Vous dressez un tableau très noir des CEF. Quelle est aujourd'hui l'urgence ?
Dominique Simonnot. Notre rapport [1], fruit des visites sur place des contrôleurs depuis plusieurs années, met en lumière de grandes disparités entre les centres et de fortes lacunes surtout en termes de gestion des ressources humaines. Le principal enjeu aujourd’hui est d’assurer la pérennité des équipes face à un turn-over encore trop important. Il faut rendre ces métiers plus attractifs, avec une perspective de carrière mais aussi en réfléchissant à des primes spécifiques sur le modèle de ce qui peut se faire dans l’éducation prioritaire par exemple. Il faut aussi mettre l’accent sur la formation. Malgré le plan lancé en 2016, les éducateurs sont encore trop peu outillés pour gérer ces mineurs, notamment dans les situations de violence.
Que faut-il parfaire en termes de conditions d’accueil et de prise en charge ?
D. S. Il faudrait améliorer considérablement l’enseignement dispensé aux enfants dans les nombreux CEF touchés par des vacances de postes d’enseignants, peu formés pour intervenir auprès de ce public, et où le nombre d'heures de cours est très inférieur à celui en extérieur. Elles devraient au contraire être plus importantes pour rattraper le retard de ces jeunes en large majorité en décrochage scolaire. Il faut aussi que les centres multiplient les partenariats avec les structures environnantes pour développer les activités proposées, comme les ateliers. Il faut être inventif ! C’est primordial pour permettre à ces enfants de regagner une estime de soi et la confiance dans les adultes qui leur manque tant. De tels liens doivent également se nouer avec le milieu sanitaire pour améliorer l’accès aux soins aujourd’hui très insatisfaisant dans certains CEF.
Y-a-t-il tout de même des réussites encourageantes ?
D. S. J’ai récemment visité un CEF qui, parfait contre-exemple, fonctionne très bien, cela montre que c’est possible ! Il est ouvert et les enfants n’en sortent pas, l’équipe en place depuis longtemps est soudée, très mobilisée, bienveillante et la directrice forme elle-même les éducateurs… Je vais m’attacher à diffuser ces bonnes pratiques, notamment au travers de rapports. Le gouvernement souhaite créer 20 CEF supplémentaires, malgré toutes les difficultés constatées. Pourquoi ne pas plutôt s’attacher à améliorer, comme pour les prisons, l'organisation des structures existantes qui, à part une minorité, aujourd’hui dysfonctionnent ?
[1] « Les droits fondamentaux des mineurs enfermés », rapport publié aux éditions Dalloz, avril 2021
Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 196 - avril 2021