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Contrats aidés
Des séquelles durables

21/11/2018

Le secteur social et médico-social est profondément marqué par la chute drastique du nombre de contrats aidés. Un an après le choc de l’annonce gouvernementale, et alors que les Parcours emploi compétences (PEC) peinent à prendre le relais, les gestionnaires ont peu de visibilité sur les réformes qui pourraient leur redonner des marges de manœuvre.

Plus d’un an après la baisse brutale des contrats aidés, les employeurs du secteur accusent toujours le coup. Annoncée sans concertation au cœur de l’été 2017, cette réduction à 200 000 nouveaux postes cette année (contre 320 000 en 2017 et 459 000 en 2016) les a fortement bousculés. En particulier dans les champs des personnes âgées et de l’insertion [1], pour qui ils étaient un levier important afin de recruter et former des personnels dans un contexte financier tendu.

Face à la forte mobilisation des acteurs, le gouvernement s’était engagé à cibler le dispositif sur le secteur non marchand et à préserver celui de « l’urgence sociale et de la santé ». Mais « ces mesures se sont avérées insuffisantes pour compenser à court terme les effets désastreux de leur limitation drastique », constatait dès février 2018, un rapport parlementaire [2]. Ce fut d'ailleurs l’un des éléments déclencheurs des grèves de janvier et mars dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les services d’aide à domicile (Saad).

Aujourd’hui, comment le secteur fait-il face à cette nouvelle donne ? Dans les faits, de nombreux postes n’ont pas pu être reconduits et certaines activités arrêtées ou restreintes. Ainsi dans les Ehpad, « gros consommateurs de contrats aidés, les gestionnaires n’ont pas pu les garder alors qu’ils permettaient de renforcer les équipes auprès des résidents », pointe Jean-Pierre Riso, président de la fédération de directeurs Fnadepa. Dans les maisons de retraite publiques, « entre un tiers et la moitié des contrats n’ont pas pu être renouvelés », estime de son côté Emmanuel Sys, secrétaire national du syndicat Syncass-CFDT, qui note que pour pallier l’absence de ces personnels, il a fallu embaucher des contractuels en CDD et du personnel plus précaire.

« Rupture de confiance »

De surcroît, le secteur reste en partie à l’écart du nouveau Parcours, emploi, compétences (PEC) qui devait prendre le relais. Si tous les acteurs en valident la philosophie, fondée sur le tryptique « emploi, accompagnement, formation », ils tardent à s’en saisir. Une désaffection liée à la « rupture de confiance entre les employeurs associatifs et le gouvernement qu’ont provoqué des décisions prises sans concertation, explique Hugues Vidor, président de l’Union d’employeurs Udes. Début 2018, il était aussi difficile pour les gestionnaires de se lancer dans un nouveau dispositif sans savoir réellement où ils allaient ».

En outre, celui-ci est plus contraignant, car les employeurs sont sélectionnés pour leur capacité à accompagner et former des personnes éloignées du marché du travail. Formalisés lors d'un premier entretien réunissant Pôle Emploi, l’employeur et le futur salarié au moment de la signature de la demande d’aide, ces engagements font l’objet d’un suivi, avant d’être réexaminés par un entretien de sortie. « Cela demande aux structures des aptitudes qu’elles n’ont pas. Elles doivent établir des plans de formation et de montée en compétences. Et n’ont souvent pas les outils ad hoc », déplore Loriène Mulder, chargée de mission Emploi-Formation à la Fédération des acteurs de la solidarité. Une lourdeur administrative qui en a découragé plus d’un, « en particulier dans les plus petites organisations », pointe Éric Béasse, secrétaire général de la fédération Coorace pour qui « le tryptique ne peut fonctionner que si des financements sont consacrés aux frais liés à l’accompagnement ».

Aide financière insuffisante

Or, l’aide de l’État est clairement moindre que dans le cadre des contrats aidés. Fixée par les préfets de région, elle oscille entre 35 % et 60 % du Smic selon les territoires, contre 70 à 75 % pour les contrats aidés. Et si « certains départements ont complété ce financement insuffisant, cela ne fait que contribuer aux disparités territoriales », déplore Laurence Postel, présidente de la conférence des directeurs d'établissements publics CNDEPAH.

Autre écueil ? La très courte durée des PEC (neuf à douze mois), incompatibles avec les formations longues majoritaires dans le champ. De plus, « le dispositif est ciblé sur les demandeurs d’emploi les plus éloignés du monde du travail et de notre secteur, explique Emmanuel Sys. Conséquences ? « Les candidats potentiels sont moins nombreux et ont de fortes problématiques sociales. Ils lâchent souvent en cours de route. Dans la structure que je dirige, 30 % des PEC se sont arrêtés au bout d’un mois », poursuit-il. Dans l’aide à domicile, certains préfets ont même exclu les postes d’intervenants à domicile de la démarche (lire l'encadré). Enfin, la possibilité accordée aux préfets d’utiliser les crédits dédiés aux PEC pour l’insertion par l’activité économique (IAE) dans le cadre du fonds d’inclusion dans l’emploi, a desservi leur mise place.

Ce retard à l’allumage n’a pas été sans répercussions pour le secteur. Ainsi à Vertou (Loire-Atlantique), les contrats des résidents du centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de l’association Saint-Benoît Labré, qui travaillaient à l’Atelier vie active, n’ont pas été renouvelés. « N’entrant pas dans les critères des PEC, nous sommes revenus au système antérieur : ils ne sont plus salariés mais rémunérés au pécule à hauteur de 30 % du Smic », explique Gilles Ducassé, son directeur général.

Sous-consommation

Au-delà, le timide déploiement des PEC a entraîné leur sous-consommation en 2018. Constat qui conduit à… une nouvelle baisse programmée pour 2019. Le plus sûr moyen de justifier a posteriori cette coupe et, à terme, l’extinction du parcours ? La question se pose, d'autant que le gouvernement n’a pour l'heure donné aucune suite à sa promesse, faite le 20 juillet aux acteurs de l’insertion, d’installer un groupe de travail pour améliorer les PEC. Il est vrai que l’exécutif mise davantage sur le développement d’« une stratégie de compétences » que doit permettre notamment la réforme de la formation professionnelle. Reste que des incertitudes persistent sur les effets de ce vaste chantier. En particulier, pour les structures de plus de 50 salariés « la réforme supprime l’accès à certains dispositifs comme la préparation opérationnelle à l’emploi », pointe Hélène Lemasson-Godin, directrice des ressources humaines de l’Union nationale UNA, qui prédit aussi que la suppression de l'accès au fonds légaux pour leurs plans de formation les fragilisera.

Alors que de nombreux décrets sont toujours en attente de publication, « la mise en place des mesures de la loi Avenir professionnel ne s’effectuera pas avant 2020, fait remarquer Dorothée Bedok, directrice du pôle Relations sociales de l’organisation patronale Nexem. Un temps long sera nécessaire entre l’appropriation par les acteurs et la perception des premiers effets en matière d’emploi et de formation ». De même, la concertation Grand Âge, lancée début octobre, et qui porte, entre autres, sur les enjeux de la formation des professionnels, de la qualité de vie au travail et de l’attractivité des métiers, ne se concrétisera qu’à moyen, voire long terme.

Et pour 2019 ? Le gouvernement fait le pari de l’allégement général de charges pour redonner des marges de manœuvre aux associations. Sans convaincre : plusieurs fédérations d'employeurs (dont Nexem, la Croix-Rouge française et la Fehap), dans un courrier envoyé au Premier ministre début octobre, faisaient part de leur crainte que cette mesure ne « s’accompagne d’une baisse des tarifs et budgets ». Face à ces perspectives moroses, le plan d’action pour la vie associative, qui devait être annoncé début décembre notamment pour soutenir les organisations employeurs, pourrait-il venir éclairer l’avenir de ces structures ?

[1] Lire Direction[s] n° 157, p. 4

[2] « Réduction des contrats aidés : offrir une alternative crédible au secteur associatif », rapport d’information du Sénat, février 2018

Noémie Colomb

« Un impact sur le modèle économique »

Hélène Lemaire, directrice de l’union régionale d’aide à domicile UNA Nord

« Lors de la mise en œuvre des PEC, la Direccte des Hauts-de-France a exclu les métiers du domicile du dispositif au motif que l’accompagnement de l’employeur n’était pas assez structurant. Ce qui est faux : nous mettons en place des modules de formations qui permettent au salarié en contrat aidé de retourner à l’emploi. Par exemple, l’un de nos adhérents, la Maison de l’aide à domicile (800 salariés), a recruté 283 personnes par cette voie depuis 2016 avec toujours un poste en CDI à la clé. La réduction de ces embauches ont privé les services d’une main d’œuvre précieuse et ont augmenté leurs dépenses. Ainsi, le coût du travail a augmenté de 8 % en 2018 et probablement de 11 % en 2019. L’impact sur le modèle économique est énorme. Aujourd’hui, les services de l’État se rendent compte que le dispositif est sous-consommé et commencent à changer de discours. Les décideurs publics doivent nous permettre d’en bénéficier. »

Repères

  • 43 000 personnes étaient salariées en PEC fin juin 2018 (source : Dares).
  • Pour soutenir les petites structures, l’Udes réclame une ligne budgétaire dans le cadre du PLF pour 2019 permettant de soutenir la création de 38 000 « emplois responsables ».
  • 100 000. C’est le nombre de PEC programmés en 2019 (hors Éducation nationale), contre 459 000 contrats aidés en 2016 (Source : Dares).

Publié dans le magazine Direction[s] N° 170 - décembre 2018






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