Réglementation pointilleuse et abondante, nouvelles coopérations, politiques publiques complexes… C’est dire si ces dernières années le secteur est confronté à de multiples transformations face auxquelles les directeurs et cadres doivent plus que jamais être outillés. Car ces mutations ne sont pas sans conséquence sur la réalité et l’étendue de leurs missions… Donc sur leurs besoins en matière de professionnalisation et de formation.
De nouvelles compétences
Première évolution notable : les organigrammes des structures qui, sous l’influence des phénomènes de mutualisation et de regroupement, ont largement évolué ces dernières années. Une tendance dont témoigne l’Enquête emploi 2017 de l’Observatoire et de l’organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) Unifaf [1]. Dans la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass), les directeurs généraux (DG) et leurs adjoints ont vu leur nombre diminuer de 28 % sur les cinq dernières années. « Moins nombreux, les DG et leurs adjoints pilotent des équipes plus étoffées, ce qui atteste de la recherche d’une meilleure performance organisationnelle, d’un mode de travail plus transversal et d’une notoriété accrue des associations », observe Jean-Pierre Delfino, directeur général d'Unifaf. Dans le même temps, l'effectif des cadres et chefs de service de la filière éducative ou sociale a fondu de 27 %. Grands gagnants de cette restructuration des lignes hiérarchiques ? Les cadres fonctionnels (chef de projet, chargé de mission ou de communication, contrôleur de gestion, responsable qualité) et les chefs de service administratif ou de gestion. « Même s’il pilote plusieurs structures, le directeur aura ainsi probablement moins à gérer des aspects d’analyse financière par exemple, complète François Noble, directeur de l’Association nationale des cadres du social (Andesi). Ce, souvent, au profit d’un renforcement de ses compétences managériales. »
Autre enjeu prégnant ? La pyramide des âges et les départs à la retraite. 48 % des directeurs d’établissements et 55 % des DG de la Bass ont plus de 55 ans. Tendance identique dans la fonction publique territoriale [2], où en 2014, les agents de la catégorie A notamment étaient surreprésentés dans les bataillons de futurs retraités. Le manque de bras se fait d’ores et déjà sentir.
Le secteur doit donc à la fois permettre l’évolution en interne de cadres susceptibles, à l’issue d’une formation continue, de prendre la tête de structures, mais aussi attirer à lui des recrues aux profils plus diversifiés. Dans ce domaine, le mouvement est en marche. La génération montante de directeurs compte bon nombre d’hommes et de femmes issus de champs divers (banques, commerce…) [3]. « Il y a pour ces derniers la nécessité de personnaliser les formations, car ils ont avant tout besoin d’une acculturation au secteur », avance François Noble. Plus globalement, les cadres semblent convertis aux vertus de la mobilité professionnelle qui se révèle même être une nécessité pour 56 % d’entre eux, comme le relevait l’enquête menée par Direction[s] auprès de ses lecteurs et parue en janvier 2014 [4].
Le Cafdes : la référence
Ces mutations influent sur la liste et le contenu des formations proposées aux directeurs et cadres. La filière de l’encadrement est-elle encore adaptée ? La reconnaissance au niveau II des diplômes de travailleurs sociaux (pour les étudiants sortant de formation à partir de 2021) pourrait notamment fragiliser la base de la pyramide, en dévalorisant le certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (Caferuis), créé il y a 13 ans, et destiné aux cadres intermédiaires et aux chefs de service. Le chantier de la réingénierie devrait être lancé fin 2018. En attendant, le certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale (Cafdes), diplôme de niveau I certifié par l’École des hautes études en santé publique (EHESP), reste le sésame de référence, mentionné dans les offres d’emploi. « C’est une vraie caisse à outils dans laquelle les directeurs peuvent puiser pour faire face à toutes les situations. Il permet de faire d’eux d’excellents généralistes, notamment dans les blocs de compétences indispensables à leur pratique professionnelle – à savoir en matière de politiques publiques, d’économie, de conduite de projet et de droit social », confirme Philippe Gaudon, président délégué général du cabinet de conseil Efects. De plus, ce diplôme diversifié se veut en phase avec les mutations actuelles car inscrit dans les logiques de mutualisation et de développement des partenariats prônées par les pouvoirs publics. D'une durée de 24 à 30 mois, la formation coûte en moyenne entre 12 000 euros et 17 000 euros, quand un Caferuis (également accessible par la VAE) varie entre 7000 et 8000 euros.
Parmi les titres professionnels menant à des postes de cadres, le diplôme d’État d’ingénierie sociale (Deis), de niveau I, accompagne l’émergence de nouveaux profils : chargés de mission, conseillers techniques, ou chefs de projet.
Une offre pléthorique
Les obligations de qualification imposées par le décret du 19 février 2007 [5] avaient accéléré la tendance. Onze ans plus tard, les objectifs semblent globalement atteints, comme en témoignait en 2011 une étude de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) [6]. Du fait de l'évolution du secteur, d'importants besoin de formation demeurent, aiguisant l’appétit de nombreux opérateurs, à l’image des grandes organisations professionnelles. Mais pas seulement. Seules ou en partenariat avec des instituts régionaux du travail social (IRTS), les universités et les grandes écoles ont également investi le créneau en proposant nombre de masters professionnels. Objectif ? Permettre aux cadres et à l’ensemble des travailleurs sociaux, de parfaire leurs connaissances en RH, management, évaluation… Un dédale au sein duquel les candidats doivent trouver leur chemin.
[1] Enquête emploi 2017 de l’Observatoire et de l’organisme collecteur Unifaf de la Bass, à télécharger sur www.unifaf.fr
[2] Panorama 2016 de l’emploi territorial, données de la Fédération nationale des centres de gestion et de l’Association nationale des directeurs et directeurs adjoints des centres de gestion
[3] Lire Direction[s] n° 137, p. 20
[4] Lire Direction[s] n° 116, p. 26
[5] Les directeurs doivent détenir une certification de niveau I s’ils dirigent une ou plusieurs structures sociales ou médico-sociales répondant cumulativement à deux des trois seuils suivants : plus de 50 salariés, bilan supérieur à 1,5 million d’euros, plus de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires.
[6] Étude visant l’évaluation du dispositif de qualification obligatoire des directeurs d’établissements et services sociaux et médico-sociaux, cabinet Geste pour la DGCS, décembre 2011
Gladys Lepasteur avec Clémence Dellangnol
Recomposition du secteur, évolution de l'encadrement
Toujours plus concentrées, les organisations du secteur affichent des effectifs de plus en plus volumineux, dépeint l'Enquête emploi 2017 d'Unifaf : tandis que la part des associations mono-établissement recule de 7 % par rapport à 2012, les structures employant plus de 300 personnes rassemblent 62% des salariés. Les sièges sociaux — désormais en place dans 72 % des associations multi-établissements — s'étoffent et se structurent autour de directions et services de plus en plus diversifiés : ressources humaines, gestion des risques et de la qualité, informatique, communication, gestion du patrimoine, développement des projets... La féminisation des emplois (76 % des effectifs du secteur) se répercute sur l'encadrement: les femmes occupent désormais 42 % des emplois de directeur général/directeur général adjoint, et 54 % des postes de directeur d'établissement ou de pôle. C.D.