Quels prérequis pour la réforme du droit du travail qui entend mieux articuler les niveaux de négociation ?
Hugues Vidor. L’important est le juste équilibre entre dynamisation du marché de l’emploi, sécurisation des parcours des salariés et souplesse pour les entreprises. À leur niveau, de nouveaux domaines de négociation sont certes possibles pour ce qui touche à leur environnement, à l’organisation quotidienne du travail ou au dialogue social. Mais à deux conditions. L’ordre public doit d’abord sanctuariser certaines dispositions auxquelles personne ne pourra déroger (Smic, durée légale du travail…). Ensuite, les branches doivent conserver des « primautés » en matière de classification, de protection sociale, de prévention de la pénibilité… Car dans les TPE-PME, elles constituent souvent le seul lieu de définition du statut collectif et d’organisation en commun de dispositifs, comme la mutualisation des fonds de la formation.
D’autres points de vigilance ?
H. V. Le regroupement des instances représentatives du personnel (IRP) dans les entreprises de plus de 50 salariés va dans le bon sens, dès lors qu’il n’intervient qu’à l’expiration des mandats actuels et avec l’accord des partenaires sociaux. En outre, sauf cas de harcèlement, de violence ou de discrimination, le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement injustifié est aussi nécessaire. Enfin, réfléchir à un contrat de travail unifié serait judicieux : le CDD est trop souvent utilisé pour sécuriser les employeurs, au détriment des salariés et de l’insertion des jeunes. Pour ces derniers, l’effort envisagé en matière de formation professionnelle est une bonne chose. Mais pas aux dépens des besoins existants, en particulier dans l’ESS où la formation continue permet souvent de pallier les carences des cursus initiaux.
Votre sentiment sur la relance des travaux sur le compte pénibilité ?
H. V. Sa dynamique, et au-delà celle du compte personnel d’activité, vont dans le sens de la protection sociale de demain. Néanmoins, les facteurs « travail répétitif » et « postures pénibles » sont à simplifier, voire à supprimer. En outre, les employeurs qui, de bonne foi, adapteraient mal les référentiels de branche doivent être sécurisés.
Regrettez-vous que le gouvernement Philippe II ne compte pas de secrétariat d’État spécifiquement dédié à l’ESS ?
H. V. Attendons d’y voir clair sur les périmètres, car l’ESS a besoin de lisibilité. Si elle relève de la Transition écologique et solidaire, les passerelles existent avec le Travail, l’Éducation nationale ou les Affaires sociales. Seule la consolidation du conseil supérieur et de la délégation interministérielle ad hoc permettra d’amplifier la dynamique amorcée.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 155 - juillet 2017