Claire Thoury (Mouvement associatif)
Liberté, égalité, non-discrimination… Les valeurs imposées par ce contrat ne sont-elles pas, en réalité, déjà présentes dans l’ADN associatif ?
Claire Thoury. Absolument, et c’est bien le problème ! Les associations ne sont pas des zones de non-droit, elles sont déjà tenues de respecter la loi qui les contraint à honorer la plupart de ces principes. Pourquoi les stigmatiser en leur imposant un tel document ? En outre, celui-ci s’avère inutile. L’État prétend ainsi s’assurer que ses financements ne bénéficient pas à des associations séparatistes. Or, il a déjà le pouvoir de les dissoudre, alors que leur nombre est marginal au regard des 1,5 million d’organisations existantes ! Nous sommes bien loin de la coconstruction prônée par la charte d’engagements réciproques signée en 2001 avec les pouvoirs publics… Cet outil, présenté par le gouvernement comme un moyen de défense des associations, est pour nous un signe de défiance envers elles.
Pourquoi craignez-vous, en outre, qu’il soit dangereux ?
C . T. Il pourrait porter préjudice à des organisations de défense des droits et des causes par exemple, qui sont susceptibles de mener des actions militantes « coup de poing ». Celles-ci pourraient, à certains endroits, être assimilées à des troubles à l’ordre public et ainsi entraîner la suspension des subventions. Tout cela laisse un trop grand pouvoir d’interprétation à l’administration, sans garantir la transparence et l’équité de traitement nécessaires en matière de recours. Le risque est grand d’affaiblir ainsi la capacité d’initiative et de mobilisation associatives. Enfin, ce nouveau dispositif fait peser une charge supplémentaire sur les épaules déjà lourdes des dirigeants, rendus responsables de sa bonne application et n’aidera pas au renouvellement des gouvernances dans certains territoires.
Quel est désormais l’enjeu ?
C. T. Avec cette mesure, ce quinquennat qui, rappelons-le, a commencé avec la suppression des contrats aidés, finit mal pour les associations, dont le rôle durant la crise sanitaire a pourtant été salué ! Il faut donc continuer à les accompagner dans le déploiement de ce document. Nous recenserons les futures dérives et multiplierons les recours pour obtenir une jurisprudence significative. Au-delà, l’abrogation de ce texte sera une de nos demandes aux candidats à la présidentielle.
[1] Décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 205 - février 2022