfant (Cnape).
Elle relève néanmoins l’inquiétude sur le terrain autour des risques de contamination liés au collectif. En cause ? Le maintien des réunions, les allers-retours des enfants scolarisés ou encore le port du masque non obligatoire pour les majeurs en accueil provisoire et les enfants résidant sur place, sauf en cas de suspicion de Covid-19. « Si la souplesse générale est bienvenue, elle fait peser une responsabilité supplémentaire en termes de sécurité sur les épaules des managers », complète Jérôme Voiturier, le directeur général de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss). Autre crainte : l’attention portée aux plus précaires, à mesure que la crise progresse. Dans sa dernière instruction [2], le gouvernement met l'accent sur l'hébergement des sans-abri et la coordination départementale des actions, en lien avec les associations.
Le défi RH
« On sent l’engagement des pouvoirs publics, notamment sur la problématique des ressources humaines (RH), mais la situation reste très compliquée », poursuit Jérôme Voiturier. Depuis la rentrée, le gouvernement a en effet multiplié les dispositifs pour pallier les problèmes d’effectifs. Jusqu'au 31 décembre prochain, les employeurs du secteur peuvent bénéficier de prêts de main-d'œuvre dans des conditions avantageuses [3]. Devant les besoins spécifiques des Ehpad, une campagne de recrutement a été lancée, en appui sur le service public de l’emploi. En outre, les surcoûts nets des établissements pour personnes âgés et handicapées (renforts RH, achat d’équipements de protection individuelle) sont compensés, et les heures supplémentaires des agents de ces structures dans l’hospitalière bénéficient d’une nouvelle majoration, là où le virus circule activement [4].
« Ces dispositifs sont intéressants, mais difficiles à mettre en œuvre alors que l’urgence est par définition maintenant, pointe Jérôme Voiturier. Il est beaucoup plus compliqué de mobiliser après l’imbroglio autour des primes Covid-19, et les mesures salariales centrées sur le secteur public. » L’accélération de la revalorisation est en effet de mise dans les Ehpad publics, avec l’avance au 1er décembre du deuxième versement prévu par le Ségur de la Santé [5] quand les établissements du privé sont encore suspendus à la transposition de ces mesures par accords collectifs ou décisions unilatérales de l’employeur [6].
Avant les conclusions de la mission sur l’attractivité des métiers de l’autonomie, confiée à l’ancien directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine Michel Laforcade, que les acteurs espèrent rendues au plus vite.
[1] Réalisé du 6 au 26 octobre. Plus de résultats dans ce numéro p. 21
[2] Instruction interministérielle du 3 novembre 2020
[3] Décret n° 2020-1317 du 30 octobre 2020
[4] Arrêté du 31 octobre 2020
[5] Décret n° 2020-1309 du 29 octobre 2020
[6] Instruction n° DGCS/SD5C/DSS/SD1B/CNSA/DESMS/2020/188 du 28 octobre 2020
Laura Taillandier
Des moyens renforcés pour la santé mentale
« La psychiatrie doit continuer à suivre ceux qu’elle connaissait, ceux qui, pourtant stabilisés, ont décompensé après le printemps, ainsi que ceux qui, fragilisés par cette période difficile, n’appartenaient à sa file active », prévient Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Union nationale de familles et amis Unafam. Un triple défi qui nécessite des moyens conséquents, a plaidé dès octobre un collectif associatif. Via le budget de la Sécurité sociale ou celui alloué au Ségur de la Santé, qui prévoit 40 millions d’euros pour soutenir l’offre psychiatrique et psychologique. Une enveloppe qui oublie le déficit de dispositifs médico-sociaux, pointent les organisations qui réclament d’être associées à son fléchage. Autre priorité ? Le déploiement finalisé des projets territoriaux de santé mentale (PTSM). « Sans moyens, ils ne pourront aboutir, reprend Marie-Jeanne Richard. Or, ils ont montré qu’ils pouvaient être l’occasion pour les secteurs sanitaire, social et médico-social de travailler ensemble et d’identifier des axes de progrès. »
Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 192 - décembre 2020