Pourquoi vous êtes-vous penché sur le médico-social [1] ?
Emmanuel Rusch. Nous sommes très inquiets. Après un premier confinement compliqué, nous sommes alertés sur de nombreuses difficultés, notamment l’épuisement des équipes. Le secteur est éprouvé. Dans le champ du handicap, la situation reste sensible car les familles sont fortement touchées. Celui de l’addictologie aussi, car le public est très fragilisé par la crise et ses répercussions, y compris sociales.
En outre, même si des initiatives heureuses ont été prises sur le territoire, la mauvaise articulation avec le sanitaire et le social, comme tout fonctionnement en silo, demeure. Sans compter que les revalorisations issues du Ségur n’ont pas concerné l’ensemble des structures. Cette disparité génère de l’incompréhension et renforce le défaut d’attractivité. C’est une alerte qui tinte tous les jours à nos oreilles ! Ce secteur, souvent négligé, mérite une attention plus soutenue.
Qu’a changé la campagne de vaccination ?
E. R. Il y a une amélioration épidémiologique. En revanche, c’est une charge de travail supplémentaire. Et le déploiement de la vaccination s’est fait dans un premier temps sur des critères d’âge et de comorbidités sans réfléchir à des stratégies populationnelles au sein des structures. Ce qui a amené à ce que les soignants ne soient pas d’emblée prioritaires.
La vaccination des professionnels du secteur doit être promue en développant une approche pédagogique.
Quelle est l’urgence aujourd’hui ?
E. R. Faciliter les conditions d’exercice des professionnels. Cela passe par la mise à disposition de moyens à court terme pour passer ce cap difficile. Des possibilités existent pour mieux répartir la charge de travail, à condition de réfléchir aux organisations au sein des établissements. On ne recrutera pas d’un claquement de doigts. Il faut donc redistribuer les missions afin de soulager certains soignants et transférer à des personnes qui pourraient être embauchées plus facilement des tâches administratives, comme l’accueil des familles, sans sous-estimer son importance.
Des leçons ont-elles été tirées des premières vagues ?
E. R. Il y a une forme d’adaptation, dans la forme et sur le fond, des mesures de lutte contre la pandémie pour répondre au mieux aux besoins, comme les visites des proches dans les structures. Mais les leçons pérennes n’ont pas été tirées, à savoir poser la question de la représentation des usagers dans les établissements et leur prise en compte dans le fonctionnement des organisations. Il faut que les mécanismes décisionnels s’améliorent, comme la communication auprès des gestionnaires, des professionnels mais aussi des usagers, qui doit être anticipée, claire, loyale et adaptée aux différents publics. C’est essentiel.
La crise sanitaire n’a pas brillé par la démocratie en santé. Les représentants d’usagers ont été peu entendus et écoutés. Les conseils territoriaux de santé, les conférences régionales de santé et d’autonomie n’ont pas été assez impliqués. Il y a un manque cruel d’espaces de dialogue ! C’est un sujet à débattre avec tous les acteurs dans le cadre de la loi Grand âge. Il est temps de fixer un calendrier et d’être au clair sur les objectifs poursuivis : on a besoin d’une feuille de route.
[1] « Le secteur médico-social à l'épreuve de la crise Covid-19 », avis du 7 avril 2021, à consulter sur https://solidarites-sante.gouv.fr
Propos recueillis par Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 197 - mai 2021