Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé
Fin février, les pouvoirs publics ont annoncé, lors de la traditionnelle conférence salariale, les nouveaux taux de revalorisation de la masse salariale pour les principales branches. Si celles de l’union intersyndicale Uniss (convention collective nationale de 1965 – CCN 65) et de l’action sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass) s’en tirent avec + 1,25 %, pour celle de l’aide à domicile (BAD) 2020 ne sera pas une nouvelle année de vaches maigres, veulent croire les pouvoirs publics : + 2,7 % [1]. Soit « plus de 310 millions d’euros tous financements confondus destinés à revaloriser les salaires des professionnels qui accompagnent au quotidien les personnes les plus fragiles », indique la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Et en particulier, ceux de la BAD dont les équipes se trouvent aussi en première ligne face à l’épidémie de coronavirus (lire p. 4).
Quel circuit de distribution des crédits ?
Un « premier pas qui permettra de sortir plusieurs coefficients de l’immersion sous le Smic », se sont félicités les employeurs de l’USB-Domicile. Qui ont fait leurs comptes. « Cette revalorisation promise par l’État implique tout de même que les départements mettent eux aussi la main à la poche, rappelle le président de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) Guillaume Quercy. Or, rien ne le garantit. »
L’annonce de la DGCS matérialise en réalité celles faites quelques jours plus tôt par le ministre Olivier Véran, là encore pour « soutenir le champ et anticiper la réforme » promise « à l’été ». Notamment ? L’abondement de l’enveloppe allouée en 2020 par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux services (+20 millions d’euros), ainsi portée à 70 millions d’euros. Des crédits débloqués cette année pour financer des augmentations de salaire… pérennes par définition, souligne Guillaume Quercy. « Par ailleurs, quel circuit suivront-ils pour arriver sur les territoires jusqu’aux services ? Nous préconisions qu’ils passent plutôt par les ARS. »
Objectif : revalorisation des rémunérations
Ce coup de pouce sera-t-il suffisant pour financer l’avenant relatif à la nouvelle classification des emplois et au nouveau système de rémunérations, conclu le 26 février par les partenaires sociaux ? « Bien qu’important, l’effort est clairement insuffisant pour couvrir cet accord, répond la secrétaire nationale de la CFDT Santé sociaux, Clotilde Cornière. D’autres mesures seront nécessaires, faute de quoi les salariés ne comprendraient pas compte tenu du manque d’attractivité de notre secteur ! » « Cet accord équivaut à une augmentation de 16 % de la masse salariale, évalue Guillaume Quercy. On est bien loin des 2,7 % annoncés, même si une mise en œuvre progressive du texte est envisageable. » L’enjeu est important. « Ces nouvelles dispositions permettent une progression de carrière, de changer de catégorie d’emplois (voire de filières), mais aussi d’échelon. Et ce, en valorisant les diplômes comme les compétences et l’expérience professionnelle – attachées à la branche, et non plus seulement à l’entreprise, résume Clotilde Cornière. Si l’avenant est agréé, il fera de notre texte conventionnel une des conventions collectives où les rémunérations sont les plus élevées du champ sanitaire et social. » L’accord était, mi-mars, en attente d’agrément. Une formalité ? « Je vois mal comment il pourrait ne pas être agréé, sachant qu’il ne fait que mettre en œuvre les recommandations des rapports Libault et El Khomri, récemment réaffirmées par le ministère », rappelle Guillaume Quercy. Aux pouvoirs publics de « prendre leur responsabilité » donc.
(1) contre 1% l’année précédente
Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 185 - avril 2020