Arnaud Vinsonneau, associé cabinet Jegard Créatis.
Pourquoi cet avis est-il si important ?
Arnaud Vinsonneau. Depuis des années, les avis divergent pour savoir si le cadre fixé par le Code de la commande publique (CCP) s’applique aux gestionnaires privés d’établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). D’un côté, la Cour des comptes et certaines chambres régionales affirment qu’ils sont tenus de l’appliquer, quand la Compagnie nationale des commissaires aux comptes a indiqué le contraire dès 2018. Un an plus tard, le ministère de l’Économie estimait, quant à lui, qu’il convenait d’analyser les situations au cas par cas ! Pourtant, le sujet est important : le non-respect des règles et procédures par ceux qui y sont tenus peut entraîner des sanctions pénales.
Le Conseil d’État a interrogé la nature du contrôle exercé par l’administration sur les ESSMS. Pourquoi ?
A. V. Selon le code, sont notamment considérées comme pouvoirs adjudicateurs les personnes morales de droit privé « créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ». Lesquelles doivent aussi être soumises à un contrôle de gestion par un autre pouvoir adjudicateur ou voir leur activité « majoritairement financée » par l’un d’eux. Notons que, dans cette affaire, ce dernier critère ne pouvait être retenu car, tarifés, les ESSMS concernés délivrent des prestations en contrepartie des produits de la tarification qu’ils perçoivent – lesquels ne sont pas visés par le CCP, comme le montre la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. La question était donc de savoir si les règles budgétaires et tarifaires prévues par le Code de l’action sociale et des familles induisent un contrôle de gestion de la part des autorités publiques, susceptible d’influencer le gestionnaire dans le choix de ses prestataires. Non, a répondu le Conseil d’État qui considère que ces règles visent seulement à contrôler la régularité des opérations menées par les gestionnaires privés.
De quoi sécuriser les organisations ?
A. V. Il faut l’espérer. La vraie question est de savoir si les juridictions financières intégreront pleinement cette position claire ou feront de la résistance. En attendant, elle devrait ouvrir plus largement aux associations l’accès à certains fonds structurels européens, dont elles étaient parfois écartées pour cause de non-respect des règles de la commande publique.
Avis n° 489440 du 11 avril 2024
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 230 - mai 2024