Comment la situation a-t-elle évolué l’an dernier ?
Marie-Reine Tillon. Elle s’est encore aggravée, comme en témoignent 49 % des répondants. Une demande de prise en charge sur cinq n’a pu être intégralement satisfaite, un quart des services ayant même dû en refuser de nouvelles ! Or, nos adhérents n’effectuent pas des heures de confort, mais l’accompagnement médico-social de personnes fragiles bénéficiaires d'allocations (APA et PCH) ou relevant de la protection de l’enfance. Ils sont des acteurs de santé. Ces difficultés font peser une charge supplémentaire sur les aidants quand ils existent, ou accroissent le risque pour les personnes de finir à l’hôpital si la situation empire. Elles doivent pourtant pouvoir choisir leur mode de vie, avec la garantie d’être accompagnées dignement. C’est une question de citoyenneté.
Les personnels administratifs en pâtissent-ils eux aussi ?
M.-R. T. Oui, et c’est nouveau. Même s’il y avait des premiers signes l’an dernier. Ils sont placés dans des situations impossibles : ils n’ont pas opté pour ce métier pour devoir choisir entre des cas individuels dramatiques ! Tout cela rejaillit sur les équipes et la tension est forte pour les directeurs qui, malgré leurs efforts, peinent à recruter. Leurs offres d’emploi ne reçoivent souvent aucun CV ou attirent des candidats qui renoncent très vite.
L’agrément imminent de l’avenant 43 constitue-t-il une lueur d’espoir [2] ?
M.-R. T. C’est plus que cela, car, outre des augmentations de salaires, il prévoit une révision des catégories de métiers, une valorisation des parcours et des compétences… Tout cela redonne des perspectives aux salariés. Mais ce sera insuffisant pour remédier aux difficultés. Il devient urgent de travailler l’image du secteur : nous attendons le déploiement de la campagne de communication promise par le ministère.
Au-delà, la réforme du statut et du financement des services ne peut plus attendre. Il est temps d’en finir avec le flou : quel que soit son statut, si une structure choisit d’accompagner des personnes fragiles, elle doit relever du médico-social et accepter des contraintes (astreintes, qualification…). Ce choix donnant droit au soutien de la solidarité nationale, impliquant une tarification sans reste à charge extralégal. En revanche, si elle refuse ces obligations, elle ne pourrait plus accompagner les plus fragiles et assurerait les heures de confort.
Vous appelez les financeurs à prendre leurs responsabilités. En savez-vous davantage sur la participation des départements à l’avenant 43 ?
M.-R. T. Non, nous attendons toujours un retour de l’Assemblée des départements de France (ADF) à notre demande de travaux techniques. Il nous faut aussi des garanties des caisses nationales d'assurance maladie (Cnam), vieillesse (Cnav) et des allocations familiales (Cnaf). Si les gestionnaires n’obtiennent pas ces crédits, le risque est grand pour eux : ceux qui refuseront d’appliquer l’avenant pourront être condamnés aux prud’hommes ; les autres pourraient se retrouver au tribunal de grande instance (TGI), s’exposant au dépôt de bilan. Dans tous les cas, les structures en pâtiront, et avec elles des salariés sans emploi et des personnes vulnérables sans prise en charge. À la veille des départementales du mois de juin, les collectivités doivent se souvenir de leurs responsabilités vis-à-vis de ceux qui relèvent de leurs compétences et que ceux-ci, comme les personnels, sont des électeurs. D’ici là, nous interpellerons localement les exécutifs en place comme les aspirants. Une fois les nouvelles équipes installées, avec l’Union syndicale de la branche USB-Domicile, nous donnerons suite à notre campagne « Urgence domicile », lancée début 2021.
[1] Avec Opinion way. Sur www.una.fr
[2] attendu en mai.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 198 - juin 2021