Jusqu’où aligner les droits des travailleurs des établissements et services d'aide par le travail (Esat) sur ceux des salariés, sans menacer la survie économique des structures ? C’est la question à laquelle réfléchit depuis cet été une mission des inspections Igas-IGF, conformément aux orientations de la Conférence nationale du handicap. Principale mesure investiguée : porter le montant de la rémunération garantie au niveau du Smic. Ce, en passant l’aide au poste versée par l’État à 85 % du Smic (contre 50,7 % aujourd’hui) et la part allouée par l’Esat à 15 % (contre 9 à 10 % en moyenne, rapporte le secteur).
Un scenario risqué pour les 32 % d’Esat qui, en 2022, connaissaient une situation financière délicate [1]. « S’il se confirmait, la marche serait trop haute sachant que, pour une structure de 100 places, + 1 % de rémunération directe représente 30 000 euros annuels ! », chiffre Didier Rambeaux, président de l’association de directeurs Andicat. Risqué aussi pour les travailleurs, prévient Patrick Maicent, vice-président de l’union nationale Unapei : « Cela signifierait pour eux la perte de l’allocation adultes handicapés (AAH) et des aides connexes (prime d’activité, APL, gratuité des transports dans certaines collectivités...), induisant in fine une baisse de leurs revenus. En réalité, même si ce n’est pas le but, le vrai gagnant de l’opération serait l’Etat qui n’aurait alors plus à verser toutes ces aides... » Un marché de dupes ? Les conclusions des inspections sont attendues en janvier 2024.
Une complémentaire obligatoire
Sans attendre, la facture des gestionnaires s’alourdit déjà. Parmi les nouvelles obligations portées par le projet de loi Plein emploi, adopté fin novembre ? La prise en charge par les Esat des frais de transports, de titres-restaurant, mais aussi d’une complémentaire santé à compter de juillet 2024. Montant de cette dernière mesure : 35 millions d’euros, ont chiffré cet été les têtes de réseaux, pourtant favorables à ces nouveaux droits.
Sans compter le coût de la double rémunération garantie désormais due aux travailleurs exerçant le dimanche, dont l’impact n’avait, un temps, pas été anticipé [2]. « Tout cela suscite beaucoup d’inquiétudes chez les directeurs, encore en train de digérer les premiers effets du Plan de transformation », rapporte Didier Rambeaux. Autant de sujets à inscrire à l’ordre du jour du prochain comité de pilotage du plan... dont « pour l’heure, pas une réunion ne s’est tenue », rapporte Andicat.
[1] Observatoire économique national des achats responsables 2022-2023, étude du Gesat
[2] Lire Direction[s] n° 221, p. 7
Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 225 - décembre 2023