Ces textes constituent-ils un bouleversement inédit du droit du travail ?
Stéphane Picard. Oui et non. Les nombreux changements relatifs aux relations collectives s’inscrivent dans la droite ligne des réformes engagées depuis plus d’une décennie. C’est le cas de la fusion des instances représentatives du personnel (IRP) au sein du comité social et économique (CSE) pour les organisations de plus de 50 salariés. Ce qui deviendra le principe fin 2019 était une option depuis la loi Rebsamen de 2015 qui permettait un tel regroupement. La négociation collective par d’autres acteurs que les délégués syndicaux est également un mouvement initié par la loi Fillon de 2004. À l'inverse, la possibilité de transférer le pouvoir de négociation et de révision des accords collectifs à un conseil d’entreprise [2] est particulièrement novatrice.
Le rôle régulateur de la branche reste-t-il bien préservé ?
S. P. Les partenaires sociaux craignaient une extension radicale de la primauté de l’accord d’entreprise sur les accords de branche, ce qui n’est pas le cas. Sur onze thèmes (salaire minimum hiérarchique, classifications, durée du travail, CDD…), les accords de branche prévaudront toujours sur ceux d’entreprise. Néanmoins, cette primauté ne s’appliquera pas si un accord collectif d’entreprise « assure des garanties au moins équivalentes » à celles de la branche. Ce qui pourrait relativiser la sauvegarde des prérogatives de cette dernière.
En quoi, cette réforme va-t-elle sécuriser l’employeur comme l'analyse l’Union des employeurs Udes ?
S. P. La mise en place d’un barème pour les dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse permettra d’anticiper les coûts générés par le contentieux prud’homal. En outre, une série de dispositions restreignent le champ des possibles pour le salarié qui n’aura plus qu’un an pour contester la rupture de son contrat (contre deux aujourd’hui). Pour l’employeur, certaines réparations sont réduites : la pénalité en cas de manquement à l’obligation de reclassement d’un salarié inapte passe de 12 à 6 mois de salaire par exemple. Et le gouvernement accorde un droit à l’erreur à l’employeur en l'autorisant à compléter les motifs énoncés dans la lettre de licenciement après l’avoir notifiée. Enfin, si un CDD n’est pas signé dans les 48 heures par le salarié, il ne sera pas automatiquement requalifié en CDI comme c’est le cas actuellement.
[1] Loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017
[2] En cas d'accord majoritaire, le comité social et économique prend le nom de conseil d'entreprise et est doté de la compétence pour négocier, conclure et réviser des accords.
Propos recueillis par Noémie Colomb
Publié dans le magazine Direction[s] N° 157 - octobre 2017