Avez-vous été saisie des tensions perceptibles sur les territoires ?
Virginie Lasserre. En effet, les fédérations nationales nous ont fait part de leurs difficultés en matière de recrutement à l’occasion des réunions organisées dans le cadre de notre cellule de gestion de crise. Le contexte sanitaire a de toute évidence exacerbé les besoins déjà existants. S’il est, pour l’heure, difficile de les objectiver et de connaître précisément les causes des difficultés faute de données suffisantes, le sujet est particulièrement prégnant dans le champ du grand âge, où les besoins concernent surtout les profils d’aides-soignants et d’auxiliaires de vie.
Quelles mesures ont été déployées pour aider les employeurs à faire face ?
V. L. Il y a évidemment les solutions de moyen et long termes relatives aux questions d’attractivité, de revalorisation salariale, de qualité de vie au travail… Autant de sujets de fond qui feront l’objet du prochain plan Métiers inclus dans le projet de loi Autonomie. Mais, pour répondre à l’urgence, les cellules RH mobilisées durant le printemps par les ARS, le plus souvent sous la forme de plateformes dématérialisées, ont d’abord été pour partie pérennisées – permettant ainsi la mise en relation de personnes disponibles et d’établissements demandeurs. Pour plus d’efficience, le ministère des Solidarités et de la Santé a développé une plateforme nationale, entrée unique regroupant les différentes entités territoriales, pour mettre en relation les volontaires et les établissements et services ayant des besoins en personnel. En outre, la réserve sanitaire est aussi mobilisable par les structures, même si, là aussi, on constate souvent un manque d’adéquation entre leurs besoins et le profil des candidats. Autre dispositif réactivé ? Le vivier de directeurs volontaires constitué par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG).
Par ailleurs, outre la plateforme nationale de bénévoles, nous avons décidé de recourir davantage aux volontaires du service civique : la liste de leurs missions autorisées a été élargie pour mieux répondre aux attentes du terrain. 100 000 missions supplémentaires sont prévues d’ici à fin 2021, dont 20 000 d’ici à la fin de cette année. Enfin, nous avons plaidé auprès du ministère du Travail pour qu’une partie des contrats aidés soient fléchés vers le secteur. Tous ces outils ont évidemment leur importance, mais je reste convaincue que c’est d’abord au niveau local que les notions de recrutement et de renfort RH doivent se travailler.
Comment comptez-vous mettre à contribution le service public de l’emploi ?
V. L. L’urgence rejoignant aujourd’hui les besoins structurels du secteur, il est urgent de passer à la vitesse supérieure en matière de recrutement. C’est pourquoi je suis intervenue très récemment devant les directions régionales de Pôle Emploi du territoire, et je vais le faire prochainement devant les représentants des missions locales, afin d’inciter à leur mobilisation pour recenser les besoins précis des services d’aide à domicile (Saad) et des Ehpad, et permettre ensuite des recrutements rapides. De belles réussites ont déjà eu lieu en la matière, comme dans le Finistère où des ex-salariées de l’agro-alimentaire ont été embauchées dans un Saad après leur licenciement grâce à un tutorat en interne. Cette mobilisation du service public de l’emploi était déjà prévu sur le moyen terme, mais nous nous sommes saisis du contexte sanitaire pour accélérer le calendrier.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 191 - novembre 2020